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Un Noël avec Gianna, Paolo, Dino et les autres

Les Français déprimés peuvent se tourner vers l'Italie


Un Noël avec Gianna, Paolo, Dino et les autres
La chanteuse Gianna Nannini en concert à Rome en 2016 © AMENDOLA/IPA/SIPA Numéro de reportage: 00751063_000003

La liste de cadeaux 100 % italiens de Thomas Morales


Quand notre moral est plombé, le Français regarde, par réflexe, vers l’Italie. De l’autre côté des Alpes, la vie lui semble plus douce, la nourriture moins trafiquée, les conversations plus animées et même la mélancolie prend une forme moins neurasthénique que chez nous. Elle est plus piquante, plus énergisante aussi, moins solennelle. Elle active les neurones et réveille la libido. Comme s’il y avait chez nos voisins, une volonté de sauter sur les décombres et de rire de son inconséquence. Cette fermentation de l’esprit nous fait  défaut.

Les Italiens moins assommants que les Français

Cette mise à distance du malheur sans l’occulter est la marque des grandes nations. Leur nostalgie n’est jamais rance. Leur ironie bienveillante ne parque pas les individus dans des souricières. En France, tout tourne au tragique sans le comique, nous sommes devenus un peuple poseur, bégueule et fatigué de nos débats. Nous sentons la naphtaline. J’entends les mêmes arguments sur les raisons de notre déclin depuis trente ans, les experts de la parlotte se les jettent à la figure avec mollesse et lassitude. Le spectacle est assommant. Ce cirque-là frise l’indécence. Je trouve plus de génie créatif et d’audace stylistique chez Les Marseillais de W9 que sur un plateau de politologues sédentaires.

Alors, au premier sapin illuminé, les vitrines des villes tentent de fuir cette dépression. Des montagnes de Panettone s’élèvent vers le ciel. Et l’air du Capitole est le seul respirable. C’est toujours aussi le moment de l’année où je relis un Dino Buzzati de poche, défraîchi et souillé. Pour faire le fanfaron, j’en cite toujours un extrait à mon vieux camarade Dominique G., éditeur numérique et chirurgien esthétique de la phrase, comme le personnage de Silvio Berlusconi dans le film de Sorrentino. Notre pouvoir d’achat nous permettant guère de s’offrir un week-end à Rome, on peut s’imprégner du parfum de la Dolce Vita d’une autre manière en lisant, en écoutant ou en visionnant des œuvres 100 % « Made in Italy ». Chez nous, la crèche vire à l’affrontement civilisationnel. Pour élever le débat et voir plus loin que les identités phagocytées, je vous conseille Noël, Aux origines de la crèche  de Maurizio Bettini aux éditions du Seuil, dans la collection « La librairie du XXIème siècle » dirigée par Maurice Olender. Vous saurez tout sur Jésus, Marie, Joseph, l’âne, le bœuf et les autres protagonistes. Le professeur émérite de philologie classique de l’université de Sienne a enquêté, des Évangiles apocryphes à la Naples baroque. Juste la première phrase de son récit incite à continuer une lecture érudite : « Si, pour faire la crèche, nous devions suivre les indications de l’Évangile de Matthieu, on courrait à l’échec ».

Le chant du vieux monde à l’heure des doutes

L’Italie, c’est une mystique, un décor et un son, cette voix rocailleuse, sorte de blues méditerranéen qui crie son désespoir. Le chant du vieux monde qui viendrait percuter notre réalité quotidienne à l’heure des doutes. La transmutation par la voix d’un état d’absence totale à tous nos sens en alerte. Le dernier album de Gianna Nannini dans les bacs depuis le 15 novembre produit cet effet-là. Il s’intitule La Differenza. Il a été enregistré à Nashville. Oh oui quelle différence avec ses consœurs françaises aux vocalises anémiées, Gianna a conservé depuis toutes ces années, la même brutalité sensitive que lorsqu’on réécoute son standard « I maschi », notre borne temporelle. Gianna est une chanteuse qui impose le silence respectueux.

Quant à l’image de l’Italie, incandescente et brouillonne, il faut voir tous les films de Paolo Virzì que je considère actuellement comme l’un des meilleurs cinéastes au monde. Il brouille les frontières entre la comédie, le drame et le thriller. Tout me charme dans son œuvre : « La prima cosa bella » en 2010 avec Stefania Sandrelli, « Les Opportunistes » en 2014 avec Valeria Golino ou bien encore « Folles de joie » en 2016 avec Micaela Ramazzotti. Le rythme, la langue, le passé, la misère et la flambe, il fait carillonner ces dissonances dans une marmite inclassable. Et ça donne le visage d’une Italie terriblement émouvante. Son dernier film « Nuits magiques » vient de sortir en DVD, c’est un hymne aux scénaristes de l’âge d’or avec comme fil conducteur la mort suspecte d’un producteur dans le Tibre. La Felicità n’est pas loin !

Noël – Aux origines de la crèche de Maurizio Bettini – Seuil

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La Differenza de Gianna Nannini – CD Charing Cross Records

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Nuits magiques de Paolo Virzì – DVD BAC Films

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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