Avant l’arrivée d’Anne Hidalgo, Paris était au bord de l’asphyxie. Son mandat arrivant à son terme, Paris respire toujours aussi mal ! Mais la ville est devenue désormais impénétrable. Dernière proposition en date: la locataire de la Mairie, bien partie pour se faire réélire, entend retirer 60 000 places de stationnement au profit des vélos.
En France, les politiques ne sont jamais d’accord sur rien. Une seule chose peut les faire cependant parler à l’unisson. Les projets de démontage de symboles. Qu’ils détruisent avec gourmandise sur l’autel du politiquement correct. Et plus particulièrement lorsqu’ils ne fonctionnent pas trop mal. Dernière idée de réforme en date, menée à vive allure par les élus de gauche, mais aussi par ceux de droite, le démantèlement annoncé du périphérique parisien. Ca y est, les spécialistes, réunis en conclave, se sont penchés sur l’anneau routier infâme et ont fini par se mettre d’accord. On peut donc dire, sans se tromper, que le ruban de 35 km qui contourne la capitale depuis 1973 devra donc bientôt évoluer.
Et comme à chaque fois qu’on progresse en France, on entrave, voire on interdit, sa surface devra donc être réduite au moins d’un tiers. Sa vitesse encore abaissée. Et certaines de ses voies sans doute réservées aux véhicules propres. Avant évidemment de disparaître totalement un beau jour. C’est comme ça. Et pas autrement. Et puis ça doit être une bonne réforme, car ce sont les experts qui le disent.
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Intensification des solutions piétonnes
On ne se pose évidemment pas la question de savoir pourquoi cet axe essentiel pour la circulation – et donc l’économie du pays – n’a jamais aussi mal roulé. Bien sûr que non, on vous a déjà dit qu’on était en France. Il suffit pourtant de l’emprunter pour comprendre.
Depuis les réductions des voies de circulation ordonnées par Anne Hidalgo au profit des vélos et de « l’intensification des solutions piétonnes », toutes les portes de Paris sont devenues des nasses, doublées parfois d’entonnoirs. Pas besoin d’être Isaac Newton pour comprendre qu’on ne fera jamais rentrer 200 litres d’eau dans une bouteille d’un litre. Même si elle n’est pas pétillante. Et, malgré une baisse régulière du trafic dans Paris (-34 % entre 2002 et 2017), il reste donc compliqué de passer de dix files de circulation à une ou deux. Prenez la porte Maillot par exemple. Elle absorbe chaque jour la circulation d’un des plus grands axes d’Europe : l’avenue Charles de Gaulle à Neuilly. Un boyau qui débite 180 000 voitures par jour et récupère déjà les trois voies du tunnel de la Défense, les cinq du boulevard circulaire, le trafic des habitants de l’ensemble des Hauts-de-Seine, une partie de celui des Yvelines, du Vésinet et de Versailles. Cette porte, capitale, collecte également tout le trafic du périphérique avec les autoroutes A6, A1, A13, A14 et A4. Sans parler de la gare routière des « Oui Bus ». Et où croyez-vous qu’aboutissent chaque jour toutes ces victimes de la relégation périurbaine ? Tous ces artisans, ces voyageurs de commerce, et ces touristes qui ne rêvent que d’accéder au Triangle d’or en provenance des deux aéroports ou simplement d’aller au travail? Mais sur une voie ou deux pardi ! Trois maxi. Car depuis la montée en puissance de la piétonisation et le développement « des initiatives décarbonées », tous les grands axes qui convergent vers le centre, ainsi que les boulevards des Maréchaux, ont été réduits d’un tiers ou de moitié. Sans exception.
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Comme dans de nombreux autres projets, on aurait pu faire les choses dans l’ordre. C’est-à-dire accompagner et motiver le retour des banlieusards dans la ville par exemple. En proposant des logements à loyers modérés. Après les avoir forcés à quitter les quartiers populaires aujourd’hui occupés par les bourgeois bohèmes ou par les bureaux. On a préféré développer les logements sociaux qui occupent désormais 30% de la capitale.
De plus en plus difficile de gagner le centre
On aurait pu améliorer aussi les transports banlieue-Paris au lieu de doubler le réseau des bus PC (petite ceinture) par des tramways sur les Maréchaux, dévorant des centaines de millions d’euros, et par endroit jusqu’à quatre files de circulation. Mais là encore ç’eût été la logique, donc un mode de fonctionnement assez éloigné des habitudes de la Mairie de Paris. Il y a 1,2 millions de voitures qui utilisent chaque jour le périphérique. Est-ce qu’on s’est posé une seconde la question de savoir ce qui allait pouvoir advenir des 438 millions d’automobiles qui déboulent sur le bitume du boulevard circulaire chaque année ? La réponse est oui, mais quelle était la question ? On a préféré envisager la récupération de l’espace bitumé pour le remettre en pleine terre, bannir les poids lourds, reconstruire cet axe majeur en le transformant en boulevard urbain et paysager. Bref on a tout fait à l’envers. La question n’est pas de savoir si le périph est bon pour la santé. N’importe quel demeuré – donc n’importe quel automobiliste aux yeux des pouvoirs publics – vous dira objectivement le contraire. La question est de réformer calmement et sans heurt une institution essentielle pour les Franciliens même si elle fonctionne de manière erratique. D’un autre côté, pouvait-on attendre autre chose que de l’incohérence en laissant nommer le plus séditieux des écologistes à la tête de la circulation d’une des plus grandes villes du monde ? Autant demander à Alain Prost de gérer la faune et la flore du circuit du Castelet. Ou au groupe Bouygues de s’occuper de la protection des grues (évidemment cendrées). La seule réponse des écologistes aux besoins évidents des déplacements citadins tient en quatre idées fortes : covoiturage, vélo, trottinettes, marche à pieds. Résultat, en cinq ans 60.000 Parisiens ont fui la capitale « C’est comme si en l’espace d’un quinquennat, toute la population du Vème arrondissement avait déserté Paris » explique le journal Le Parisien. Ceux qui restent vieillissent au milieu des quartiers désertés par les commerçants et envahis par les locations de courte durée style booking.com. Les transports en commun sont exsangues. En temps normal, c’est-à-dire entre deux grèves, il y a un métro toutes les minutes trente. 3,39 milliards de trajets en 2018, soit une augmentation de près de 8% en cinq ans.
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Même en distribuant des vitamines aux conducteurs, on ne pourra jamais accélérer cette cadence. Et ce ne sont pas les prolongations de lignes annoncées, celles des rames ou le nouveau réseau Eos qui changera tant les choses. A chaque fois qu’une ligne est lancée, elle est d’ailleurs immédiatement submergée. Si le pire n’est jamais sûr, le meilleur est la moins certaine des hypothèses. Les établissements et commerces du centre de Paris commencent à pâtir sérieusement des bouchons, mais connaissent aussi un gros problème de ravitaillement. Les transporteurs refusant de plus en plus de livrer le centre. Usés par la circulation et surtout dégoûtés par les PV par camera qui sanctionnent certains arrêts par des amendes à 135 euros dans les voies de bus et vélo. 600 PV par jour en 2018 ! C’est dire s’il est urgent de végétaliser le périphérique… Avant l’arrivée d’Hidalgo, Paris était au bord de l’asphyxie. Quatre ans plus tard, Paris respire toujours aussi mal. Mais la ville est devenue désormais impénétrable.
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