Avec l’affaire Matzneff, le gauchisme post-soixante-huitard a réorienté son discours. Il voulait autrefois un monde sans répression du désir; il aspire maintenant à un monde sans domination.
Après la parution du Consentement, le livre de Vanessa Springora sur la liaison qu’elle a entretenue à l’âge de 14 ans avec Gabriel Matzneff, l’opinion scandalisée s’interroge : comment a-t-on pu laisser faire ça ? D’où vient cette indulgence, cette complaisance, cette fascination même pour un écrivain qui jouait cartes sur table, qui, livre après livre, racontait ses aventures menées, comme il le disait immodestement, à « un galop d’enfer », qui avait publié Les Moins de seize ans en 1974 et qui avait fait de Vanessa, « beauté fatale aux yeux bleus et aux cheveux blonds » l’héroïne de La Prunelle de mes yeux, ouvrage disponible dans la collection Folio ? Pourquoi la si longue impunité de l’auteur auquel ne pouvait en aucun cas s’appliquer le principe de la séparation de l’homme et de l’œuvre, car son œuvre, c’est lui en toute circonstance et sous toutes les coutures, c’est son ascèse, ses menus, ses régimes, ses conquêtes, ses prouesses, ses extases – Gabriel bon poids bon œil, en somme ? Comment expliquer qu’il ait été éditorialiste au Monde entre 1977 et 1983, que Le Point se soit ensuite empressé de l’accueillir et que, le 4 novembre 2013, le jury du Renaudot lui ait décerné le prix de l’essai pour Séraphin, c’est la fin !, recueil de chroniques parues entre 1984 et 2012 dans divers journaux (de Combat à Gala) ?
Il n’y a pas de justice en meute
Jacques Julliard, dans Marianne, incrimine « la tribu délirante de Saint-Germain-des-Prés ». Jacques de Guillebon dénonce
