On parle beaucoup du compteur quotidien des morts en Syrie – d’ailleurs, sans préciser s’il s’agit de civils, de militaires, de forces « révolutionnaires » ou « loyales » au régime, comme l’a justement noté Frédéric Pichon.
Etrangement, à moins de deux heures de taxi de Damas, la crise politique qui secoue le Liban intéresse moins nos médias en quête de sensationnalisme. Pourtant, il a bien failli y avoir effusion de sang la semaine dernière lorsqu’un mystérieux sniper a tenté d’assassiner Samir Geagea, figure des Forces Libanaises, dont il représentait l’aile antisyrienne pendant la guerre civile. Posté à un kilomètre et demi de son point de cible, le tireur n’a dû son échec qu’au geste inattendu de Geagea, qui s’est penché pour humer une fleur sauvage de son jardin. Après les meurtres jamais élucidés d’Elie Hobeika, l’ancien frère ennemi prosyrien de Geagea au sein des Forces Libanaises, de Rafic Hariri, des journalistes antisyriens Samir Kassir et Ghassan Tueni, du ministre phalangiste Pierre Gemayel, ce dernier attentat ciblé aurait pu entraîner une nouvelle spirale de violence au pays du Cèdre. Preuve en est, l’indifférence assumée du camp du 8 mars, majoritaire au sein du gouvernement libanais, face à l’attaque : le Hezbollah et ses alliés aounistes minimisent l’épisode, jugé « exagéré », voire « fabriqué ». Et comme les précédent(s) (tentatives de) meurtres, mon petit doigt me dit que l’enquête n’aboutira pas, au nom de la sacrosainte concorde nationale que se doit de respecter tout pays traumatisé par le spectre de la guerre civile, a fortiori s’il s’avère aussi morcelé et féodalisé que le Liban…
Pas besoin d’être grand clerc, ni de se remémorer les massacres mutuels de mai 2008, lorsque miliciens hezbollahi, forces du PSNS et militants hariristes s’entredéchirèrent avant l’élection consensuelle de Michel Sleimane à la présidence de la République, pour craindre le pire. Dans la série des déclarations subliminales, Sethrida, l’épouse de Samir Geagea, députée des Forces Libanaises a averti ses ennemis : plus aucun crime ne passera, quelle que soit la partie visée. Avec des élections législatives en ligne de mire l’an prochain, le printemps de Beyrouth semble aussi chimérique que celui de Damas…
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