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Face au COVID-19, Macron promet de ne plus être grippe-sou

Le discours présidentiel néolibéral infléchi


Face au COVID-19, Macron promet de ne plus être grippe-sou
Emmanuel Macron lors de son allocution le 12 mars 2020

Alors que les bourses plongent, le Président a appelé hier soir à la mobilisation générale, lors d’une efficace allocution télévisée. 12 millions d’écoliers resteront chez eux lundi. Le scrutin de dimanche est maintenu. Face à l’épreuve sanitaire, Macron assure l’ensemble des Français et les services de santé de son soutien, quoi qu’il en coûte. 


Ce qui est intéressant avec Emmanuel Macron, c’est que cet homme à la tête de la France reste un inconnu pour la plupart de ses concitoyens. De lui, ils s’attendent à tout, à défaut d’en attendre grand-chose. Mais ils gardent à l’esprit qu’il peut les surprendre.

Ainsi alors qu’il nous a été annoncé jeudi que le président de la République allait parler à la France pour ralentir l’épidémie de coronavirus, les supputations sont allées bon train. Alimentées par un article du JDD, la journée a bruissé de toutes sortes de rumeurs contradictoires : le pays allait-il s’arrêter ? Les élections allaient-elles être reportées? Le président annoncerait-il carrément le recours à l’article 16, soit l’attribution des pleins pouvoirs pour pouvoir faire face à la situation ?

Éloge de l’État providence inédit

Curieux désir d’histoire qui a amené Emmanuel Macron à caresser l’idée de l’usage de l’article 16 pour mettre ses pas dans les chaussures du grand homme de la Vème république, le général de Gaulle ! Ce qui a pu être perçu, c’est que le président de la République voulait faire de la lutte contre cette épidémie un combat épique qui engagerait la nation. Ce qui a pu être perçu, aussi, c’est le désir du politicien en situation d’échec de renouer avec l’homme d’État affrontant la crise. Et c’est exactement le personnage qu’a joué Emmanuel Macron. Et il faut le dire, à ce titre, son discours était plutôt bien pensé et bien conçu, même si, comme à son habitude, le Président n’habite pas sa parole.

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Il a su avoir immédiatement les mots d’empathie et de reconnaissance nécessaires à l’égard des soignants, comme il a su mettre de l’humain lorsqu’il a évoqué la solitude des personnes âgées ou les difficultés des parents face à la fermeture des écoles. Mais le plus étonnant est l’éloge de l’état-providence à la fin de son discours, très étonnant dans sa bouche. Son allocution télévisée a démontré que ce Président n’a ni doctrine, ni vision. Emmanuel Macron navigue au gré des courants. On ne peut s’empêcher de se demander, si on avait eu droit à une montée exponentielle de la Bourse à la place du coronavirus, s’il ne serait pas en train de démanteler le système pour le livrer au privé au nom de l’opportunité à saisir.

Notre hôpital public à l’heure de vérité

Parce que le problème, c’est qu’en la matière le Président n’a pas toujours fait preuve du même enthousiasme et n’a pas toujours été de ceux défendant la nécessité d’avoir un secteur public non marchand fort… Sans jamais l’assumer, il a toujours poussé à la privatisation. Ne vient-on pas tout juste de stopper la vente programmée d’un des fleurons de notre patrimoine, ADP ? Faut-il rappeler qu’Emmanuel Macron n’est pas pour rien non plus dans la perte des turbines d’Alstom, ce qui fait que l’on perd petit à petit notre maîtrise dans le nucléaire ? Et concernant notre protection sociale, il faudrait reparler du soi-disant reste à charge zéro sur l’optique et la dentisterie, qui aboutit dans les faits à faire porter le surcoût sur le privé (c’est ce que signifie la phrase magique « demander aux Mutuelles de faire un effort »). On pourrait aussi reparler de la démission des 1600 médecins de l’hôpital annoncée le 19 janvier, nous alertant sur la situation dramatique de l’hôpital public.

Depuis la crise des gilets jaunes, le peuple commence à se lasser des grandes envolées lyriques et des engagements forts avec des trémolos dans la voix jamais suivis d’effets. L’homme qui parlait hier soir avec de grands yeux de faon de notre sécurité sociale parait oublier qu’il a utilisé le 49.3 pour faire entériner une réforme de retraites de fort mauvaise qualité, dont personne ne veut et qui a été critiquée y compris par le Conseil d’État.

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Certes, il n’est jamais trop tard pour bien faire et ce retournement de situation a tout pour satisfaire la majorité des Français, mais notre Président tient du feu de paille : cela brûle vite et haut mais réchauffe peu et s’éteint vite. Autre nouveauté, le mot « souveraineté ». Souveraineté nationale ? Non, après ce petit moment d’audace, il a vite fallu rajouter souveraineté de l’Europe. Mais quand même. 

La fin de son discours en hommage à l’esprit de solidarité et d’entraide qui caractérise notre contrat social sonnait un peu Conseil National de la Résistance. Foin de la start-up nation et des premiers de cordée ! Quand souffle la tempête, c’est le peuple qu’il faut retrouver et il faut reconnaître que ce discours visait à aller le chercher. Le problème c’est que coup-là Emmanuel Macron l’a fait trop de fois, séduisant avec les mots pour gifler derrière avec les actes, utilisant les circonstances au lieu de prendre la mesure des situations, laissant entendre ce que les gens désiraient pour finalement aller contre leurs intérêts. Il a un passif. Assez lourd.

Un pour tous(se), tous pour un

Il n’en reste pas moins qu’aujourd’hui et pour le temps de la lutte, il a su prendre les décisions économiques qui s’imposaient. Ses annonces ont dû soulager nombre d’entreprises et de salariés inquiets, et les mesures prises pour lutter contre le coronavirus sont censées et réfléchies en l’état actuel des connaissances scientifiques. Sur le désir du gouvernement de faire au mieux, il n’y a guère de doute. On ne peut que saluer le travail du ministre de la santé, Olivier Véran, remarquable de clarté, de pédagogie et d’humilité lors de l’émission spéciale consacrée au coronavirus sur BFMTV le lundi 9 mars.

Alors parce que quand le navire tangue, tout le monde doit être sur le pont, faisons face à l’épidémie aux côtés de notre gouvernement, sans barguigner. Mais une fois la tempête passée, il faudra que ce qui a été décidé un jeudi soir sous le coup de la peur soit tenu. Que l’hommage rendu au secteur non marchand et à l’investissement public ne soit pas oublié, que l’on arrête de vendre ou de casser nos fleurons et que l’on continue à parler de souveraineté. Il ne faudrait pas qu’une fois encore, ne sentant plus le vent du boulet, le président de la République ne retombe dans son narcissisme hautain!



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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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