Entre Hergé et Proust, Philippe Caubère raconte ses souvenirs sur scène. Sous la double tutelle de sa mère disparue et d’Ariane Mnouchkine, il met un point (presque) final à sa thérapie théâtrale. Portrait d’un histrion de génie.
Coucou, le revoilà !
Il vient de publier le second tome de son Roman d’un acteur, sous le titre La Belgique (éditions Joëlle Losfeld) et présente trois nouveaux monologues sur la scène parisienne. Il revient, il revient toujours, c’est un revenant, Philippe Caubère.
Mais le fantôme, ce n’est pas lui, ce sont les autres, tous les autres, amours, muses, démons, tout ce cirque humain, cette meute de spectres hilares qui le harcèle dans l’intimité de ses nuits, toutes ces figures peintes qui bravent l’oubli et qui le remordent sans fin. À bientôt 70 ans, sa tête de jeune loup, mi-faune mi-farfadet, n’est-elle pas lourde d’avoir trop dansé avec des ombres ? Cela va-t-il cesser un jour ? « Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir », dit un personnage de Beckett…
Non ! Avec lui, trop, ce n’est pas assez ; il ne sait pas s’arrêter – l’encre, le sang, les larmes, les mots, il faut que ça coule, il faut que ça gicle, nom d’un chien !
D’où lui vient ce diminutif : « Dudu » ? Et comment est née cette idée folle de mimer sa vie sur la scène, de faire le pitre au lieu de jouer du Racine en poignets de dentelle et en culotte de soie ?
La faute à Céline !
Un jour, encore adolescent, Marseille, il a lu Mort à crédit, dont il a aimé la sincérité obscène et mélancolique ; il y a cueilli des saveurs qu’on ne trouve qu’à soi ; plus tard, il a choisi d’adopter le nom du héros, « Ferdinand » alias « Dudu » – un jeune homme sensible, hargneux, grisé de songes.
Il en a fait son alter ego.
Il a aussi lu L’Éducation sentimentale, ce roman d’apprentissage où Flaubert prête en se mirant dans l’encre de la nostalgie on ne sait quoi d’amer et risible aux bravades de la jeunesse. Cela lui a plu, au petit Marseillais. Il a compris que le tragique et le burlesque ne font qu’un… si l’enfance est la mère des secrets : vas-y, mon garçon !
La faute à Mai 68 aussi !
Souviens-toi
Né en 1950, Caubère en a respiré les secousses et les songes. Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi ! Sous les pavés, la plage ! Soyez réalistes, demandez l’impossible !
