L’ancien candidat à la présidence avait un plan choc pour réformer la France. Il voulait aller « très vite et très fort ». Que cela nous semble loin ! Lors de son intervention télévisée le 30 janvier dernier, l’ancien espoir de la droite a de plus confirmé qu’il avait définitivement quitté la politique.
Rappelons-nous… François Fillon estimait que la situation de la France à la fin du quinquennat Hollande était cauchemardesque, avec un État boulimique, irresponsable et impuissant, manipulé par des hauts fonctionnaires économiquement incompétents et idéologiquement sectaires, incapable de faire face à des syndicats réactionnaires et des corporations administratives momifiées.
Lui, l’ancien gaulliste colbertiste, avait fini par comprendre que c’est justement cet « État en situation de faillite » qui constitue le problème numéro 1 en France. Que, pour réformer vraiment le pays et s’efforcer de le redresser, il fallait d’abord s’attaquer à l’État, le faire maigrir et réduire de gré ou de force les dépenses publiques et ses augmentations incessantes.
L’affaire Pénélope a éclipsé un ambitieux programme économique
Que pour cela il fallait ne pas attendre des hauts fonctionnaires qu’ils se réforment eux-mêmes car, selon la formule de Charles Gave, « cela reviendrait à confier la clé de sa cave à vin à un sommelier alcoolique », et, selon le Nobel Jean Tirole, en termes différents mais tout aussi clairs, « les fonctionnaires ne doivent plus être au service de l’État mais au service du citoyen ».
Fillon, qui avait pu voir de l’intérieur la machine à perdre de la France pendant ses cinq années passées à Matignon à jeter des pelletées de charbon dans la chaudière vorace de la locomotive étatique, avait donc décidé, s’il était élu, de prendre le taureau par les cornes et de s’attaquer d’emblée aux vrais problèmes. Diminuer les blocages, desserrer les freins, démolir les murs pour libérer les énergies, attaquer les bastilles, faire tomber les totems, tout en relançant les moteurs économiques et le consensus social.
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D’abord, mettre fin officiellement aux 35 heures et passer progressivement les fonctionnaires aux 39 heures effectives après une période de transition. Casser le monopole syndical au premier tour des élections de délégués du personnel et de représentants dans les comités d’entreprise. Continuer en supprimant 500 000 postes de fonctionnaires, en jouant principalement sur les départs à la retraite non remplacés et donc en faisant travailler plus longtemps les fonctionnaires afin de supprimer petit à petit les doublons et les triplons, particulièrement dans la fonction publique territoriale. Détricoter complètement le Code du travail pour « le recentrer sur les normes sociales fondamentales, qui ne représentent qu’environ 150 pages sur 3 400 » (3 650 pages aujourd’hui dans le Dalloz 2019).
Un programme social carré
Ensuite, départ à la retraite à 65 ans pour tout le monde, le privé d’abord à court terme, le public ensuite à plus long terme, les régimes spéciaux étant supprimés dans leur principe. Réduire les dépenses publiques de 100 milliards d’euros sur cinq ans et baisser de 50 milliards la pression fiscale sur les entreprises et les ménages, tout en augmentant la TVA de 2%. Supprimer l’ISF et la ponction du fisc sur les transactions immobilières, abusivement appelées « frais de notaire ». Mettre un terme à la taxation des revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu pour la remplacer par une taxe forfaitaire de 30%, prélèvements sociaux inclus.
François Fillon voulait également que les fonctionnaires décidés à se lancer en politique soient dans l’obligation de démissionner de la fonction publique, sans jamais pouvoir revenir en arrière. Que les seuils sociaux dans les entreprises soient relevés et que soit mise en place une « allocation sociale unique » (ASU) regroupant le RSA, l’allocation spécifique de solidarité, la prime d’activité et les allocations logement. Cette ASU intégrerait « les montants versés au titre des autres prestations sociales et des allocations chômage » et serait plafonnée afin qu’il soit toujours « plus payant » de travailler, le tout étant géré par un dispositif centralisé et contrôlé par un seul organisme, qui aurait accès à la situation fiscale des intéressés et de leur foyer. Enfin, toujours côté social, rendre les indemnités de chômage « fortement dégressives » à partir du sixième mois et plafonner l’allocation chômage elle-même à 75% du salaire au lieu de 90% pour de nombreux chômeurs.
Cette grande folle de dette française!
Côté économique, Fillon avait décidé de privatiser massivement toutes les entreprises publiques dans lesquelles l’État « n’a rien à faire » et de céder ses participations minoritaires inutiles, à commencer par celles que ce monstre obèse et irrépressiblement glouton détient dans l’industrie automobile. Autrement dit faire un ménage complet dans les 1 800 entreprises dans lesquelles il est présent et qui concernent 2,4 millions de personnes, soit un salarié sur six hors fonction publique.
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Il ne s’agit là que d’une partie des points essentiels du plan Fillon, ce dernier voulant avant tout « quitter la route de la faillite et de la dette », ne croyant pas aux pansements ou aux cataplasmes quand il faudrait passer à la chirurgie. Pendant les dix années des deux quinquennats Sarkozy et Hollande, en effet, la dette avait grimpé de 75%, passant de 1 250 milliards à 2 200 milliards d’euros (2 450 milliards aujourd’hui) ! Une véritable folie ! Le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories confondues avait augmenté de 2,9 millions ! Les dépenses publiques étaient passées de 52% à 57% du PIB (sachant qu’un point de PIB égale 24 milliards d’euros) !
Sans compter les impôts, qui avaient continué leur progression jusqu’à constituer une charge écrasante pour les entrepreneurs et de très nombreux cadres, ceux qui font marcher l’économie. Quant aux prélèvements obligatoires – impôts plus transferts sociaux -, ils avaient conduit le pays à devenir champion du monde de la catégorie, le seul titre qu’aucun pays civilisé ne voudrait détenir. Pour toutes ces raisons, François Fillon voulait créer un véritable choc dans l’opinion, « aller très vite et très fort » et « renverser la table », ce qui ne manquait pas évidemment d’effrayer tous ceux qui avaient beaucoup à perdre dans un tel programme.
Comme l’ont écrit dans leur dernier essai, Apocalypse Now (Fayard), Gérard Davet et Fabrice Lhomme, les deux journalistes les mieux informés de Paris sur les bas-fonds secrets de l’Élysée du temps de Hollande, « François Fillon a bien bénéficié d’un traitement particulier de la part de la justice, un traitement de défaveur en quelque sorte […], il a bien été visé. De manière à être abattu, si possible en plein vol ». Un aveu qui en dit long…
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