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Albert Camus, l’homme révolté contre le progrès

Le philosophe "pour classes terminales" était en avance contre l'actuelle lubie progressiste


Albert Camus, l’homme révolté contre le progrès
Albert Camus © Rene Saint Paul Bridgeman images

Le 4 janvier 1960, Albert Camus perdait la vie à bord de la Facel-Vega qui le ramenait à Paris. Soixante ans après sa disparition, il nous aide toujours à penser ce qui nous arrive.


On a souvent dit de Camus qu’il était un imposteur philosophique. Du reste, lui-même déclarait en 1945 ne pas être philosophe. Il exécrait la froideur vaniteuse des systèmes théoriques auxquels il substituait la chaleur de son Algérie natale.

60 ans sans Camus

Au « rien ne vaut rien », Camus opposait une révolte à dimension métaphysique. Toutefois, pour ce « cœur grec », révolte signifiait aussi mesure. Il importait, selon lui, de ne se révolter que pour de véritables raisons, et non par pure idéologie. À cette aune, le réflexe pavlovien du rebellocrate contemporain traduit un dévoiement de la morale camusienne en posture moralisatrice.

À l’image du juge Clamence dans La Chute, le révolté d’aujourd’hui gagne sa supériorité par une autoflagellation permanente qui permet au pénitent de devenir l’accusateur de tous ses pairs. Coupables de tous les maux, nos sermonnaires n’endossent en réalité plus aucune responsabilité, ni ne tirent aucune réelle leçon pour l’avenir. Pour Camus, ceux qui condamnent ainsi a posteriori la colonisation et l’expansion européenne expriment le repentir hypocrite d’une culture en déclin. Il écrira dans ses Chroniques algériennes : « Il est bon qu’une nation soit assez forte de tradition et d’honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu’elle peut avoir encore de s’estimer elle-même. Il est dangereux en tout cas de lui demander de s’avouer seule coupable et de la vouer à la pénitence perpétuelle. »

Quand Albert Camus se fait anti-progrès

De fait, Camus se dressait déjà contre l’actuelle lubie progressiste qui prétend que la marche du monde est nécessairement un progrès. Il était donc, à l’instar de Péguy, antiprogressiste parce qu’anti-idéologique. À une « politique de l’honneur » pétrie d’illusions, il préfère la « politique de la réalité » qui, bien qu’elle n’établisse aucun sens supérieur, prend néanmoins le vrai parti de l’homme et allie amour de la justice et amour de son pays.

Face aux prétentions éthérées de faire advenir le Bien, il revient plutôt aux hommes de préserver ce qu’il y a de beauté dans la nature humaine et dans le monde tel qu’il est, c’est-à-dire ce « déjà-là » fait de trésors qui nous ont précédés. C’est pourquoi Camus dénonce, après Heidegger, la tristesse d’un monde moderne devenu empire de la technique. « Aucun peuple, écrit-il encore, ne peut vivre en dehors de la beauté. »

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Janvier 2020 - Causeur #75

Article extrait du Magazine Causeur




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