Le Brandebourg et la Saxe votent le 1er septembre prochain. L’extrême droite pourrait bien y gagner son premier grand pari dans la conquête de l’Allemagne. En octobre, on votera en Thuringe, Land d’un membre particulièrement radical de l’Alternative für Deutschland (AfD). La dynamique électorale à l’est de l’Allemagne n’est pas sans rappeler les succès électoraux de Marine Le Pen dans le nord de la France.
D’après les derniers sondages pour les prochaines élections des députés des parlements régionaux allemands (Landtags), l’AfD prendrait une longueur d’avance sur le parti de la chancelière. Historiquement à gauche, l’Allemagne de l’est a subitement changé de cap politique au cours de ces dernières années. Certains médias comme Die Welt y prévoient des scores aux alentours des 25 % contre 22% pour la CDU. D’anciennes villes d’extrême gauche comme Dresde, Leipzig ou encore Chemnitz deviennent le fief de l’extrême-droite allemande.
Le communisme a fait son temps
Chemnitz est une ville où siège encore l’énorme buste de Karl Marx, héritage de la RDA. La statue voit aujourd’hui défiler devant elle des centaines de manifestants voulant le retour de l’Allemagne d’antan. Située dans la Saxe, cette ville était pourtant pendant de nombreuses années en territoire « rouge ». Situées en RDA, Dresde, Leipzig ou Chemnitz ont suivi idéologiquement le régime de l’URSS… dont l’objectif était de créer un territoire, où la première société sans classe de l’Europe occidentale devait advenir.
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Mais après la réunification de l’Allemagne, quelles différences de revenus entre Est et Ouest! Il demeure un retard impressionnant. Pendant de nombreuses années, la RDA était en crise économique, ce qui a amené les habitants à fuir vers l’ouest, la RFA. Aujourd’hui encore, l’Ouest a tout et l’Est manque de tout. Dans le classement des salaires nets moyens réalisé par l’Arbeitsagentur (le Pôle Emploi allemand), on retrouve au bas du classement trois régions de l’ancienne RDA: la Saxe, Thuringe et enfin le Mecklemburg Vorpommern. Il est surtout frappant de voir qu’il existe un écart d’environ 500€ entre le salaire moyen le plus bas à l’ouest et le plus élevé à l’est. Cette dichotomie frappante peut toutefois être nuancée, car aujourd’hui, c’est dans les régions minières à l’ouest que vivent la majorité des Allemands les plus pauvres, notamment dans les régions ouvrières où les usines et les mines ferment.
Malgré une succession des partis à la tête des Länder de l’Est et après aucune grosse amélioration constatée, il reste dans les têtes de ces Allemands un sentiment d’abandon de leur région par l’exécutif. La CDU et les autres partis n’ont pas réussi à redonner une certaine stabilité économique à cette partie de l’Allemagne, ce qui n’est pas pour rien dans le changement progressif d’idéologie politique de ces territoires. Le chômage important et le manque de soutien de l’État sont les facteurs qui ont permis une montée lente de l’AfD. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est assurément l’arrivée des migrants, les nombreuses aides versées et les diverses agressions dans toute l’Allemagne à partir de 2016.
L’AfD: un parti divisé
Avec la conjoncture que nous venons d’exposer, on pourrait s’imaginer que la campagne de l’AfD se passerait pour le mieux. Nein! Une campagne n’est jamais un long fleuve tranquille. Lors du dernier grand rassemblement du parti à Cottbus début juillet, le jeune dirigeant de la région de Thuringe au sein du parti, Björn Höcke, indique vouloir prendre les rênes du parti. Avec une idéologie plus vindicative et, disons-le, plus raciste envers les migrants. En 2016, il avait provoqué un tollé lorsqu’il avait parlé du « comportement de reproduction des Africains ». Il avait souligné que ce comportement ne changerait pas tant que l’Europe serait prête à « accueillir cet excédent ».
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Höcke prend l’ascendant au sein de l’AfD, ce qui agace des cadres du parti et notamment le président Alexander Gauland. Ils lui ont fait savoir à travers une lettre ouverte. Ces derniers l’accusent de violer la solidarité et d’instaurer un culte de la personnalité. Ambiance… Comme c’était à craindre, la missive a fait un flop et c’est bien l’aile la plus radicale de l’AfD qui semble devoir gagner cette bataille. Le duel entre Alexander Gauland et Björn Höcke tourne à l’avantage de la relève.
Une situation similaire dans le nord de la France
Rappelons-nous la chanson de Pierre Bachelet, Les Corons. Ces ouvriers, qui allaient tous les matins dans les mines de charbon pour gagner leur pain quotidien. À l’époque, c’était le Parti socialiste et le Parti Communiste qui étaient sur-représentés dans ces milieux populaires français. Il y a longtemps que la chanson est passée de mode.
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Après les fermetures des mines, beaucoup des familles de mineurs se sont retrouvées sans travail, avec un sentiment d’abandon assez similaire à celui des Länders de l’Est de l’Allemagne. Depuis quelques années, l’extrême-droite s’y est imposée. Avec notamment 41,54% des voix à Calais lors des dernières élections européennes, le RN confirme son implantation dans le nord de la France. Pendant la campagne, Jordan Bardella a dit considérer que « pas un euro ne devait être dépensé pour accueillir des migrants tant qu’il y aura des Français en difficulté ». L’arrivée des migrants, le chômage, la jungle de Calais en France, les agressions en Allemagne: autant des thèmes communs qui ont fait le succès du RN et de l’AfD dans ces régions. À noter: après les scrutins régionaux de septembre, un autre vote important se jouera dans la région de… Björn Höcke (en Thuringe), fin octobre. Résultat qui pourrait voir l’AfD en tête avec une avance de trois points sur la CDU s’il on en croit certains médias allemands comme die Zeit. Pour Angela Merkel, le ciel s’obscurcit de plus en plus.
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