Accueil Politique Zohra Bitan: « Candidate en 2022, pourquoi pas? »

Zohra Bitan: « Candidate en 2022, pourquoi pas? »

Les Français sont de plus en plus nombreux à "kiffer" Zohra Bitan


Zohra Bitan: « Candidate en 2022, pourquoi pas? »
Zohra Bitan © IBO/SIPA Numéro de reportage: 00727938_000011

La chroniqueuse de RMC défraie la chronique avec l’opération « je kiffe mon décolleté » sur les réseaux sociaux. L’identité française et le communautarisme seront selon elle au cœur des débats de la prochaine présidentielle. Scrutin auquel la quinqua ne s’interdit pas de se présenter. Entretien.


Martin Pimentel. Sur les réseaux sociaux, on peut difficilement passer à côté du hashtag #jekiffemondécolleté. Quand on effectue cette recherche, on tombe d’abord sur plein de photos de décolletés, ce qui peut apparaître comme un peu vulgaire, on va en parler. Ceux qui écoutent RMC vous connaissent bien, mais pouvez-vous expliquer aux sourds et à certains de nos lecteurs rétifs aux grands médias comment vous avez atterri dans « Les Grandes Gueules » 

Zohra Bitan. Je suis militante associative depuis l’âge de 16 ans. J’ai milité au PS pendant vingt ans. En 2011, j’ai été porte-parole de Manuel Valls à la primaire du parti. En 2014, j’ai écrit un livre qui s’appelle Cette gauche qui nous désintègre (Editions François Bourin) pour raconter comment la gauche a participé au recul de l’intégration dans les banlieues françaises.

Revenons au hashtag #jekiffemondécolleté. Quand on regarde le détail des messages qui accompagnent les clichés de poitrines féminines, on comprend qu’il y a en fait quelque chose de l’ordre de la revendication. Vous qui êtes à l’origine du phénomène, pouvez-vous expliquer à un néophyte des réseaux sociaux de quoi il retourne ?

En juin dernier, une jeune fille avait publié sur Twitter une photo de son décolleté et se plaignait d’avoir été insultée dans la rue. Vous retrouverez aisément ce « patient zéro ». Spontanément, j’avais répondu immédiatement « Céline, on lance le hashtag #jekiffemondecolleté ce weekend ? ». Cela a cartonné et a été ultrasuivi. Je pense que cela s’explique par ce phénomène de régression quant aux vêtements des femmes dans la société, et à ce harcèlement permanent dont les filles se plaignent régulièrement.

Vous parlez de régression. Cela me fait penser à un sondage récent – que nous avions évoqué sur le site de Causeur – qui indique que la pratique du topless régresse sur les plages. Il y a en parallèle ces polémiques récurrentes sur le burkini qui fait son apparition. Y a-t-il un retour à la pudeur selon vous ?

Oui. J’ai fait moi-même du topless longtemps… J’ai arrêté pour raison de peur du cancer du sein.

Mais clairement, on voit dans la jeune génération, dans tous les milieux, ruraux comme urbains, que le rapport à la pudeur et au respect de soi évolue. Dans les vêtements, c’est très parlant : je le vois auprès de jeunes dans mes activités associatives d’insertion professionnelle. Que ce soit à Fécamp ou à Vaulx-en-Velin, on a toujours les mêmes propos quand une fille s’habille en jupe, ou quand un vêtement est trop court ou quoi que ce soit.

Alors que pour les tâches ménagères il y a une évolution assez impressionnante entre les femmes et les hommes (courses, ménages etc.), il y a une régression bizarre dans le rapport au corps de la femme.

Sur Twitter, les femmes qui participent à votre hashtag revendiquent leur décolleté et de pouvoir s’habiller comme elles le souhaitent. Surtout elles revendiquent le fait qu’on les laisse tranquilles ! Mais ce message est parfois retourné un peu vicieusement : des militants qui font la promotion du voile disent « Moi aussi je veux m’habiller comme je le souhaite »…

Chacun est libre de s’habiller comme il le veut. Et y compris de porter le voile. Ce n’est pas le problème. C’est une liberté individuelle. Une partie de ces femmes [voilées NDLR] le font délibérément par choix en leur âme et conscience, je veux bien le croire.

L’émergence du communautarisme à outrance, sous couvert de lutte contre les discriminations, a fait douter les Français sur leur propre identité !

Il n’empêche que cette pratique reste la liberté de l’obscurantisme ! Défendre l’obscurantisme aujourd’hui, c’est en quelque sorte une liberté… Il y a des gens qui défendent la régression. Porter le voile signifierait aux hommes qu’on fait preuve de pudeur, car ils seraient eux incapables de gérer la vue des femmes, leurs épaules, leurs cheveux. C’est quand même assez incroyable quoi !

En France, les femmes n’ont pas l’habitude de se cacher du désir des hommes. Cela n’existe pas, il y a eu mai 68, il y a eu le maquillage, les pantalons pour les femmes, toute une évolution. Aujourd’hui, on nous dit que le voile est une liberté. En soi, oui, mais ce qu’il recouvre n’est en revanche pas une liberté, c’est de l’obscurantisme. Des militants me disent en effet « si tu défends le décolleté, tu peux défendre le voile ». Mais cela n’a rien à voir, ce sont deux sujets complètements différents. Il y a la liberté d’adhérer à des sectes. Bien sûr. Mais il n’empêche que ce sont des sectes.

La vraie pudeur, ce n’est pas le voile, c’est ce que font déjà des millions de femmes : avoir des chemisiers qui remontent haut, ne pas mettre de mini jupes, avoir des vêtements qui descendent au-dessous des genoux. Il n’y a pas à choisir entre le voile ou « à poil », quand même ! Cette façon de présenter un concept religieux comme une liberté féministe est assez perverse. Continuons plutôt d’éduquer les garçons et de combattre les hommes qui font des remarques aux femmes qui sont en décolleté. Mais ne disons pas aux femmes d’aller se cacher, c’est le pire.

Je reviens à vous. Votre compte Twitter est bien animé. Certains y disent parfois, de façon assez déplaisante, que c’est parce que vous avez des origines maghrébines que vous pouvez dire certaines choses sur l’islam ou l’immigration dans les médias, là où d’autres chroniqueurs se sentent empêchés en quelque sorte. Qu’en pensez-vous ?

Une poignée de gens pensent détenir la vérité et décident qui a le droit de parler et qui n’a pas le droit de parler. Ils terrorisent tout le monde. Ainsi, n’importe quel citoyen lambda qui n’aurait pas telle origine (maghrébine ou blanc) ne pourrait pas parler de tel sujet. Maintenant, même moi je suis étiquetée facho, réac, « Rassemblement national », sioniste ou tout ce que vous voulez… La liste est longue.

Mais moi Zohra Bitan, j’ai une légitimité et une crédibilité liée à mon parcours et à mon expérience de vie qui fait que je peux leur répondre : « si vous vous êtes de gauche, moi je suis Mère Térésa ! ». Ces gens ne sont pas de gauche. Ils ont trouvé de quoi flatter leur gauche en instrumentalisant et en utilisant nos vies. Ce sont nos porte-paroles à l’insu de notre plein gré. Aujourd’hui, une génération comme la mienne passée par l’école de la République n’a pas besoin de ces gens qui tirent tout vers le bas (je pense à la grammaire, à la culture etc.). Je ne veux plus que ces gens-là interfèrent dans nos vies.

A l’âge identitaire dans lequel la France a plongé, pour défendre la laïcité, lutter contre l’islamisme ou contre le communautarisme, on ne peut que réaffirmer son amour de la France et de ses « valeurs ». Votre compte Twitter est assez emblématique en la matière avec votre drapeau tricolore. Du coup, les islamo-gauchistes vous traitent d’arabe de service, et les plus radicaux à la droite de la droite peuvent relayer vos messages. N’êtes-vous pas tentée d’arrêter Twitter ?

Non non non. Mon message est simple. Il est sincère et profond. C’est une chance extraordinaire d’être français. Mon amour pour la France n’est pas une imposture. J’ai une passion pour ce pays et sais ce qu’il m’a offert, ainsi qu’à mes parents et mes enfants. Je ne suis pas identitaire, je suis une universaliste. Les identitaires, qu’ils soient d’extrême gauche ou d’extrême droite, ont des arguments qui ne vont pas bien loin. Des gens de tous horizons relaient mes messages sur les réseaux sociaux. Je ne suis pas relayée que par les gens d’extrême droite. Si en tant que fille d’immigrés algériens je peux me battre pour défendre notre façon de vivre en France et la liberté des femmes, que tous les Français en profitent, suivez-moi, il n’y a pas de problème.

Si je réfléchis à une candidature sérieusement, je n’ai pour autant pas entamé quoi que ce soit comme démarche.

En plus je suis mariée avec un homme dont l’un des parents est juif, et l’autre catho. Je coche toutes les cases ! J’ai la France chevillée au corps, mais pour de vrai. Je sais que dans ce pays on peut être libre. Des idiots, complexés d’avoir échoué dans l’antiracisme, ou complexés d’une colonisation qu’ils n’ont pas subie, cèdent tout et n’importe quoi à des populations et font en fait preuve d’un racisme crasse ! Comment en vient-on à considérer qu’être noir ou arabe suffit à être « parfait »…

A vous entendre ce matin, et également sur RMC, on voit que vous aimez la bagarre. Et il y a des messages très virulents contre vous. Je pense à Claire O’Petit, un temps également chroniqueuse sur la même radio que vous, qui est devenue députée. Se lancer en politique à votre tour vous tentera-t-il un jour ?

La politique ? Mais j’en sors (rires). J’ai été élue conseillère municipale à Thiais. Mais je n’ai plus très envie. La seule raison pour laquelle je reprendrai mon bâton de pèlerin, c’est éventuellement pour être candidate en 2022.

Pourquoi pas ? Je pense que l’élection présidentielle va se jouer sur tous ces sujets que nous avons évoqués et j’ai bien des choses à dire. Si je réfléchis à une candidature sérieusement, je n’ai pour autant pas entamé quoi que ce soit comme démarche.

Les hashtags ne concernent pas tous ceux qui ne vont pas sur Twitter. Et sans vouloir vous être déplaisant, si on n’était pas à l’âge identitaire que nous évoquions, il n’est pas dit qu’on entendrait autant parler de vous…

Au mois d’août et à la rentrée, je reste sur RMC deux fois par semaine le matin.

Je prépare aussi un livre pour bientôt, où je vais raconter ma France. L’émergence du communautarisme à outrance, sous couvert de lutte contre les discriminations, a fait douter les Français sur leur propre identité ! Alors que personne ne peut raisonnablement dire que les musulmans vivent mal en France. Ils peuvent pratiquer leur foi sans que personne ne les inquiète ou les en empêche, que je sache. Ce qu’on ne veut pas, c’est que l’islam empiète sur les autres, et on se bat pour le faire reculer. En premier lieu pour protéger ceux des musulmans qui sont en paix avec la France et ses valeurs.

Et je suis encore aujourd’hui dans les quartiers où je fais de l’insertion professionnelle. Cela me passionne, j’aime les jeunes que j’accompagne. Je crée le doute dans la tête de certains, je leur apprends des compétences, leur explique qu’une grande partie des solutions réside en eux… Je les rends dignes et les rends fiers.

Je me passe très bien de la « célébrité » ! S’il n’y avait pas la question identitaire et les réseaux sociaux, je ferais ce que j’ai toujours fait. Etre au plus près de jeunes à qui on n’a pas expliqué comment ils peuvent être en paix avec leur histoire, leurs parents, leurs parcours et leur milieu social. Cela reste mon pilier et c’est ce qui me passionne. Si le reste n’existe plus demain, tant mieux, cela voudra dire que nous serions retournés dans les années 80 où tout allait encore bien.

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Rédacteur en chef du site Causeur.fr

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