Des technocrates écologistes voudraient transformer les Alpes, les Pyrénées, voire le Jura ou les Vosges, en immenses réserves naturelles peuplées de prédateurs disparus. Le ministère de la Transition écologique voit d’un bon œil ce projet aux retombées touristiques juteuses. Enquête.
Elle se nomme Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas). Financée par des dons spontanés et des campagnes de financement participatif (« crowdfunding »), elle a déjà acheté des terrains dans les Côtes d’Armor, l’Hérault et la Drôme en vue de les transformer en réserves de vie sauvage. Ils ne sont pas très vastes, mais l’Aspas est en train de passer à la vitesse supérieure. « Nous finalisons un projet de 500 hectares dans le Vercors », s’enthousiasme sa présidente, Madline Reynaud.
Objectif, créer des sanctuaires, où seraient réintroduites des espèces disparues de nos contrées depuis des siècles, voire des millénaires : bisons, chevaux sauvages, élans, puis, à terme, lynx, loups et ours, les seconds, carnivores, assurant (en les boulottant) le contrôle démographique des premiers, herbivores. On notera que nul ne propose encore de faire renaître des dinosaures. La réserve drômoise du Grand Barry, créée par l’Aspas en 2014, est déjà reconnue par Rewilding Europe, organisme basé aux Pays-Bas qui affiche une devise sans équivoque : « Faire de l’Europe un endroit plus sauvage. » Il fédère de nombreuses initiatives qui visent toutes à organiser, au nom de la biodiversité, le recul des activités humaines pour laisser la nature reprendre ses droits. Loin d’être une lubie d’environnementalistes en roue libre, ces projets bénéficient d’un fort soutien institutionnel. Le réseau Rewilding Europe est soutenu par l’Union internationale de conservation de la nature (UICN), le WWF, la Wild Foundation, la Fondation Albert II de Monaco et la Banque européenne d’investissement.

Côté français, en 2010 déjà, la secrétaire d’État à l’écologie, Chantal Jouanno, en pleine polémique sur les ours, exprimait son souhait de voir « les Pyrénées devenir un Yellowstone à la française ». Premier parc national au monde, créé en 1872 dans l’État américain du Wyoming, Yellowstone est la référence incontournable des partisans du réensauvagement. Sur près de 9 000 km², il offre un sanctuaire à la faune qui dominait le Grand Ouest avant la conquête par les Européens. Ours, lions des montagnes, élans, bisons et wapitis s’y ébattent en liberté entre montagnes et geysers. Les loups, qui y ont été réintroduits en 1995, y sont désormais plus de 1 500. Ils ne posent pas de problème aux éleveurs, pour la bonne raison qu’à Yellowstone, il n’y en a pas. La densité de population du Wyoming est très faible (2,2 ha/km²) et elle avoisine zéro à Yellowstone. Le parc reçoit chaque année 3 millions de visiteurs, mais dans leur immense majorité, ils s’éloignent très peu de la route circulaire qui fait le tour des plus beaux points de vue.
Où créer un tel site en France ? Les départements réputés « sauvages » comme les Hautes-Alpes (25 hab/km²) ou l’Ariège (31 hab/km²) sont dix à quinze fois plus densément peuplés que les Rocheuses. Maillés de villages et de hameaux, ils sont, jusqu’à 2 500 mètres d’altitude, le domaine des bergers et des troupeaux, y compris dans
