Dans son Journal posthume, Julien Green (1900-1998) se livre sans complaisance, aussi obsédé que désespéré. L’écrivain raconte ses chasses aux garçons dans les bas fonds parisiens avec une sincérité désarmante.
Je l’avoue, ma vue se brouille en lisant le Journal intégral de Julien Green, journal posthume que j’attendais depuis si longtemps et que lui-même tenait absolument à livrer aux lecteurs. Ma vue se brouille aussi parce que je me souviens des après-midi passées dans son cossu appartement de la rue Vaneau et parce qu’aucun écrivain n’a autant compté pour moi dans ma jeunesse. Oui, ce journal, c’est un peu le monde d’hier, tel que Stefan Zweig l’a décrit pour évoquer Vienne à l’heure de sa gloire. Ma vue se brouille enfin parce qu’un homme se livre sans complaisance tel qu’il était, obsédé sexuel certes, mais également totalement dépourvu de vanité, parfois désespéré et le plus souvent d’une sincérité désarmante, comme si seule la confession de ses nuits de débauche le préservait de la démence.
Souvenirs souvenirs…
Oui, c’est avec cet homme qu’en fin d’après-midi je faisais mes courses chez Vigneau-Desmarest, épicerie de luxe, rue de Sèvres. Elle a été remplacée par un Franprix, ce qui en dit long sur le déclin de la
