De l’attentisme des fonctionnaires à la peur du politiquement correct, les causes du drame de la préfecture de police ne manquent pas.
Parmi tous les aspects tragiques, grotesques, scandaleux ou absurdes que dévoile le quadruple crime terroriste de la Préfecture de Police, il en est un qui serait comique si le tableau d’ensemble n’était aussi sombre. La journée de travail du tueur, le timing détaillé de son équipée dans les bureaux et la cour de la PP font irrésistiblement penser à Messieurs les ronds-de cuir de Courteline ou aux nouvelles de Maupassant où il évoque la vie nonchalante des fonctionnaires des ministères parisiens, vie que d’ailleurs il partagea.
Soyons sourds aux clichés et amalgames
On prend son temps le matin pour arriver à son travail, on papote devant la machine à café, on sort pour faire ses courses, Bobonne a justement besoin de couteaux de cuisine, on revient pour déjeuner tranquillement, et au besoin on s’enferme dans le bureau pour ne pas être dérangé, ce qui ce matin-là sauva la vie à ceux qui avaient prudemment tourné la clé. Nous pensions être protégés du terrorisme par des James Bond rusés, athlétiques et terriblement efficaces, et nous découvrons à la manœuvre l’Eternel Fonctionnaire français, celui qui taillait longuement ses plumes en arrivant au bureau et qui maintenant envoie longuement des SMS à son épouse pour parler théologie, ou qui n’arrive pas à transformer des discussions professionnelles en rapport écrit, parce que c’est fatigant et surtout très incorrect politiquement. Je n’affirme pas que c’est la réalité des services de la PP, c’est en tout cas l’image qui en est donnée.
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Beaucoup d’esprits lucides se doutaient de la nocivité du politiquement correct, mais c’est la première fois que celui-ci tue directement. Et tue de façon horrible. Alexis Brézet dans son remarquable éditorial du Figaro de lundi 7 Octobre remarque que la communication gouvernementale aussi bien que les médias n’utilisent jamais le mot “égorgé”. Ainsi on ne dit pas qu’Arnaud Beltrame a été égorgé, on dit qu’il a reçu de graves blessures au cou. “Egorgé” évoquerait trop directement une religion de paix et d’amour dont certains adeptes ont étendu au genre humain l’abattage hallal. Plusieurs collègues ont entendu Mickaël Harpon approuver le massacre de Charlie Hebdo, savaient qu’il refusait parfois de serrer la main aux femmes du service, en cherchant un peu ils auraient su qu’il se rendait en djellaba à une mosquée dont l’imam ne brillait pas par sa modération. Et pourtant ils n’ont pas transformé leurs soupçons en rapport écrit, ce qui n’a pas permis à la hiérarchie d’être mise au courant (notons au passage ce formalisme digne des fonctionnaires décrits par Balzac dans Les Employés).
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Et pourquoi ce silence qui s’est révélé mortel ? Mickaël Harpon était sourd, il était antillais, il était musulman. Trois raisons qui ont fait balayer le problème sous le tapis, même dans un lieu dédié à la surveillance des terroristes en France ! C’est ce que j’appelle le côté tchèque de l’affaire : on se croirait dans une nouvelle de Milan Kundera ou une pièce de Vaclav Havel. Dans un pays imaginaire où règne un totalitarisme soft, l’idéologie officielle empêche qu’un problème aussi énorme que celui du policier devenu terroriste soit vu et nommé. C’est là qu’on mesure à quel point le politiquement correct terrorise jusqu’à des profondeurs insoupçonnées les esprits dans la France de 2019. La peur de paraître islamophobe ou raciste empêche de nommer la réalité, de dire que le gouvernement n’a aucun contrôle sur l’immigration ou que notre collègue Mickaël Harpon présente tous les symptômes de la radicalisation islamiste.
Tenue correcte exigée
Je fréquente très peu les médias hypercorrects, je ne supporte plus depuis longtemps d’écouter France Inter, ou même France Culture que j’aimais beaucoup. Quand j’éprouve le besoin de mesurer où en est la correction, je regarde sur Arte 28 Minutes. Inutile de dire que j’ai la main rivée sur la télécommande pour pouvoir m’échapper à tout moment de cette émission, comme un enfant qui s’aventurerait dans une jungle maléfique en connaissant une phrase magique qui, en cas de danger, le ramène illico dans la sécurité de la maison familiale. Elisabeth Quint me fascine par un certain charme de diablesse, par sa mauvaise foi décomplexée et son sourire sûr d’avoir raison de maîtresse d’école faussement joviale.
Un soir on parle dans 28 Minutes du Russe inventeur de l’application Télégram, et on rapporte qu’il aurait dit que beaucoup d’habitants de l’Afrique du Nord venaient en France pour profiter des avantages sociaux qu’offrait le généreux système français. “Oh, le vilain raciste !” s’exclame l’Elisabeth sur un ton guilleret et triomphant, comme si elle venait de surprendre un élève se masturbant derrière son bureau. Je reste stupéfait. Les intéressés eux-mêmes conviendraient que le Russe a raison, moi-même je trouve normal que chacun cherche à améliorer son existence par des moyens légaux.
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Le résultat de ces accusations de racisme proférées à tort et à travers par les médias, les hommes politiques, y compris ceux de droite obsédés par le cordon sanitaire par lequel il faut se protéger des lépreux, on le voit clairement aujourd’hui : tout un peuple terrorisé qui n’ose pas voir ce qu’il voit ni dire ce qu’il voit, selon la formule de Péguy reprise par Alain Finkielkraut. Et, comble de l’absurdité, digne d’Ubu Roi ou du monde inversé de L’autre côté du miroir de Lewis Carroll, des policiers chargés de la surveillance des apprentis terroristes qui n’osent pas détecter le futur terroriste qui se cache parmi eux !
Il semble que Mickaël Harpon ait eu dans son ordinateur des renseignements aussi importants que l’adresse du domicile des policiers travaillant à la PP. S’il a fourni ces renseignements à d’autres terroristes de la mouvance salafiste, la liste des victimes du politiquement correct pourrait s’allonger. Et là, il ne s’agira plus de victimes morales détruites par la honte et l’hostilité générale.
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