Une tribune du Président du Fonds de dotation Hossein Fatemi
La crise poussant au précipice les Etats-Unis et la République islamique d’Iran suscite simultanément inquiétude et consternation. Les enjeux sont colossaux : le transit d’un cinquième de la production mondiale de pétrole par le détroit d’Hormuz, et l’affrontement entre deux blocs pour le leadership de l’islam contemporain, avec les sunnites conservateurs saoudiens opposés aux chiites anti-impérialistes iraniens. Entre ces deux camps irréconciliables, la perspective d’un compromis durable parait illusoire tant les protagonistes semblent camper dans une logique de jeu à somme nulle dont un seul « winner » puisse émerger.
Entre le Président Trump et l’ayatollah Khamenei, la nécessité d’une troisième voie
Peut-on se satisfaire de ce rapport de force à la fois dangereux et stérile ? Sommes-nous contraints d’accepter les visions apocalyptiques et concurrentes de Donald Trump et d’Ali Khamenei, le Guide Suprême iranien?
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Le point d’achoppement principal porte sur les accords de Vienne, signés en juillet 2015 par l’Iran, l’Allemagne, et les membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU. Ces accords étaient censés lever les sanctions internationales contre l’Iran, imposer un contrôle drastique des activités nucléaires iraniennes, ainsi qu’une mise au ralenti du programme nucléaire iranien pendant 15 ans. Les Etats-Unis ont dénoncé l’accord en mai 2018. Les Iraniens en sont, désormais, également sortis.
Côté américain, il s’agissait de la plus grande réussite diplomatique du président Barack Obama. Donald Trump avait, logiquement, fait de son retrait une promesse de campagne et l’un des « marqueurs » de sa future politique étrangère.
Coté iranien, la promesse d’une ouverture diplomatique a porté le président Rouhani, ainsi que son ministre des affaires étrangères, Javad Zarif, et suscité des espoirs réels au sein de la population iranienne.
Epineux désaccord sur le nucléaire
L’administration Trump pointe les failles des accords de Vienne sur le nucléaire iranien. Les concessions économiques sont jugées trop généreuses. L’interdiction d’enrichissement du minerai nucléaire, au-delà du seuil critique civil, ne devrait pas être aussi limitée dans le temps, et la recherche dans le domaine balistique devrait être proscrite. Autre enjeu primordial pour les Américains, l’Iran doit cesser ses activités paramilitaires sur les différents théâtres d’opérations au Moyen-Orient.
Les partisans du Guide Suprême dénoncent le retrait unilatéral américain des accords de Vienne, le « terrorisme économique » dont serait victime l’Iran, et les menaces stratégiques posées par les Etats-Unis et leurs alliés régionaux. Objectivement, les deux camps ont chacun leurs raisons. Tristement, les solutions proposées jusqu’à présent sont insuffisantes, et font une impasse totale sur le facteur seul capable de donner ancrage et stabilité à tout arrangement diplomatique: le citoyen iranien.
Quelle alternative à la guerre, plus ou moins larvée, ou aux accords de Vienne moribonds? Des précédents existent, dont certains mécanismes diplomatiques dits de la « détente » pendant la guerre froide. Les accords d’Helsinki consacraient, entre les pays de l’Ouest et du pacte de Varsovie, le respect mutuel et simultané des souverainetés territoriales et des droits de l’Homme. Moins connue, une disposition commerciale américaine – l’amendement Jackson-Vanik – conditionnait la coopération économique avec l’URSS à une « libéralisation » du système soviétique. Sur un modèle similaire, la sortie de l’apartheid en Afrique du Sud fut également encouragée par les sanctions économiques imposées au régime suprématiste, en raison des atteintes aux droits de l’Homme.
Concrètement, une sortie de crise pourrait se réaliser par une approche progressive, qui combinerait des garanties de sécurité, des possibilités de coopération commerciale, une ouverture politique, ainsi qu’un renforcement de la société civile iranienne. Cette piste permettrait d’assurer une réelle stabilité régionale, et de garantir un meilleur approvisionnement mondial en pétrole.
La France a une forte légitimité pour obtenir des concessions des deux parties
Un jeu de concessions mutuelles et de contreparties, grandissantes dans leur portée, comme par exemple la « sanctuarisation » du territoire iranien en échange d’un moratoire des activités balistiques et d’enrichissement, pourrait donner aux différentes parties le « win-win » tant souhaitable.
Dans le domaine civil, la levée des sanctions – et, à terme, la promotion d’investissement étrangers ou l’accession de l’Iran à l’Organisation Mondiale du Commerce – pourrait être conditionnée à une relaxe des prisonniers politiques, à un moratoire sur les châtiments corporels et la peine capitale pour les mineurs, à la protection du patrimoine écologique iranien, ou à l’ouverture progressive des scrutins électoraux à tous les candidats désireux de se présenter.
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Quel pourrait être le rôle de la France dans cette nouvelle donne diplomatique ? La France bénéficie d’une position privilégiée pour promouvoir une sortie par le haut de la crise actuelle. Emmanuel Macron semble entretenir des rapports constructifs avec l’administration Trump, et notamment partager un constat proche sur le comportement de la République islamique. Par ailleurs, la France bénéficie d’un rayonnement indiscutable en Iran. Mis à part le traité de Tilsitt de 1807, la France est la seule grande puissance à ne jamais avoir lésé l’Iran. C’est aussi la terre d’asile de référence, aussi bien pour l’Ayatollah Khomeini, les Moudjahidines du Peuple, que pour Shapour Bakhtiar, le dernier Premier Ministre du Chah.
Au contraire du mercantilisme allemand ou italien, la France est aussi la puissance européenne avec la vision géopolitique la plus indépendante du bloc occidental, et la plus proche des pays émergents. La France est en capacité de proposer des solutions. Les attentes sont grandes. Cette position lui confère une responsabilité particulière. À elle, désormais, de ne pas décevoir.
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