Dans Le Cœur de l’Angleterre, Jonathan Coe raconte le Brexit en mêlant les destins individuels à l’actualité. Ce projet balzacien se double d’une méditation drôle et douce-amère sur une identité anglaise en pleine crise.
On connaît la formule de Stendhal : « La politique dans une œuvre littéraire, c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert… » Mais cette citation issue de La Chartreuse de Parme est toujours tronquée et on oublie la suite : « … quelque chose de grossier et auquel pourtant il n’est pas possible de refuser son attention. » C’est que Stendhal, et avec lui tout ce qu’il conviendra d’appeler ensuite la littérature réaliste, savait qu’on ne pouvait comprendre une histoire familiale, une éducation sentimentale ou un crime sans penser ce contexte qui détermine malgré nous tant de nos réactions, tant de nos habitudes.
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Le tout, pour le bon écrivain, sera donc une question de dosage et de technique. D’élégance en somme, afin que la politique permette de relever le plat sans l’alourdir. D’ailleurs, Stendhal continue : « Nous allons parler de fort vilaines choses, et que, pour plus d’une raison, nous voudrions taire ; mais nous sommes forcés d’en venir à des événements qui sont de notre domaine, puisqu’ils ont pour théâtre le cœur des personnages. »
Un roman qui passionne, émeut et fait rire
Cependant, l’abus de politique rend vite démonstratif et rien n’est pire pour un roman que de chercher à démontrer. C’est dire tout le talent, et peut-être un peu plus que cela, de Jonathan Coe : il parvient, comme Stendhal en son temps, à faire se côtoyer la politique et « le cœur des personnages », avec un sujet apparemment aussi austère que le Brexit. Austère, en tout cas pour le lecteur étranger, car au Royaume-Uni, ce qu’on appelle la « Brex-lit » (pour littérature du Brexit) est en tête des meilleures ventes.
C’est que le roman, précisément, ce bon vieux roman réaliste tellement
