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« Guy », une perle rare dans le cinéma français d’aujourd’hui

"Guy" d'Alex Lutz


« Guy », une perle rare dans le cinéma français d’aujourd’hui
Alex Lutz, césar du meilleur acteur pour son film "Guy" le 22 février 2019 © Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de reportage : AP22305712_000021

L’heure du ciné chez soi est arrivée. Autant bien s’organiser et voir en replay ce qu’on a raté. Sophie Bachat est tombée en pamoison devant le chanteur fictif Guy Jamet. Critique.


A Causeur, en cette fin du monde nous sommes encore plus nostalgiques que d’habitude.

Daoud Boughezala nous a gratifié d’une superbe chronique de Beau Père de Bertrand Blier, « un film comme on n’en fait plus », et Thomas Morales, fidèle à lui-même, se réjouit de la programmation télévisuelle qui, en ce temps de confinement, propose les comédies cultes du cinéma français. 

Ma quête quotidienne de films en replay m’a emmenée à revoir Guy d’Alex Lutz sorti en 2018. 

De la nostalgie

Dans cet OVNI du cinéma français récent, loin des leçons de morale devenues dorénavant l’une des principales marques de fabrique, Alex Lutz revisite la nostalgie. Mais une nostalgie heureuse et sans pathos. Il obtint pour ce film le César du meilleur acteur.

Un jeune documentariste découvre à la mort de sa mère qu’il est le fils d’une idole de la chanson : Guy Jamet, sorte de chaînon manquant entre Cloclo, Sardou et Dutronc. Il part donc à la recherche de ce père à travers un documentaire. Cette mise en abyme du faux documentaire, fait de fausses images d’archives et d’interviews du chanteur qui s’exprime entre autres sur sa carrière et notre époque, permet au spectateur d’être à la fois distancié et de se laisser petit à petit submerger par une émotion réelle. 

A lire aussi: Dites 33 ! (la playlist du confinement de Causeur)

Saluons le travail titanesque accompli par le réalisateur et acteur principal Alex Lutz, qui met son talent de tranformiste (on se souvient de Catherine et Liliane sur Canal +), et, grâce à des heures de maquillage, se met au service de cet homme de 74 ans toujours alerte et à l’affût, qui continue à faire des galas et à passer chez Drucker. 

Culture populaire

Rien n’est laissé au hasard, la BO du film composée pour l’occasion, faite de « vraies fausses » chansons 70’s me met les larmes aux yeux. Véritable ravissement, la rengaine « Didouda« , carte postale légère et un brin désenchantée, comme beaucoup de chansons de cette époque, fait bien le travail. Cela donne un film d’un genre inédit entre la comédie musicale, le biopic et la quête de la filiation. 

Dans une interview donnée au moment de la sortie du film, Lutz affirme avoir voulu « revisiter cinquante ans d’histoire française à travers la culture populaire« . Et il tape dans le mille. Car qu’est-ce que la culture populaire, si maltraitée en France terre de marxisme culturel, sinon la quintessence de l’âme d’un peuple ? 

Toute la mythologie du show-biz à l’ancienne est représentée:

– l’attachée de presse fidèle et efficace ;
– le manager qui répond au surnom de Grand Duc, qui fait évidemment penser au Colonel Parker, impresario d’Elvis, modèle s’il en est de tous les chanteurs populaires ;
– le couple mythique que Guy formait avec Anne-Marie (interprétée par Dani), entre Stone et Charden et Gainsbourg / Birkin ;
– l’importance de la coupe de cheveux qui change au gré des modes avec l’aide précieuse de la laque Elnett, toujours inégalée, qui nous vaudra cet saillie délicieuse de la part du chanteur : « Même Mick Jagger l’utilise, il casse plus les chambres d’hôtel Mick Jagger, il s’asperge d’Elnett ! »

La personnalité de Guy Jamet se dessine, cet homme nonchalant à la Dutronc, doucement cynique et franc du collier à la Sardou avec cette profondeur propre aux artisans de la chanson : « Je crois pas que tu deviens artiste, je crois que c’est un état d’âme, je ne sais pas si j’ai du talent mais je suis un artiste, j’en ai l’état d’âme » ou encore « J’ai vieilli mais je n’ai pas changé, on ne change pas, on se prend des à-coups ». La justesse de ces propos transperce le cœur. Notre époque est gentiment égratignée mais pas trop, Lutz n’est pas tombé dans ce piège trop facile, même si Guy est invité dans des émissions de radio où sévissent des chroniqueuses à la Charline (je ne sais pas orthographier son patronyme)… Quant à la boîte de nuit qu’il avait ouvert avec sa femme (Dani, si vous m’avez bien suivi) – gros clin d’œil car celle-ci était patronne de l’Aventure dans la vraie vie – est devenue une usine à muscles ! Coup de gueule du chanteur: « époque de merde où tout est interdit ». Mais il n’est pas non plus totalement vieux con, avec aussi des prises de positions favorables au mariage pour tous. 

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Tout est en nuances dans ce film où le rire côtoie sans arrêt les larmes, le temps qui passe n’est pas si grave car l’espérance est toujours violente. Délicatesse encore lorsque Guy s’aperçoit que Thibault, le documentariste, est son fils. Comme pour rattraper les années perdues il l’entraîne dans un galop à cheval. La force vitale est plus forte que la mort. 

Et le public ne se trompe jamais, une femme rencontrée dans la rue s’exclame au sujet de Guy : « Vous êtes un des derniers piliers, un de ces chanteurs qui faisaient tenir la France debout ». A l’heure où la France est à terre, il est salvateur de voir ou revoir Guy en replay sur Ciné+ Club. Vous en sortirez consolés. 

A revoir: Elisabeth Lévy ne maîtrise pas l’imitation de Michel Sardou



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