Scènes hallucinantes dans un café du quartier Latin, L’Euridyce, où jeudi en fin d’après-midi mon ami Gabriel Matzneff a été successivement attaqué, à l’occasion d’un hommage organisé par Arthur Pauly, par des étudiants d’extrême droite décidés à le lyncher, puis par d’autres abrutis d’extrême gauche estimant qu’il fallait l’envoyer illico presto au Goulag. Les uns le désignant comme un Jeffrey Epstein français, les autres comme un fasciste proche d’Alain de Benoist.
Matzneff dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne ferait pas de mal à une mouche et que ses amitiés l’emportent largement sur ses convictions politiques – je doute même qu’il en ait de bien précises – a été pris à parti pour son goût de la provocation et son amour pour les très jeunes filles. Personne ne l’avait sans doute lu, mais depuis son essai sur les moins de seize ans il est devenu un symbole : celui de l’écrivain plus soucieux du style que de la morale, vivant en hédoniste à la manière de Byron (il faut lire son livre sur la diététique de Lord Byron) ou d’Oscar Wilde, bref un hérésiarque.
Ce pays me fait mal
Ayant assisté à ce déchaînement de violence inouïe qui sonnait le glas de la littérature – heureusement Gabriel a pu être exfiltré – j’avoue qu’après les attaques contre Renaud Camus agressé au Jardin du Luxembourg et les tentatives de démolir à plusieurs reprises La Nouvelle Librairie située rue de Médicis et tenue par l’excellent Francois Bousquet, je me suis demandé ce que je faisais encore dans ce pays. Un pays où un journaliste du Monde est capable de vous dire qu’ préférerait se couper un bras que d’acheter Causeur. Il va de soi que la presse conventionnelle se garde bien de mentionner ces faits-divers : elle s’en réjouit plutôt.
Du jamais vu
Après les violences subies par Gabriel Matzneff, je lui ai bien entendu envoyé un mot de réconfort. Il m’a répondu qu’une telle agression ne lui était jamais arrivée, ni dans un salon du livre, ni dans une librairie, ni nulle part. Il ajoute – et comment lui donner tort ? – que la « bêtise à front de taureau » dont parle Baudelaire devient chaque jour plus violente et plus hystérique. Le nouvel ordre moral totalitaire qui triomphe en France devient irrespirable. « Je t’avoue, conclut-il, que cette mésaventure me met le moral dans les chaussettes. Les seules réunions possibles seront désormais les clandestines. L’avenir est aux catacombes. »
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