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Sylviane Agacinski interdite de parole, ça vous étonne?

L'Université Montaigne annule une conférence sous les menaces


Sylviane Agacinski interdite de parole, ça vous étonne?
Sylviane Agacinski © IBO/SIPA Numéro de reportage: 00506715_000003

Sylviane Agacinski, défavorable à la GPA, interdite de parole à l’université ? Nos politiques se sont indignés. Ils passeront rapidement à autre chose. Pour la PMA, en tout cas, on ne les a pas tellement entendus protester longtemps. Débaptisons l’Université! Montaigne était humaniste, mais pas un « progressiste »…


Ce 24 octobre à l’Université Montaigne de Bordeaux, la philosophe Sylviane Agacinski devait faire une conférence, suivie d’un débat, intitulée : « L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique ». Des organisations de jeune/e/s et étudiant/e/s LGBT dont un collectif étudiant/e/s antipatriarcat (sic) s’étaient mobilisées pour empêcher la tenue de cette conférence. Motif: conférencière réactionnaire, transphobe et homophobe. Original !

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Les organisations avaient prévenu: elles mettraient tout en œuvre pour empêcher la professeur de parler. L’Université « étant incapable d’assurer la sécurité des biens et des personnes », Madame Agacinski a dû annuler sa conférence. Le titre, pourtant, était engageant et ne tenait rien du slogan urticant « Paternité, j’écris ton nom ». Le débat devait être un « débat vif mais respectueux » : ce qu’on appelle un débat apaisé.

Bien sûr, le problème c’est la liberté d’expression…

Les plus nobles âmes n’ont pas tardé à réagir. Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, et créatrice du mouvement « Libres », François-Xavier Bellamy eurodéputé de LR, et Jean Léonetti, ancien ministre des affaires étrangères, sont montés au créneau pour faire part de leur indignation.

« L’Université doit être le lieu de la pensée libre et de débat démocratique » a dit Valérie Pécresse. François-Xavier Bellamy a posé la question qui s’imposait : « Sommes-nous encore en démocratie ? » Léonetti a dit la juste sentence : « Inacceptable que la liberté d’expression soit remise en cause. » Et Natalie Avy-Elimas de tweeter : « Dérive liberticide inacceptable ». Le genre de phrase qui porte loin.

Quitte à faire fi d’une logique formelle, disons les choses:

Qu’est-ce qu’il y a de plus « inacceptable » dans une démocratie: empêcher une philosophe de parler ou mettre en débat un droit à connaître son père? De plus étonnant: donner des subventions à des lobbys ou s’étonner de leur manière cash de « s’exprimer »? Priver de parole un professeur ou en priver un enfant qui ne peut mot dire? Prendre, ab initio, le parti des adultes ou défendre le droit de l’enfant? Pour tout dire, est-il acceptable, que des hommes, en costume cravate, planchent sur les droits reproductifs des femmes, nés de leur égoïsme? C’est bien le moment de citer Montaigne au chapitre I des Essais rapportant l’étonnement des Indiens devant nos « coutumes » les plus étranges et les plus absurdes.

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« Personne ne peut souhaiter », a dit Gregor Puppinck[tooltips content= »Juriste et essayiste s’opposant aux dérives transhumanistes NDLR »](1)[/tooltips], le 6 octobre, devant le Sénat, « être né d’un inconnu qui se masturbe devant un film porno dans une banque de sperme ». Tout se tient, dans une idéologie: inutile de se boucher le nez ici et d’ouvrir grand les narines ailleurs. On sait tous que la PMA avec tiers donneur est, pour tous les couples, de la marchandisation. Quand on ne parle pas du pognon de dingue au service de puissances occultes tapies au pied des trônes; quand on n’est pas vent debout « tous ensemble tous ensemble tous » contre la manière expéditive dont on fait passer des propositions de lois, l’indignation, démocratique et sélective, a beau jeu.

La vérité est que, si tous les gars et les filles du monde disaient non à la procréation sans père; si les intellectuels, tous ensemble, tous ensemble, au lieu de regarder à côté, s’occupaient de ce qui se passe ici, on ne parlerait pas de « dérive liberticide ».

A qui le tour?

En attendant que les poules aient des dents, le problème est qu’il faut débaptiser au plus vite la Faculté de Bordeaux.

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Dire la vérité aux étudiants quitte à les décevoir: Montaigne n’est pas un progressiste mais un humaniste. Il n’a rien d’un homme des Lumières. Encore moins est-il un illuminé. Mieux, sous des allures de gentleman cool façon XVIème (siècle), il serait même macho sur les bords, et paternaliste: genre mâle hétérosexuel dominant. Dans le chapitre 2 des Essais, ne s’interroge-t-il pas longuement, comme l’écrit Antoine Compagnon dans son livre délectable Un été avec Montaigne, sur la procréation masculine, accordant aux femmes un bien moindre rôle qu’aux hommes? Ce passage serait à méditer par tout le monde. Parlant, en effet, de l’or blanc, source non seulement des ressemblances physiques mais des traits de caractère, le philosophe écrit: « Quel monstre (chose incroyable) est-ce que cette goutte de semence de quoi nous sommes produits ? …de telle sorte que l’arrière-fils répondra à son bisaïeul, le neveu à l’oncle ? » 

On imagine Madame Mécary[tooltips content= »Avocate et militante progressiste ndlr »](2)[/tooltips] expliquer vertement à Montaigne la différence entre père et donneur. En tout cas, les associations LGBT devraient s’en prendre aussi à l’auteur des Essais. Que le chapitre sur les Indiens du Brésil ne les abuse pas. Certes, le monde est un « branloire pérenne » mais Montaigne n’est pas du tout en marche: il est même très conservateur. Une question demeure à présent: après Finkielkraut et Agacinski, à qui le tour ?

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Marie-Hélène Verdier est agrégée de Lettres classiques et a enseigné au lycée Louis-le-Grand, à Paris. Poète, écrivain et chroniqueuse, elle est l'auteur de l'essai "La guerre au français" publié au Cerf.

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