Accueil Édition Abonné 93: la non-mixité en marche

93: la non-mixité en marche

La solution contre le harcèlement de rue


93: la non-mixité en marche
Marché du centre-ville d'Aubervilliers, mars 2019. ©Martin BUREAU/ AFP

Le département de la Seine-Saint-Denis, associé au CAUE 93, a organisé un colloque pour combattre le harcèlement des femmes. Au nom du vivre-ensemble, les participants prônent la séparation des sexes. De quoi ravir les islamistes.


 

Lundi 2 décembre 2019 avait lieu à Saint-Denis le colloque « Femmes et espaces publics en Seine-Saint-Denis », organisé par le CAUE (conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement ) et le département. On se souvient de l’élargissement des trottoirs proposé par Caroline De Haas pour répondre au harcèlement de rue. L’idée fait son chemin. Objectif : la séparation des sexes dans l’espace public.

Nombre d’habitantes de Seine-Saint-Denis le savent par expérience, leur présence dans les rues ne va pas de soi. Remarques, insultes et injonctions à s’habiller « correctement » délivrées par de parfaits inconnus font partie de leur quotidien. Le colloque organisé par le CAUE 93 entend ainsi proposer des solutions à une réalité par ailleurs statistiquement confirmée par l’INED[tooltips content= »Enquête Virage de 2015″][1][/tooltips]: une femme sur trois vivant en Île-de-France est harcelée dans l’espace public. Qui donc empêche les femmes de Seine-Saint-Denis de vaquer à leur guise ? Les urbanistes présents au colloque (des femmes en majorité) ne poseront à aucun moment la question. En revanche, elles désigneront à l’unanimité le responsable de cette exclusion des femmes de l’espace public : l’aménagement urbain, fait par et pour les hommes. Prenons la ligne de métro 14, explique Claire Hancock, professeur à l’université de Créteil : inadaptés au corps féminin, les wagons de la ligne exerceraient une « véritable violence sur le corps des femmes ». Que les transports publics soient un lieu agressif pour les femmes (et pas uniquement pour elles, serait-on tenté d’ajouter) n’aurait donc rien à voir avec l’ensauvagement ambiant consigné par les enquêtes du ministère de l’Intérieur. Le coupable, c’est l’espace public, « conçu pour les garçons ».

A lire aussi: Des slams pour l’islam

Quant aux victimes, Claire Hancock est formelle : la femme harcelée qui hante les statistiques est une « femme abstraite appartenant à la classe moyenne ». En clair, dans la sémantique en vogue à laquelle se réfère Mme Hancock sans directement l’utiliser, la femme qui se plaint de harcèlement est blanche : « On se saisit de la question des femmes pour attirer les classes moyennes », en voulant « éradiquer les personnes racisées ». « Racisé », le mot est lâché. En novlangue déconstruite, comme le « genre » qui prétend se dissocier du sexe biologique, mais qui en réalité ne parle que de méchants messieurs et de dames victimes, la « race », soi-disant « construction sociale », désigne essentiellement les Noirs et les Arabes. Ces derniers auraient donc à voir avec le harcèlement des femmes, comme semble le dire à son insu Mme Hancock ? La cause des femmes serait l’alibi des impératifs économiques et bourgeois de la gentrification ?

L’inclusion en marche

La gentrification en effet pose problème, en ce qu’elle contredit le mantra qui revient chez tous les intervenants du colloque : l’inclusion. « Jeunes, travailleuses du sexe et toxicomanes » ne sauraient ainsi être exclus de l’espace public, sauf à céder à de dommageables velléités sécuritaires. Quelle étrange liste ! Pourquoi les « jeunes » seraient-ils susceptibles d’être exclus de l’espace public ? En quoi les prostituées harcèleraient-elles les femmes ? Et pour finir, les toxicomanes dont il est ici question ne renverraient-ils pas plutôt aux dealers (dont ils ne sont jamais très éloignés) et aux migrants dont certains consomment et trafiquent ?

Dès que « l’inclusion » prime sur la loi, les tensions sont inévitables : dealers et groupes de « jeunes », tant pour de basses considérations de business que pour des raisons culturelles liées à l’islam, tiennent leur territoire où les femmes n’ont selon eux rien à faire. Mais de cette réalité, il ne sera pas question. Pour résoudre (contourner ?) les contradictions posées par le vivre-ensemble auquel ils aspirent tant, les urbanistes du 93 ont la solution : la marche exploratoire. La marche exploratoire, c’est l’avenir. C’est le progrès. D’ailleurs, on la pratique « à l’international », à Vienne, à Barcelone, etc.

A lire aussi: Issy-les-Moulineaux, la mosquée des micmacs

On brûle de savoir ce qu’est cette pratique mystérieuse. Après avoir suivi un « atelier de gestion du stress », un groupe d’habitantes arpente la ville, relevant les endroits à éviter. Le but : dresser une « cartographie genrée » servant de base de travail aux urbanistes. Ceux-ci, sous l’égide des marcheuses, aménageront dès lors les lieux de façon à les sécuriser, installant, par exemple, des éclairages avec capteurs de mouvements…

Si les intervenantes du colloque restent sibyllines quant au périmètre de non-mixité de ces marches exploratoires (concerne-t-elle les réunions préparatoires à la marche, la marche elle-même, les territoires arpentés ?), il en ressort néanmoins qu’à leurs yeux, « la séparation dans l’espace public » est à privilégier, en ce qu’elle « évite la domination d’un groupe sur l’autre ». La séparation des sexes dans l’espace public constitue donc pour les urbanistes présentes un concept légitime et une solution d’avenir. Sa mise en œuvre paraît néanmoins objectivement impossible, du fait de l’étendue et de la complexité dudit espace.

Cependant Jeannette Ruggeri, responsable du collectif Le Bruit du frigo, n’entend pas abandonner cette voie. Selon elle, dans les établissements scolaires, où « existe une non-mixité de fait », on peut travailler concrètement la question. Autrement dit, les collèges, gérés par le département, peuvent servir de ballons d’essai à la mise en place, voire à l’institutionnalisation de la non-mixité. Ainsi cette association (subventionnée) a-t-elle créé « des espaces éphémères de non-mixité » au collège de Talence. Est-ce fortuit ? L’expérience de non-mixité en milieu scolaire initiée par Mme Ruggeri correspond exactement à ce que réclament les tenants de l’islam politique : une séparation des filles et des garçons dès l’enfance.

Janvier 2020 - Causeur #75

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Roger Scruton, pour chaque livre, un vin
Article suivant Du droit de blasphémer à la capitulation sans condition
Essayiste, journaliste, auteur de la newsletter https://annesophienogaret.substack.com/, décryptage des tactiques et de la rhétorique frériste

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération