Comment expliquer que devant l’évidence, dans un premier temps, les plus hautes autorités et les médias n’ont pas dit que les quatre morts par arme blanche étaient victimes d’un islamiste? Nous sommes tous victimes d’intoxication idéologique.
Nos dirigeants éprouvent toutes les peines du monde à regarder le péril djihadiste en face, encore plus à le nommer. Est-ce pour nous protéger d’un effet-panique ? Ou bien par sentiment d’impuissance ? Ou tout simplement parce que cette menace contredit leur credo progressiste ?
Castaner n’est pas responsable
Les propos malheureux du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, prononcés le jour même de l’attaque djihadiste de la préfecture de police de Paris, et selon lesquels aucun signe de radicalisation n’avait été détecté chez le terroriste, ne lui sont pas entièrement imputables. Pourquoi ? Parce que le ministre n’a fait que psalmodier à cette occasion ce que toute la classe politico-médiatique avait envie d’entendre : le tueur était un déséquilibré, et son crime n’avait rien à voir avec une revendication religieuse.
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Comme toute la classe médiatique, le ministre de l’Intérieur est victime d’intoxication idéologique. Aussi, à rebours de l’évidence des faits, a-t-il simplement déroulé devant les caméras l’article du credo, véritable sésame de tout néophyte désirant être initié aux mystagogies du pouvoir, grâce auquel il a pu accéder à ses fonctions.
Principe de réalité versus principe de plaisir
En ces temps de repli communautariste et de risques d’implosion fractionnelle de la société, les déclarations politiques s’apparentent de plus en plus aux incantations de gourous experts en relaxation et lutte contre le stress. Il s’agit pour eux de « rassurer les Français », d’ « éviter les raccourcis stigmatisants », de « conforter le goût de l’ouverture à l’Autre ». A cette fin, tous les moyens sont bons, à commencer par la méthode consistant à peindre la réalité la plus sombre en rose bonbon. Et quand l’actualité s’avère désagréable à regarder et s’échine à contredire leurs postulats, il leur reste encore la ressource de refuser de voir le réel tel qu’il est pour prolonger l’enchantement.
Ainsi s’explique la déclaration précipitée de Castaner. Au fond, le ministre de l’Intérieur n’est pas à proprement parler le « premier flic de France », mais plutôt l’agent d’ambiance préposé à la perpétuation d’un « vivre ensemble » plus fantasmé que réel. Les Français ont envie de vivre en paix, l’esprit débarrassé de toute inquiétude ? Il se charge de les rassurer en refermant illico le couvercle sur les questions soulevées par l’événement dont la simple perception peut troubler leur quiétude.
Les islamistes sont plus intelligents que ce que nous croyons
En n’acceptant pas de voir l’ennemi qui nous a déclaré la guerre, nous désirons prendre nos désirs pour la réalité. L’islamisme politique a bien compris notre veulerie. Il la cajole, la loue, l’encourage même. Attention, toutefois ! Si jamais une voix discordante s’avise de rompre la léthargie du troupeau bêlant, il n’hésitera pas à sortir contre elle l’artillerie lourde, en la taxant d’islamophobie, de racisme, voire de discrimination. Ces accusations disqualifient d’avance toute critique.
C’est ainsi que l’esprit critique est pris en tenaille entre les fanatiques intelligents d’un côté, et les autruches nihilistes de l’autre – autruches que les premiers méprisent mais qu’ils sont passés maîtres dans l’art de manipuler dans leur combat culturel.
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En effet, l’intellectuel qui élève la voix et parvient à briser la camisole du conformisme béat en objectant qu’au pays de Voltaire, on a le droit de critiquer une religion, et que l’islam n’étant pas une race, ce n’est pas être raciste que d’émettre des réserves sinon à son sujet, du moins à l’encontre de ses dérives. Cet intellectuel devra s’attende à subir autant l’ostracisme de France Inter et les foudres des aveugles volontaires, que celles des Indigènes de la République et des Fouquier-Tinville traquant compulsivement l’islamophobie.
Défiance
Vouloir à toute force psychiatriser les auteurs des attentats, et se refuser de la sorte à admettre qu’ils tuent au nom d’une religion, c’est nier à la fois l’évidence ainsi que les motifs explicites qu’ils invoquent pour passer à l’acte. Résultat : la défiance s’installe entre les tenants du magistère médiatique et les Français. Rien ne favorise davantage le complotisme que le déni du réel chez ceux qui sont censés nous informer. De surcroît, cette euphémisation de la menace traduit un double mépris de la part de certains médias : non seulement le peuple serait assez niais pour croire le travestissement des faits dans le sens qui conforte l’idéologie dominante, mais de plus il ne serait pas assez maître de ses nerfs pour supporter une version moins édulcorée du récit des événements.
Ne cherchons pas plus loin la cause du faible taux de confiance accordée par les Français aux pouvoirs politique et médiatique.
Les peuples pardonnent facilement aux élites leurs manquements : ils savent qu’ils ne feraient pas mieux s’ils étaient à leur place. En revanche, ils supportent plus difficilement qu’au hasard défavorable de la fortune vienne s’ajouter le mépris à leur égard.
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