Malgré une superbe photographie, Sur le chemin de la rédemption de Paul Schrader nous sert une histoire invraisemblable et grotesque.
Confiné dans ma maison au pays pagan alors que souffle un vent du nord sentant bon le houblon, j’ai visionné le DVD Sur le chemin de la rédemption, le dernier film de Paul Schrader (2017) dont nous pouvons déplorer l’absence de sortie sur les écrans de cinéma français.
Le film conte l’histoire de l’ancien aumônier militaire Ernst Toller, très marqué par la mort de son fils – dont il avait fortement encouragé l’engagement militaire –,lors de la guerre en Irak. Pasteur dans une petite paroisse protestante liée à une puissante église évangélique, c’est un homme d’Église aux prises avec ses démons intérieurs, la solitude et l’alcool, la culpabilité, la faute, le péché.
Un début prometteur
Le début du film semble prometteur, le pasteur tient son journal quotidien comme dans le Journal d’un curé de campagne (roman de Georges Bernanos et film de Robert Bresson, tous deux sublimes). À l’issue d’une messe, Ernst Toller rencontre une jeune femme enceinte Mary (Amanda Seyfried) qui lui demande assistance pour son mari Michael (Philip Ettinger), un militant écologique angoissé et perdu. Le pasteur se rend chez le couple et entame une discussion métaphysique et politique avec Michael, hanté par sa vision apocalyptique de la Terre, la pollution, le réchauffement climatique, la fin du monde, le refus de faire des enfants… Ernst Toller décide de revoir le jeune homme pour le comprendre et l’aider à reprendre goût à la vie. Ils se donnent rendez-vous pour le lendemain mais Michael se décommande. Mary révèle au pasteur Toller qu’elle vient de découvrir que son mari projetait de commettre un attentat avec une ceinture d’explosifs. Le lendemain, le pasteur reçoit un appel de Michael lui demandant de venir en forêt. Quand il arrive au rendez-vous, il trouve le jeune homme mort. Il vient de se faire exploser la tête avec un fusil à pompe.
Dès lors, Paul Schrader ressasse ses obsessions cinématographiques mortifères sur la faute et la culpabilité. Ernst Toller prend sur lui le péché de Michael, non pour le sauver comme le Christ, mais pour assurer sa propre rédemption en décidant de mener le combat pour la préservation de la nature et de l’espèce humaine et de lutter contre les intérêts louches liant l’église évangéliste à une multinationale.
Cheminement spirituel incohérent
Il prend ainsi le relais de la lutte de Michael afin de se laver de la mort de son fils et de sa séparation avec son épouse. Le sujet de cette œuvre racontant l’histoire d’un pasteur protestant lié à une église évangélique américaine explique beaucoup l’invraisemblance du cheminement spirituel incohérent de Toller, son manque de compassion, son désir inconscient de se venger du Mal et finalement de se sauver lui-même. Trop marqué par son éducation calviniste radicale, le cinéaste nous livre une histoire invraisemblable de rédemption égoïste et grotesque. Ernst Toller n’a pas la foi mystique, le sens de l’amour, de la charité et la volonté du rachat de ses semblables comme le possèdent les prêtres catholiques de Bresson, Hitchcock, Melville, Pialat.
Le film tourné dans un très beau format carré (1,33) servi par une superbe photographie et des cadres serrés comporte des beaux moments formels lorsque Paul Schrader filme la ville, ses espaces industriels et pollués. Il est malheureusement desservi par l’interprétation monolithique d’Ethan Hawke et par un scénario incongru qui mélange références mal comprises du Journal d’un curé de Campagne, goût pour l’intrusion de saillies sanglantes et ubuesques sur un fond de contestation politique et écologique.
Cette œuvre me conforte dans l’idée que Paul Schrader est un réalisateur très inégal dont les seuls films vraiment réussis sont Blue Collar (1978) et American Gigolo (1980). Très fervent admirateur de Jacques Tourneur – son remake de La Féline en 1982 était décevant – de Dreyer et de Bresson, il passe à côte d’un sujet fort: la place de la Foi et de l’Église face au mal qui ronge nos sociétés modernes.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !