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De l’utilité du taoïsme par temps de pandémie

Le billet du vaurien


De l’utilité du taoïsme par temps de pandémie
Portrait de Lao Tseu 17e siècle Chine / Auteur inconnu Bibliothèque nationale © Archives Snark / Photo12 via AFP

Le billet du vaurien


Même ceux qui n’ont aucune culture philosophique, qui n’ont jamais entendu parler d’Arthur Schopenhauer (qui est au pessimisme ce que Marx fut au communisme), connaissent cette citation célèbre de l’oncle Arthur : « La vie oscille comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui. »

Cette oscillation est pratiquement une loi de l’existence. Aucun domaine ne lui échappe. Ainsi, après avoir louangé l’universalisme, nous revenons au provincialisme (même Macron a fini par s’en rendre compte). Après avoir béni l’individualisme, nous applaudissons le retour du collectivisme. Après avoir fait de la jouissance un impératif, on revient, penaud, au puritanisme. Même Dieu dont la mort nous avait soulagés, retrouve des armées prêtes à en découdre pour nous L’imposer. Bref, l’Histoire n’est qu’un Éternel Retour et l’idée de Progrès une chimère.

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Ne m’accusez pas trop vite d’aligner des platitudes, car je voulais en venir à un lointain ancêtre d’Arthur Schopenhauer, à savoir Lao-Tseu (570-490 avant J.-C) qui a le double mérite, à mes yeux, d’écrire bref et sous une forme poétique, en torpillant tout jugement de valeur. Ce pourquoi les jésuites assimilèrent le « Tao-tö king » à un traité de sorcellerie. Comprendre que la distinction du Bien et du Mal est une maladie de l’esprit, tout Bien entraînant un Mal et tout Mal un Bien, est difficile à accepter pour un esprit occidental. Et pourtant, comme le notait Michel Leiris, les sentences sibyllines, apparemment simples, mais douées d’étranges prolongements, sont chargées d’une vérité trop ancienne et trop élémentaire pour n’être pas incontestable.

Prenons un exemple qui aurait ravi Schopenhauer :

« Tout le monde tient le beau pour le beau,
c’est en cela que réside sa laideur.
Tout le monde tient le bien pour le bien,
c’est en cela que réside son mal. »

Une fois qu’on a compris cela, mieux vaut adopter la tactique du non-agir et pour le sage pratiquer l’enseignement sans parole, car «  toutes choses du monde surgissent sans qu’il en soit l’auteur.»

Lao-Tseu ne se faisait aucune illusion sur la portée de ses préceptes. Non sans humour, il arrivait à la conclusion que ses sentences sont certes très faciles à comprendre et à pratiquer, mais ajoutait-il, « nul ne peut les comprendre, ni les pratiquer. » Abandonnons donc les hommes à leur folie, surtout en cette période de psychose collective. Mais qui sait ? Certains trouveront peut-être dans la lecture du « Tao-tö king » et de Schopenhauer un soulagement au mal de vivre et un remède à leurs délires, notamment à celui répété ad nauseam, à savoir que plus rien ne sera comme avant après cette pandémie.

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