Le meurtrier de Sarah Halimi Kobili Traoré, considéré comme mentalement sain jusqu’à présent, aurait eu une « bouffée délirante » au moment des faits, d’après le premier expert psychiatre. Ce qui le rendait apte à être jugé, une simple altération du jugement n’exonérant en rien la responsabilité du criminel. Mais les expertises suivantes et la Cour en ont décidé autrement. Pourquoi ?
Face à l’antisémitisme musulman et à ses crimes, le juge n’est pas si désarmé qu’il en a l’air, pour peu qu’il ai le courage d’user de ses prérogatives. En effet, sans remettre en cause le fameux article 122.1 du code pénal, il est certain qu’un assassin fanatisé ne peut être mentalement normal sur notre échelle d’évaluation psychiatrique. C’est alors au juge qu’il revient de définir la culpabilité, sans se réfugier derrière des analyses psychiatriques, mais en prenant compte de tous les éléments de l’affaire.
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Kobili Traoré, coupable mais pas responsable
De ce que nous pouvons savoir, Kobili Traoré est un multirécidiviste, condamné à plus de vingt reprises pour des faits relatifs au trafic de drogue, à la possession d’armes prohibées, à des tentatives de vol, à des actes de violence et à des refus d’obtempérer. Quand les psychiatres nous expliquent qu’il est atteint d’une pathologie antisociale avec propension à la violence, on a envie de leur répondre que l’on s’en doutait, au vu du pédigré judiciaire de l’individu.
Kobili Traoré est également un grand consommateur de cannabis. Son addiction ne datant pas d’hier, il est habitué à fumer plus de quinze joints par jour, afin que cette drogue puisse continuer à lui faire de l’effet. Le jour de son passage à l’acte, il s’avère que son taux de THC (tétrahydrocannabinol, principe actif du cannabis, qui agit sur le psychisme du consommateur) était plutôt modéré, et ne correspondait absolument pas à la quantité de drogue qu’il prétendait avoir consommée.
Les témoignages des proches, interrogés après les faits, font état d’une grande agitation de Kobili Traoré, sans pouvoir en connaître l’origine. Recueillir ça et là des phrases tronquées, des déclarations sur des agissements ponctuels et des comportements inhabituels ne constitue pas une preuve de l’irresponsabilité de l’accusé, qui n’avait jamais souffert de troubles psychiatriques, faut-il le rappeler.
Schizophrène de circonstance
La particularité singulière de cette affaire est que Kobili Traoré, considéré comme mentalement sain jusqu’à présent, aurait eu une « bouffée délirante » au moment des faits, d’après le premier expert psychiatre, le docteur Daniel Zagury. Ce qui le rendait apte à être jugé, une simple altération du jugement n’exonérant en rien la responsabilité du criminel.
Pour faire bonne mesure, et sans faire part de ses intentions, la juge demande une autre expertise aux docteurs Bensussan, Meyer-Buisan et Rouillon, qui découvrent chez Kobili Traoré un trouble psychotique, probable symptôme d’une schizophrénie. Et donc, abolition du discernement, non-lieu et hospitalisation forcée à l’unité pour malades difficiles de Villejuif. Trois autres experts donneront la même conclusion.
A ce stade, il est intéressant de se poser quelques questions. Pourquoi le juge a-t-il ordonné une autre expertise, prérogative habituelle des avocats, sachant que le docteur Zagury avait déjà rendu trois rapports, qu’il avait été présent dès le début de l’affaire, empêchant ainsi l’accusé de se « préparer » pour les évaluations psychiatriques ? Et quelle est la raison pour laquelle la juge n’a retenu que l’avis des experts mandatés par elle-même, rayant d’un trait de plume l’excellent travail du docteur Zagury ?
La juge et les faits
Rappelons d’abord que Kobili Traoré a été diagnostiqué comme souffrant de troubles psychotiques. La définition de ces troubles est assez générale : « Les troubles psychotiques affectent le fonctionnement du cerveau de façon majeure en modifiant les pensées, les croyances ou les perceptions ». (Un ami psychologue me confiait que c’était une pathologie « fourre-tout », très utilisée dans les milieux psychiatriques, avant que des analyses poussées puissent définir avec exactitude la nature des troubles mentaux.)
Rappelons également que les faits, tels que décris, ont également été portés, bien-sûr, à la connaissance de la juge d’instruction.
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La nuit du 3 au 4 avril 2017, Kobili Traoré, 27 ans, d’origine malienne, s’est introduit brutalement à 4h35 chez des voisins au troisième étage de son immeuble, en prenant bien soin de refermer la porte d’entrée à clé. Les occupants, effrayés par la brutalité de l’intrus, se sont alors enfermés dans une chambre avant de prévenir la police. La BAC est arrivée 3 minutes plus tard, mais n’est pas intervenue, préférant attendre des renforts. En effet, les 3 policiers présents avaient entendu Kobili Traoré réciter des sourates du Coran derrière la porte, et se trouvaient maintenant dans le cadre d’une action terroriste.
Requiem pour un massacre
Pendant ce temps, l’assassin avait pénétré par le balcon voisin chez madame Sarah Halimi, qu’il avait surprise dans son sommeil. Il s’était alors acharné sur sa pauvre victime, à coups de poing répétés, en la massacrant littéralement, tout en hurlant, d’après des témoins, « Allah akbar » à plusieurs reprises, en traitant sa victime de « satan » en arabe. Le calvaire de madame Halimi aura duré plus de 40 minutes, avant que Kobili Traoré décide de la défenestrer, tout en ayant la présence d’esprit de dire aux forces de l’ordre, dans la rue, qu’une « vieille dame voulait se suicider ».
L’assassin s’est alors changé, et a regagné par le balcon l’appartement de ses voisins où il s’est remis à prier. Son interpellation aura lieu à 5h35.
Toutes les actions de Kobili Traoré, cette nuit sanglante, semblent plutôt perpétrées par un fanatique islamiste, antisémite, bien préparé et méthodique dans son crime odieux, plutôt que par un homme à l’esprit dérangé et au comportement hasardeux et sans discernement.
Non, décidément, dans cette affaire la justice n’a pas fait son travail. Entre les demandes de reconstitution refusées, les expertises supplémentaires demandées sans aucune raison, le comportement de l’accusé lors des faits, à l’évidence tout à fait normal pour un fanatique islamiste, le jugement rendu n’est pas un modèle du genre. On ne botte pas en touche face à ce genre de crime, madame la juge.
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