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Frédéric Fromet: humour de fonctionnaires

Chanter "Jésus est pédé" et se prétendre Charlie, un peu facile!


Frédéric Fromet: humour de fonctionnaires
Frédéric Fromet en 2017 © SADAKA EDMOND/SIPA Numéro de reportage: 00856966_000001

Il ne saurait être question d’interdire les chansons blasphématoires de Frédéric Fromet visant les cathos. Elisabeth Lévy déplore toutefois que l’humour de France inter soit à sens unique.


C’était vendredi soir dans « Par Jupiter », l’émission prétendument humoristique de Charline Vanhoenacker sur France inter – prétendument, car s’il peut arriver à ces rebelles appointés d’être drôles, l’humour, c’est autre chose, un pas de côté. Or ceux-là foncent sur tous les boulevards qui s’offrent à eux. Quelques jours après le cinquième anniversaire de l’assassinat de nos dessinateurs aux cris de Allah Akbar, on aurait pu attendre de Frédéric Fromet, chanteur-humoriste payé par nos impôts, qu’il s’en prenne par exemple aux Frères musulmans qui contrôlent nombre de nos quartiers. Ou aux déséquilibrés armés du Coran et de couteaux. Que nenni. L’urgence était de combattre les intégristes chrétiens qui, au Brésil, ont tenté d’interdire une série mettant en scène une liaison homosexuelle de Jésus. 

Ce qui a donné: « Jésus est pédé, Jésus est pédé, J’vois pas pourquoi ça dérangerait ». Fromet a justement voulu déranger, autrement dit épater le bourgeois, et ça a marché. La chanson a choqué pas mal de cathos, comme les caricatures de Mahomet publiées par Charlie avaient choqué beaucoup de musulmans. Mais ce n’est pas le problème. La laïcité à la française commande d’accepter d’être choqué par les idées, les croyances ou l’humour des autres. Encore faudrait-il que les baffes soient équitablement distribuées. 

Avec le catho, tout est permis!

Ce qui choque dans l’humour francintérien (ridiculisé dans le dernier livre de Beigbeder) n’est pas qu’il dérange les idées établies, bien au contraire, mais qu’il soit fort avec les faibles et faible avec les forts. 

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Face à l’islam radical qui a le vent en poupe et dont certains représentants sortent leur revolver quand ils entendent le mot critique, on fait preuve sur France inter d’une délicatesse de jeune fille. Il ne faut pas froisser le musulman du coin de la rue avec le grossier rappel des exploits macabres commis en son nom (le Huffpost qui s’est préposé à la défense de Fromet a exhumé, pour les cinq dernières années, une chronique sur les frères Coulibaly, datant de la courte période où France Inter était Charlie.) Avec les Juifs, on n’ose pas. Comme disait Bernanos, Hitler a déshonoré l’antisémitisme. 

Avec le catho, tout est permis. Tous pédophiles, tous intégristes, tous fachos. Tous des ploucs. Après l’incendie de Notre Dame Fromet s’était illustré en chantant « elle a cramé la cathédrale » sur un air de comédie musicale – avant de souhaiter qu’on soit aussi débarrassés des curés. 

Le vrai scandale

Il est vrai qu’on ne peut pas défendre l’humour et interdire le mauvais goût. Aussi ne s’agit-il pas d’interdire. On peut néanmoins observer que, sur France inter, le mauvais goût est à sens unique. Il hurle avec les loups, en particulier avec les minorités actives qui ont fait du statut de victime une arme pour pourrir la vie de leurs concitoyens. Un coup d’œil aux sujets des dernières cibles du sieur Fromet est révélateur : Finkielkraut et les vieux schnocks qui s’en prennent à Greta Thunberg, les violences policières, contre la réforme des retraites évidemment. Le jour où Fromet osera se moquer des tartuffes de gauche, du lobby LGBT, des féministes puritaines et punitives, des islamo-gauchistes, de Ladj Ly, de Télérama, voire de lui-même, bref des vaches sacrées et des idées dominantes, on pourra parler de subversion. Pour l’instant, il n’est qu’un mutin de Panurge, un petit soldat de la bien-pensance payé par mes impôts. D’aucuns trouveront mesquin ce rappel récurrent de « qui paye ». Que l’argent public finance une telle propagande est pourtant un scandale qui devrait mobiliser tous les esprits épris de liberté. 

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Pour autant, ceux qui, parmi les cathos, caressent l’espoir de rétablir le délit de blasphème font fausse route. Certes, quand un ministre, Julien Denormandie en l’occurrence, affirme, l’ignorance en étendard, que « l’islamophobie est un délit », faisant dire à Richard Malka « on se demande comment un ministre peut être aussi con », on se dit que le combat est déjà perdu. En attendant, des intellectuels ont été insultés et traités en justice pour n’avoir pas cédé au chantage à l’islamophobie, ce n’est pas pour qu’on en fasse taire d’autres en les traitant de cathophobes.

Nous ne défendrons pas la liberté d’expression en décrétant qu’on n’a plus le droit de rire de rien mais en revendiquant notre droit de rire de tout, y compris des sujets interdits par l’opinion censément éclairée. 

J’adjure donc mes amis catholiques, représentants en ligne directe de la vieille culture majoritaire en France, de ne pas céder à leur tour à la tentation victimaire, de ne pas devenir la énième minorité vindicative. L’humour n’est pas seulement un droit, c’est une façon de penser. 

Il ne s’agit donc pas de protéger les cathos contre la critique et la caricature mais d’étendre à tous, aux musulmans, aux juifs, aux pêcheurs à la ligne et aux végans la liberté de critiquer, de penser et de déconner. Commençons par nous en servir en nous payant sans relâche la tête des ronds-de-cuir du rire. En attendant de leur apprendre un jour le sens du mot « pluralisme ». 

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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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