« Sorcières » ! Dernier cri de ralliement à la mode parmi les hystériques du dernier féminisme à la mode.
Rien de bien neuf. Dans les années 70, quand la « cause des femmes » était un travail sérieux sur lequel se penchait Gisèle Halimi, la branche armée du MLF avait intitulé Sorcières une revue consacrée au combat féministe — qui avait un sens plein à une époque où les femmes venaient enfin de décrocher le droit d’ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leurs époux, et de contrôler leur ventre et ce qui s’y passait.
Le même mot, selon les époques, prend des sens bien différents. Au XVIe siècle et au début du XVIIe, au plus fort des persécutions, « sorcières » sentait le bûcher.
Quand Michelet s’en est occupé au milieu du XIXe, le terme était devenu référentiel à une période révolue.
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Dans l’après-68, c’était une métaphore. Aujourd’hui, c’est une revendication grotesque, une parodie des luttes qui ont peu à peu grignoté le pouvoir mâle dans ce qu’il avait de plus excessif. Les « sorcières » actuelles sont les arrière-petites-filles des femmes qui se sont battues pour la liberté de l’avortement et de la contraception, les très lointaines descendantes de celles qui ont payé sur le bûcher leurs dons de guérisseuses ou d’avorteuses. Même nom de famille, mais si peu de gènes en commun…
Je n’ai jamais été porté sur la recherche, trop touche-à-tout pour consacrer quelques belles années à un sujet unique. Mais j’ai failli succomber une fois à la tentation de la thèse.
C’était justement au début de ces années 70. J’avais eu Michelet à un quelconque programme, et l’addendum de la Sorcière m’avait aiguillé sur l’affaire Girard-La Cadière qui bouleversa Toulon et le Parlement d’Aix en 1730-1731. Raymond Jean venait de sortir la Fontaine obscure (1976), inspiré par le procès Gaufridy : j’ai face à moi, tandis que j’écris, le clocher de l’église des Accoules où officiait ce gentil garçon brûlé vif à Aix en 1611 — mais ce n’est pas le clocher d’origine. La lecture attentive de Thérèse philosophe, attribué au marquis d’Argens, et de la correspondance de Voltaire, le fait que ç’ait été la dernière affaire en France où le soupçon de sorcellerie fut évoqué — et rejeté par un tribunal qui conformément à l’évolution du Droit et à la montée des Lumières préférait juger des crimes (un viol compliqué d’avortement, à l’époque) plutôt que des fumées pseudo-religieuses, tout cela m’avait incité à y ajouter mon grain de soufre… Travailler sur les répercussions littéraires de ce procès particulier me tenta donc quelque temps — avant de réaliser que j’avais du plaisir à lire, mais aucun à me salir les mains avec les minutes d’un procès (que je suis quand même allé déterrer dans les archives d’Aix-en-Provence). Mes velléités se sont arrêtées après le visionnage quasi simultané de la Sorcellerie à travers les âges, le film « pré-Code » (1922) de Benjamin Christensen,
et des Diables de Ken Russell (1971), où Oliver Reed se consumait en détail après quelques séances de torture pas piquées des vers.J’ai certainement bien fait d’en rester là — et Stéphane Lamotte a sorti en 2016 sur les presses de l’université de Provence une étude très fouillée de l’Affaire Girard-La Cadière que j’ai lu avec intérêt et à laquelle je renvoie le lecteur amateur d’horreurs… >>> Lire la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli, Bonnet d’âne <<<
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