Israël fait la guerre. Et une fois de plus, le monde entier entre en transes.
D’abord, il y a des images insoutenables et des chiffres. Images de corps déchiquetés, de civières ensanglantées. Plus de mille tués du côté palestinien et moins de vingt du côté israélien. Que faudrait-il pour ce film d’horreur satisfasse ses spectateurs : que les juifs soient fidèles à leur histoire, que des Israéliens sa fassent tuer par milliers ? Qui s’interroge sur la tactique du Hamas qui s’abrite derrière des civils pour mieux donner de lui même l’image du martyr ? Dans une vision politique réduite à l’émotion provoquée par la violence des images, il est certain que la tactique du Hamas remporte du succès auprès d’un public autant avide de gore que de compassionnel.
Le malheur palestinien est réel, nous ne le contesterons pas, mais ce malheur a d’abord pour raison d’être le garrot intellectuel que son leadership successif a passé autour de son cou. Ce que les Palestiniens et leurs amis arabes détestent d’Israël c’est qu’Israël est le miroir de leur désastre. Quelle issue à cet enfermement sinon dénoncer en Israël l’unique raison de tous ses échecs et de toutes ses frustrations ?
Pourquoi les passions se déchaînent-elles dès qu’Israël attaque ses ennemis ? Qui est l’agresseur et qui est l’agressé ? Quel pays au monde peut accepter de voir une partie de son territoire régulièrement bombardé à l’aveuglette pendant des mois et des années ? La France supporterait-elle de voir Lille ou Strasbourg touchées par des missiles venus de l’autre côté de sa frontière sans réagir ? On dirait que cela fait partie du juste ordre des choses que le sud d’Israël ait reçu plus de dix mille roquettes en quatre ans. Mais qu’Israël attaque ceux qui lancent ces fusées et ce sont des crimes contre l’humanité, un génocide en cours de réalisation qui sont dénoncés par toutes les consciences brutalement vigilantes. Que ceux qui lancent ces roquettes aient pour programme politique l’élimination d’Israël, lui dénient toute légitimité, tout droit à l’existence, ferait-il aussi partie des choses normalement admises par nos opinions, nos élites, nos intellectuels, nos médias ?
Ce parti, le Hamas, a pris le pouvoir il y a deux ans contre son frère ennemi, le Fatah au cours de tueries dont la férocité contredit la tendre innocence dont il essaie de se grimer. Qui est le Hamas ? Que dit sa charte : « Israël existera et continuera d’exister jusqu’à ce que l’islam l’anéantisse comme il a anéanti d’autres auparavant. » Article 6 : « Le Mouvement de la Résistance Islamique est un mouvement palestinien honorable qui fait allégeance et à Allah et à sa voie, l’islam. Il lutte pour hisser la bannière de l’islam sur chaque pouce de la Palestine… » Article 13 : « Il n’existe pas de solution à la question palestinienne, excepté le jihad. » Article 7 : « Le Prophète, qu’Allah le bénisse, a dit : « Le Jour du Jugement dernier ne viendra pas avant que les musulmans ne combattent les juifs, quand les juifs se cacheront derrière les rochers et les arbres. Les rochers et les arbres diront, ô Musulmans, ô Abdallah, il y a un juif derrière moi, vient le tuer. » » Il faudrait citer in extenso ce texte hallucinant de haine pour prendre la mesure du fanatisme de son idéologie.
A-t-on déjà oublié ce que sont les bombes humaines ? A-t-on compris cette idolâtrie de la mort que les médias en Occident nomment « attentats-suicides » ? Or ces attentats-suicides ne sont pas suicidaires mais jubilatoires pour une psyché apocalyptique qui fait du meurtre, la clef du paradis ? A-t-on déjà oublié ce qui vient de se produire à Bombay ? A-t-on oublié les avions sur New York ? A t on déjà oublié les attentats de Madrid, de Londres, de Bali, de Rabat, de Mombasa ? A-t-on oublié les massacres collectifs en Algérie ? C’est la même idéologie fanatique qui anime ces mêmes groupes que sont le Hamas, le Hezbollah et autres GIA. Ne pas vouloir le voir c’est s’interdire de comprendre ces exhibitions de cadavres brandis comme autant de martyrs. Le Hamas a compris que seule la compassion pour les victimes peut toucher les âmes chloroformées d’un Occident qui ne sait plus ce que veut dire vivre en armes, qui ne sait plus ce que veut dire passer ses nuits dans des abris, d’un Occident qui ne sait plus ce que représente la transmission du fusil des mains du père à celles de son fils.
Qui peut croire honnêtement qu’en Israël on bombarde avec plaisir, qu’on parte à la guerre avec jubilation, qu’on fasse trois ans d’armée avec bonheur ? Qui peut imaginer que ce peuple soit un peuple de tueur d’enfants ? Avez-vous lu Amos Oz ? Avez-vous lu David Grossman ? Il faut avoir en mémoire ces mots terribles de Golda Meïr : « Nous sommes prêts à pardonner aux Palestiniens d’avoir tué nos enfants, mais nous ne sommes pas prêts de nous avoir appris à tuer les leurs. » L’été 2008, en échange de la restitution des dépouilles de ses soldats kidnappés au Liban Israël a libéré un terroriste libanais, Samir Kountar, coupable de l’assassinat dans des conditions particulièrement atroces, en 1974 d’un père israélien et de sa fille de quatre ans tuée à coup de crosse. Cet homme fut accueilli en héros au Liban, salué par toute la classe politique. Les peuples ont les héros qu’ils peuvent.
Dès lors comment penser ces discours répétitifs, ces comportements monomaniaques de certains journalistes, cette obsession, ces commentaires fielleux à l’égard d’Israël dès qu’Israël fait la guerre ? Certes la comparaison n’est pas une bonne excuse, mais tout de même : cinq millions de morts au Congo en dix ans, cinq cent mille morts au Darfour en cinq ans, des centaines de milliers de personnes déplacées, ça n’intéresse personne. Une guerre sans nom au nord de Ceylan entre cinghalais et tamouls, mais qui s’en soucie. Un peuple sous la botte chinoise, mais les Tibétains ne sont pas le grand marché du monde. Ces faits n’intéressent donc pas nos commentateurs avisés ? Un Algérien égorgé par un jihadiste du GIA a-t-il moins d’intérêt qu’un Palestinien tué par un soldat israélien ? Les massacres arabo-arabes seraient ils plus acceptables que la guerre faite par Israël ?
Comment accepter sans broncher que ce soit au cours de la super chic émission « Ce soir ou jamais » de Frédéric Taddéi, que la représentante des « Indigènes de la République » puisse insulter la République et ses lois, traiter l’Etat d’Israël de raciste, faire la promotion d’une manifestation pro-Hamas et ne trouver en face d’elle que le silence gêné d’intellectuels ? Quelle est cette danse de saint Gui qui agite la gauche dès que c’est Israël qui est en cause et qui croit progressiste d’aller défiler sous les drapeaux du Hamas et du Hezbollah ? Si madame Buffet possède encore quelques neurones ne sait-elle pas que les secondes victimes des islamistes iraniens furent les communistes du parti Toudeh, atrocement liquidés comme autant de mécréants ?
Il y a autre chose que la critique ou la condamnation d’une politique quand il s’agit d’Israël. Non la fièvre qui s’empare des commentateurs nous dit autre chose, bien plus grave, bien plus profonde. Israël dérange. Il y aurait une sorte de soulagement chez certains en Europe à pouvoir dire à ces israéliens-juifs : « Vous faites aux Palestiniens ce que nous vous avons fait » avec, pour la France, ce codicille : « Vous faites aux Palestiniens ce que nous avons fait aux Algériens… » Ce règlement de compte par procuration soulage bien des consciences.
Israël a fait des erreurs. Israël a sans aucun doute de grands torts dans ses politiques, dans son système démocratique paralysant, mais cet Etat porte structurellement un refus de la pensée totalitaire, un refus de la barbarie, un refus de la soumission et c’est cela que les nazis voulaient anéantir et c’est cela que les Hamas et Hezbollah veulent détruire. Que des Européens, des Français, des gens de gauche, des intellectuels, supposés dotés de raison et de capacités critiques, refusent de le voir et de le comprendre est à la fois pathétique, consternant et désespérant. Voulez vous vivre avec le Hamas ?
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