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Hanau, l’horreur raciste

Une tuerie a fait neufs morts dans la ville allemande


Hanau, l’horreur raciste
Tobias Rathjen, le terroriste présumé de Hanau Image: DR

Après le dramatique attentat de Hanau dans l’ouest de l’Allemagne (9 morts), il y a beaucoup de réactions saines. Mais il y a aussi trop de réactions indignes.


La ville de Hanau, en Allemagne, a été mercredi soir le théâtre d’un terrible attentat suprémaciste blanc, deux fusillades dans des bars à chicha, ou aux abords. A cette heure, 9 victimes sont décédées, 5 autres dans un état critique. L’auteur des faits a été retrouvé mort à son domicile à côté du corps de sa mère.

Une femme dépose une bougie devant les lieux de la tuerie de Hanau, le 20 février 2020 © Martin Meissner/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430292_000096
Une femme dépose une bougie devant les lieux de la tuerie de Hanau, le 20 février 2020 © Martin Meissner/AP/SIPA Numéro de reportage: AP22430292_000096

Un « déséquilibré » de plus ?

Le terroriste, le quadragénaire Tobias Rathjen, a publié un manifeste expliquant ses motivations avant de passer à l’acte. On y trouve la marque d’un esprit profondément dérangé, adepte de théories du complot à base d’extra-terrestres, de sociétés secrètes capables de contrôler les pensées à l’aide de télécommandes, de bases militaires sous-terraines abritant des cultes satanistes… Mais cette folie évidente ne doit pas masquer la responsabilité de l’idéologie profondément raciste qui l’a inspiré, qui l’a influencé à travers son délire complotiste. Car il parle aussi de « pureté de la race », de supériorité de la « race blanche », et appelle à exterminer les populations d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient et d’Amérique du Sud.

Il y a des êtres formidables dans les pires des civilisations, et des ordures infectes dans les meilleures. Et il n’existe aucune « race » à laquelle il suffirait d’appartenir pour être incapable d’accéder à ce qui fait la grandeur de l’Homme – ou de sombrer dans ce qui fait sa bassesse

Si ce sont semble-t-il majoritairement des Kurdes qu’il a frappés mercredi soir, sa haine abjecte et absurde visait, à le lire, tous les résidents allemands originaires d’une longue liste de pays et régions : Afghanistan, Algérie, Bengladesh, Cambodge, Egypte, Inde, Iran, Irak, Israël, Jordanie, Kazakhstan, Laos, Liban, Libye, Maroc, Ouzbékistan, Péninsule Arabique, Philippines, Pakistan, Syrie, Tunisie, Turkménistan, Turquie, Vietnam.

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Il faudra analyser aussi bien les détails de cet attentat que les réactions qu’il a suscitées. Les mêmes qui en d’autres circonstances parlent volontiers de « déséquilibrés » n’ont ici pas jugé bon de le faire, et ceux qui sont très inquiets des amalgames n’ont pas manqué de s’y livrer avec entrain. A l’inverse, certains qui incriminent à juste titre une autre idéologie inspiratrice d’attentats sont là bien silencieux. Il faudra réexpliquer la différence fondamentale entre le souci de l’identité, et l’obsession de l’origine ethnique. Entre ce que les médias et la gauche appellent « extrême-droite » et la véritable ultra-droite. Il faudra prendre le temps de dénoncer ceux qui, comme Aurélien Taché, nous servent le couplet du « racisme anti-musulmans » pour expliquer une idéologie voulant tuer Cambodgiens et Vietnamiens. Et il faudra donc dénoncer encore et encore, aussi, l’idée qu’il pourrait y avoir un racisme dirigé contre une appartenance religieuse, comme si celle-ci était un caractère purement héréditaire, ce qui revient à refuser la liberté de conscience. Mais plus tard.

L’essentiel maintenant est de redire ce qui devrait être évident, mais qu’il est hélas indispensable de réaffirmer : le racisme, le véritable racisme, est une abomination. Une négation de l’humanité et de la dignité de l’Homme. Le racisme est, selon le dictionnaire de l’Académie Française, un « ensemble de doctrines selon lesquelles les variétés de l’espèce humaine appelées races, principalement distinguées les unes des autres par leur apparence physique, seraient dotées de facultés intellectuelles et morales inégales, directement liées à leur patrimoine génétique ». Le racisme consiste à croire que l’origine ethnique de ses parents biologiques suffirait à enfermer un individu dans un déterminisme absolu. Qu’elle le condamnerait à des traits d’ordre moral dont il serait irrémédiablement incapable de s’affranchir. Le racisme est donc un refus de l’idée même de libre-arbitre, de responsabilité, de conscience. Paradoxe absurde : en dressant une barrière infranchissable entre ces groupes qu’il appelle « races », le raciste s’exclut lui aussi de ce qui fait notre commune humanité, ce fond de l’être sur lequel repose notre dignité intrinsèque, et dont par conséquent il se prive autant qu’il prétend en priver les « races inférieures ».

Un type bien est un type bien, et un salopard est un salopard, quels que soient leur couleur de peau, leur lieu de naissance, ou leur généalogie. « Tous les hommes, si on les ramène à l’origine première, sont enfants des Dieux. » disait Sénèque.

Tobias Rathjen: un esprit emprisonné

A tous ceux qui lisent ces lignes : quelles que soient les qualités dont notre espèce est capable et qui vous semblent dignes d’estime, vous ne trouverez aucun de ces groupes que les racistes appellent « races » dont les membres seraient irrévocablement dépourvus de l’une ou l’autre de ces qualités. Bien sûr, l’environnement et l’éducation encouragent certains traits de caractère, positifs ou négatifs, et tendent à en inhiber d’autres. Bien sûr, la culture joue un rôle fondamental dans le développement de l’individu, et toutes les cultures ne sont pas interchangeables, toutes ne se valent pas : la condamnation des sacrifices humains n’est pas à mettre sur le même plan que leur acceptation, l’abolition de l’esclavage est supérieure à sa pratique. Mais il n’y a pas de fatalité, et il y a des êtres formidables dans les pires des civilisations, et des ordures infectes dans les meilleures. Et il n’existe aucune « race » à laquelle il suffirait d’appartenir pour être incapable d’accéder à ce qui fait la grandeur de l’Homme – ou de sombrer dans ce qui fait sa bassesse. Comparées à la rectitude, à la compassion, au courage, à la loyauté, au souci de vérité, les origines ethniques sont sans importance. Le racisme est une prison pour l’esprit et un poison pour l’âme, aveuglement total à l’essence de l’Homme.

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Et j’ajoute qu’il est radicalement opposé à tout attachement sincère à notre identité occidentale.

Nous ne sommes rien si nous ne sommes pas aussi les héritiers d’Athènes, et nous trahirions tout ce qui nous a été transmis, tout ce que nos ancêtres ont bâti, si nous trahissions l’universalisme qui fut celui de la Grèce et de Rome, mais aussi l’universalisme chrétien et celui des Lumières. Notre civilisation n’est plus rien, si nous ne faisons pas nôtre l’idéal qu’exprimait magnifiquement Isocrate il y a près de deux millénaires et demi : « Notre cité a fait employer le nom de Grecs non plus comme celui de la race, mais comme celui de la culture, et on appelle Grecs plutôt les gens qui participent de la même éducation que nous, que ceux qui ont la même origine. »

Le racisme se décline en différents poisons

Et parce que le racisme est non seulement une monstruosité mais aussi un véritable danger, insidieux et mortel, nous avons à son sujet un devoir extrême de lucidité et de vérité.

Dans un climat où l’on appelle « antiracistes » des militants racialistes (…) il était prévisible que le racisme véritable s’agite, et frappe

Oui, il y a un racisme d’ultra-droite infect, auquel se rattachait manifestement le terroriste de Hanau. Ce racisme doit être combattu sans hésitation et sans faiblesse, comme toutes les idéologies qu’il inspire. Combattu par les idées, par la loi, par la force publique et la détermination de tous.

Mais il y a aujourd’hui un autre racisme qui se développe et qui gangrène nos sociétés, ou plutôt une autre gamme idéologique profondément raciste. Indigénisme, décolonialisme, pseudo-justifications sociologiques du racisme anti-Blancs. Cela aussi est un poison mortel, et doit être combattu sans hésitation et sans faiblesse, par les idées, par la loi, par la force publique et la détermination de tous.

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On aurait tort de séparer ces incarnations du racisme. Mur soi-disant infranchissable artificiellement dressé au cœur même de notre espèce, le racisme est un, et les idéologies racistes se nourrissent les unes des autres. Chaque fois que des supporters Blancs appellent « singe » un footballeur Noir, ils alimentent le racisme des Noirs. Chaque fois que des « racisés » prétendent que la « blanchité » serait l’incarnation du mal, ils alimentent le racisme des Blancs. De la concurrence victimaire racialiste aux délires sur l’appropriation culturelle, il s’agit toujours d’emprisonner les êtres dans des groupes faisant fi de la liberté, de la dignité et de la responsabilité des individus. Tous ces concepts fumeux ne sont que les armes idéologiques d’une guerre ethnique larvée : peu importe qui la déclare, elle est en elle-même monstrueuse.

Dans un climat où l’on appelle « antiracistes » des militants racialistes, et où l’on accuse de racisme ceux qui justement voient en l’autre une personne et non une couleur de peau, il était prévisible que le racisme véritable s’agite, et frappe. Et si après le dramatique attentat de Hanau il y a beaucoup de réactions saines, il y a aussi trop de réactions indignes.

L’abandon des politiques d’assimilation fait le lit des attentats de demain

Ceux qui exigent des traitements de faveur et des passe-droits pour les étrangers vivant en Europe sont responsables des crimes racistes de demain. Ceux qui enseignent le mépris de toutes les ethnies en dehors de la leur sont responsables des crimes racistes de demain, qu’ils soient suprémacistes Blancs ou… suprémacistes Noirs. Ceux qui prétendent que tous les étrangers sont des barbares, comme ceux qui à l’inverse voudraient effacer la civilisation occidentale au nom de ces étrangers, ceux qui louent tous les enracinements sauf celui des autochtones, sont responsables des crimes racistes de demain. Ceux qui renvoient sans cesse les citoyens à leurs origines sont responsables des crimes racistes de demain, que ce soit ceux qui disent qu’un Maghrébin serait forcément coupable ou ceux qui disent qu’il serait forcément victime, ceux qui disent qu’un Blanc serait forcément raciste et ceux qui nient l’assimilation, y voyant pour les uns une usurpation et pour les autres une trahison. Ils sont responsables des crimes racistes de demain, ceux qui refusent qu’une métisse puisse être l’héritière de Jeanne d’Arc, tout comme ceux qui prétendent qu’un égyptien amoureux de la culture française et dévoué au service de la France ne pourrait pas devenir sincèrement et profondément français. Nier les différences anthropologiques entre les peuples est aussi dangereux que de les croire insurmontables. Voir des discriminations partout est aussi dangereux que de prétendre qu’il n’y en a nulle part, et les discriminations positives ne font qu’enfermer encore plus les individus dans ce qu’il faudrait au contraire les aider à dépasser.

L’universalisme, couplé au souci de l’intérêt général et à l’exigence éthique, n’est pas la meilleure manière de vaincre le racisme et d’éviter d’autres tragédies comme celle de Hanau : c’est la seule.

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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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