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«Séparatisme»: Macron joue la carte islam-friendly

Est-il illusionniste ou illusionné?


«Séparatisme»: Macron joue la carte islam-friendly
Emmanuel Macron à Bruxelles le 20 février 2020 © Olivier Matthys/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430412_000118

 


L’enmêmetempstisme a-t-il fait long feu ? Certes, on ne dit plus « ça n’a rien à voir avec l’islam », mais en même temps…


 

Avec la dénonciation du « séparatisme islamiste » dans les quartiers difficiles où règne la loi des jeunes issus de la diversité, c’est à une refonte totale de l’appareil rhétorique de la République que nous invite le Président de la République. Tous les éléments de langage dont les communicants sont si friands devront être revisités. La novlangue du nouveau monde n’en n’est pas avare.

La disparition du N de ENA

D’ailleurs la formation des cadres de la République devra s’inscrire dans le même dispositif : plus question d’École Nationale d’Administration mais d’une École d’Administration Publique (on remarquera la fine nuance) dont la dimension « nationale » disparaît pour répondre à ce nouveau souci né de cette « diversité » si problématique dans nos « territoires ».

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On le savait depuis longtemps. « Il faut que tout change pour que rien ne change » disait déjà le Prince Salina pronostiquant le nouveau monde né des mutations de l’Italie au XIXe siècle. Ce qui peut être vrai pour une société marchande mondialisée, au capitalisme tempéré, peut-il toujours l’être quand la mutation est d’ordre ethnographique ? Qu’est-ce que désigne le séparatisme stigmatisé par Macron, sinon l’autre versant du grand remplacement dénoncé par tous les progressistes ? Y aurait-il un peuple dans le peuple qui ne souscrirait plus à la loi commune, aux règles de la République ? L’hexagone devenu archipel obéirait à une tectonique nouvelle dont les mouvements relèveraient désormais de la sismologie. Quelle est la nouvelle donne ? Il ne s’agit plus d’intégrer des populations pauvres dont le socle culturel resterait proche, mais de prétendre intégrer des populations issues d’une culture donc le socle spirituel prône, entre autres, la guerre sainte. Nous ne sommes plus dans un projet ou un modèle de société tel que l’Occident en produit de manière régulière au gré des mutations scientifiques ou techniques. Le numérique change aujourd’hui la donne sociétale autant que la machine à vapeur, l’électricité, le chemin de fer, ont su bouleverser les sociétés européennes au début du XXe siècle. La mondialisation du XXIe siècle impose ses normes et ses effets dont la propagation du coronavirus est le corollaire : la mondialisation impose en même temps ses menaces. Elles fonctionnent à la même vitesse et les unes sont le produit des autres.

Le nouveau monde « bienveillant » avec l’islam

Peut-on en dire autant de l’islam désormais si présent autour de nous, chez nous ? Cette religion a-t-elle fait son aggiornamento aux nouvelles données du monde ? Ce que met justement en cause ce nouveau virus culturel c’est qu’il perturbe ce nous car il est aussi chez lui . Le nommer séparatiste est une erreur d’appréciation et de nomination car l’hydre islamiste n’a justement pas pour objet de se séparer de son terrain d’accroche. Elle ne va pas déclarer pour tel ou tel territoire où il serait désormais majoritaire, une sécession territoriale. La République islamique de Roubaix (si tant est que certains en aient l’idée) ne demandera pas son indépendance, elle compte bien plutôt diffuser son ordre culturel à l’ensemble des territoires précédemment perdus par la République. Qui de Gramsci ou de la takia inspire la stratégie de la menace à l’œuvre ? Comme l’ancienne, cette nouvelle taupe creuse un terrain friable qui ne sait pas la repérer. Le nouveau monde que certains espèrent friendly ne se fera pas ainsi. Il manque l’appel du sang que le djihad propose. En 2015 ce virus a frappé ses cibles symboliquement privilégiées : un journal qui ricanait de son prophète, des Juifs qui lui faisaient obstacle, des cafés où s’attablaient des femmes en robes légères.

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Voilà l’illusion que Macron s’acharne à promouvoir : il y aurait pour préserver la paix civile, un islam friendly compatible, différent de l’islam séparatiste. C’est ici qu’il se trompe. « Nous autres arabes ne pouvons être que si l’autre n’est pas » déclarait Ben Bella dans la revue Politique internationale l’été 1982, vouant Israël à l’apocalypse nucléaire parce que territoire non musulman en terre d’islam. Quoi qu’en disent les experts islamologues, le djihad fait partie de l’ADN islamique. C’est la même logique qui inspire les Frères musulmans qui ont compris que la conquête passe d’abord par l’imposition de ses signes islamiques dans l’espace public. Le voile sur la tête des femmes, dès 1989, a eu cette fonction. Il fallait marquer le territoire conquis dans la rue, à l’école, dans l’entreprise. Tandis qu’un antiracisme aussi niais que naïf considérait comme raciste toute opposition à cette agression, la République pratiquait l’euphémisation de la menace pour ne pas la regarder en face. Depuis plus de trente ans le déni idéologique du réel a été la règle principale du pouvoir et des médias. On a fait semblant de ne pas voir le réel quand celui-ci explosait à la figure de tous les services de l’Etat : à l’école, à l’hôpital, dans les services publics etc. Dans la rue, dans les quartiers la République n’a pas osé le nommer, le qualifier alors que cet ennemi inattendu la blesse, l’agresse ou l’humilie. La peur d’être taxé d’islamophobe par le nouvel antiracisme décolonial a interdit la lucidité. On a psychiatrisé la criminalité islamiste pour éviter d’avoir à la juger et l’assassin de Sarah Halimi peut cuver son valium en paix, tandis que la porte-parole des Indigènes de la République peut publier en toute tranquillité qu’elle est Mohamed Merah. Pourtant cette République combat au Mali les armes à la main ce même ennemi alors qu’elle n’ose pas chez elle interdire la présence des divers épigones des Frères musulmans et autres promoteurs de la charia. Le colonel Arnaud Beltrame, le père Hamel, sont-ils morts pour rien ? Les enfants juifs de Toulouse, les mitraillés du Bataclan, ceux de Charlie sont-ils morts pour rien ?

Le prix à payer pour intégrer l’islam

Macron estime-t-il qu’il est trop tard, que les jeux sont faits et c’est à la France de s’adapter à cette donne démographique et culturelle nouvelle que nous impose la mondialisation ? Estime-t-il qu’un modèle pluriculturel soft puisse faire l’économie du djihad et qu’à terme, malgré quelques irréductibles islamistes violents attardés, le séparatisme perdra au final, la guerre ? Tel serait le prix à payer pour pouvoir vivre dans une société apaisée. A quel prix ? En donnant par ailleurs des gages aux autres minorités cibles des précédents : les femmes, les Juifs. La Justice protègera mieux les femmes des violences qui leurs sont faites et les Juifs recevront en gage, des commémorations de la Shoah encore plus grandioses sans pour autant reconnaitre que l’ennemi qui menace Israël est identique à celui qui menace la France aujourd’hui. Les récentes commémorations à Jérusalem des 75 ans de la libération d’Auschwitz couplées à l’esclandre chiraco-macronien dans une église française à Jérusalem n’ont pas d’autre sens. Bien au contraire, pour rêver d’un bienveillant effet-retour sur l’appareil psychique des jeunes issus de la diversité la politique étrangère de la France ne sera pas économe de condamnation d’Israël au Conseil des droits de l’homme de l’ONU et votera aux côtés du Yémen, du Pakistan, de la Syrie, de l’Algérie des résolutions condamnant le sort fait aux femmes en Israël. Dans les quartiers difficiles le Quai d’Orsay sera louangé et tout le monde aura l’illusion d’avoir contribué à l’émancipation du genre humain…

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Tancrède avait cette chance de ne pas connaître l’internet. Son époque ne permettait pas encore aux esprits tordus de destituer en trois jours quelqu’un parce que sa libido avaient été livrée au public sous couvert de lutte contre l’hypocrisie. Le temps disposait d’un espace suffisant pour que des capacités critiques s’installent dans la durée pour penser le changement. Il restera à la littérature le rôle de consigner l’époque : Zola pour la révolution industrielle, Pasternak pour la révolution communiste et Houellebecq pour la révolution nihiliste mondialisée. Aujourd’hui tout est radicalement différent : tout change, en apparence, parce que les mots semblent en retard pour nommer les choses nouvelles. Le réel se métamorphose trop vite, et sans que l’on s’en rende compte c’est un autre monde (virtuel ?), qui apparait. Ce n’est pas le séparatisme qui nous menace mais c’est plutôt la soumission à la vitesse de ce changement.

Au bout de ce conte, avant, ce qui était vraiment mieux, c’était l’avenir.

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Jacques Tarnero est essayiste et auteur des documentaires "Autopsie d'un mensonge : le négationnisme" (2001) et "Décryptage" (2003).

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