Vous êtes bientôt trentenaire et vous ne savez toujours pas quoi faire? « Les enseignants seront les grands gagnants de la réforme des retraites », titrait un article du Figaro le 21 décembre. D’ici 2037, chaque enseignant gagnerait, outre son augmentation liée à l’ancienneté, 700 à 900 euros brut mensuels. Cette revalorisation touchant avant tout celles et ceux nés après 1975, voilà de quoi rassurer les actifs en pleine force de l’âge qui craignent pour leurs vieux jours.
Vous ne vous ennuierez jamais
A notre époque, devenir professeur n’est pas seulement un moyen d’avoir de longs congés payés par le contribuable, mais surtout l’occasion d’échapper à la routine du travail de bureau. Le lundi 9 décembre à Maisons-Alfort, un enseignant a reçu deux coups de tête de la part d’un bambin de… dix ans. À Gisors, charmante bourgade du département de l’Eure, un enseignant a été blessé par un lycéen le vendredi 13 décembre. Trois jours plus tard à Béziers, un enseignant s’est fait casser le nez par un élève de première qu’il venait de gifler (les parents de l’élève ont décidé de porter plainte contre l’auteur de la gifle). Déjà au début de l’année, Le Point s’alarmait de la hausse des violences contre les enseignants. Dans cette atmosphère pesante, Christine Renon, directrice d’une école de Pantin, craquait et mettait fin à ses jours le 21 septembre.
Une profession pleine d’avenir
Cela ne vous effraie pas? Tant mieux: le nombre de candidats au CAPES 2020 étant en recul de 7,8 %, c’est le moment de vous lancer! Ainsi, vous pourriez initier vos élèves aux mystérieux rouages de l’économie (chute de 23 % du nombre de candidats en sciences économiques et sociales), aux charmes de la langue de Goethe ( – 18 % en allemand), aux trouvailles de Pythagore ou Thalès (- 17 % en mathématiques), ou encore, au dilemme cornélien de Rodrigue: venger son propre père ou épouser celle que l’on aime? (-7 % en lettres).
Des débats sans fin ?
Vous craignez de ne pas avoir le bagage suffisant pour captiver votre auditoire empli de soif de connaissance? Rassurez-vous, la future réforme du CAPES minimiserait l’exigence de maîtrise des savoirs disciplinaires au profit des connaissances pédagogiques. Chez nos confrères de Marianne, un professeur d’histoire s’en inquiétait le 5 décembre dernier en ces termes: « le professeur […] serait perçu comme un répétiteur dont le rôle sera d’appliquer machinalement des séquences pédagogiques clés en main ».
Quelques jours plus tard, un professeur de lycée professionnel répondait à son confrère dans le même magazine: « un professeur d’anglais qui connaît l’œuvre de Shakespeare sur le bout des doigts, ou bien un professeur d’Histoire et Géographie incollable sur les moindres détails de la Guerre froide, ne sont pas forcément de bons professeurs ». Ah, le thème du « bon professeur ». Qu’est-ce qui fait un « bon professeur »? Faut-il forcément avoir la tête plus pleine que celle de son confrère pour être un « bon professeur »? Après avoir discuté des élèves dans la « salle des profs », voilà un sujet dont vous aurez tout à loisir de causer avec vos collègues si vous signez.
Le plaisir des mutations
La France est riche de ses terroirs, la France est forte des liens qu’elle a su tisser à travers le monde. En entrant dans l’Éducation nationale, vous pourriez découvrir de majestueuses contrées comme la Seine-Saint-Denis ou la Creuse, des départements qui peinent à attirer les hussards noirs de la République. Pour ceux plus habités par des lubies de soleil et d’exotisme, l’épineuse Guyane ou l’abondante Mayotte vous tendent les bras. Certes, le temps des muses de Gauguin est révolu, mais Tahiti évoque toujours un parfum d’infini et de sérénité. Un rêve auquel vous pourrez sérieusement songer suite à quelques années d’ancienneté.
Toujours pas convaincu? Dans ce cas, vous n’êtes sans doute pas en total désaccord avec les syndicats enseignants qui estiment qu’à ce jour, « le métier est sous-payé ». Dans la pure tradition française, l’intersyndicale de l’éducation -FSU, Snalc, CGT, SUD- a appelé pour le 9 janvier à… manifester. Reste à voir si durant les fêtes, Jean-Michel Blanquer, qui voit une « occasion historique » pour les enseignants dans la réforme des retraites, parviendra à les convaincre de sa bonne foi. Au vu du climat social actuel, il y a de quoi en douter.
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