La métropole Aix-Marseille-Provence a été imposée par l’État pour favoriser le développement économique et la mobilité d’un territoire grevé par les difficultés de sa ville-centre. Mais la prospère Aix rechigne à convoler avec Marseille. Reportage.
Gare aux diablines ! Ces minuscules navettes électriques serpentent dans les rues piétonnes du Vieil Aix. Dans ce paisible centre historique que réveillent les foules étudiantes, les façades blondes en pierre de taille disputent la primauté aux petits commerces franchisés. À quelques pas de l’hôtel de ville et de la cathédrale, des atlantes soutiennent le portail d’un splendide hôtel particulier Grand Siècle. Sur le cours Mirabeau voisin, les étals de fruits, légumes et spécialités du pays réjouissent touristes et bourgeois du cru, dont on décèle à peine l’accent.
Maryse Joissains contre la métropole
Rien dans cette image d’Épinal provençale ne laisse soupçonner la colère qui gronde. « Je ne veux pas que Marseille gère mon budget ! Lorsque vous mettez une pomme pourrie dans un panier, qui gagne ? Pas celle qui est en haut du panier », s’emporte Maryse Joissains, 76 ans, maire (LR) d’Aix systématiquement réélue depuis 2001. L’édile gouailleuse, épouse séparée de l’ancien maire Alain Joissains (1977-1983), aussi controversée qu’appréciée de ses administrés, ne cesse de fulminer contre la métropole Aix-Marseille-Provence (AMP) officiellement créée le 1er janvier 2016. Certains murmurent que les récents ennuis judiciaires – une condamnation en appel le 28 mai à un an d’inéligibilité et six mois de prison avec sursis pour détournement de fonds et prise illégale d’intérêts[tooltips content= »La justice reproche à Maryse Joissains la promotion expresse de son ancien chauffeur au sein de l’administration communale, ainsi que l’embauche d’une collaboratrice de cabinet chargée de la condition animale au sein du pays d’Aix. Défendue par Me Obadia, la maire d’Aix se pourvoit en cassation. »]1[/tooltips] – de cette fille de docker toulonnais ne seraient pas sans rapport avec sa croisade antimétropole.

Contre l’avis de la quasi-totalité des maires concernés, Marseillais exceptés, l’État a institué cette nouvelle couche du mille-feuille administratif pour améliorer le développement économique, l’aménagement et la mobilité d’un territoire appelé à peser dans la mondialisation. S’il s’agit de la plus grande métropole française (1,8 million d’habitants répartis sur 3 148 km2) loin devant le Grand Paris et le Grand Lyon, AMP inverse l’habituel schéma métropolitain : Marseille, sa ville-centre, est bien plus pauvre que sa périphérie. Et souffre d’une dette intercommunale abyssale que sa rivale historique Aix-en-Provence n’a aucune envie d’assumer.
Hétéroclite, la métropole en archipel AMP regroupe six intercommunalités (Marseille Provence Métropole, Pays d’Aix, Pays d’Aubagne, Pays de Martigues, Salon-Étang de Berre-Durance et Syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence autour d’Istres et Fos) dans une institution nouvelle placée entre la commune et le département, avec lequel elle est censée fusionner. Depuis novembre 2018, la Marseillaise Martine Vassal (LR), présidente du Conseil départemental, a d’ailleurs repris les rênes d’Aix-Marseille-Provence au premier des Marseillais Jean-Claude Gaudin (LR), bientôt 80 ans au compteur.
Mais l’équation se complique : les frontières de la métropole ne se confondent pas avec celles des Bouches-du-Rhône, le pays d’Arles refusant obstinément de s’y fondre.
Où est passée l’Arlésienne ?
Un dernier réduit résiste encore et toujours à la métropole Aix-Marseille-Provence : le pays d’Arles. Couvrant toute la Camargue, ce territoire représente 40 % des Bouches-du-Rhône, mais accueille à peine un dixième de la population du département. La députée Monica Michel (LREM) aime citer l’étude de deux cabinets de conseil qui évalue à 17 millions d’euros le surcoût fiscal qu’engendrerait l’entrée du pays d’Arles dans la métropole. Si bien que plusieurs référendums locaux ont donné 80 % de non à la métropole sur fond d’abstention massive. Et la parlementaire macronienne de brandir l’argument de la proximité : « Le cœur de la décision ne peut pas se prendre à 130 kilomètres du citoyen. » À raison : le pays d’Arles se développe en effet bien davantage vers le Gard et le Vaucluse. En cas de fusion métropole-département, Monica Michel propose de créer par la loi une collectivité territoriale arlésienne à statut particulier qui bénéficierait des anciennes compétences départementales tout en nouant des conventions avec AMP. Un modèle corse que Matignon hésite sans doute à reproduire.
Autre bizarrerie administrative, les deux communes du Vaucluse (Pertuis) et du Var (Saint-Zacharie), respectivement membres des pays d’Aix et d’Aubagne, ont intégré la métropole, mais pas les Bouches-du-Rhône.
Des maires vent debout
Au-delà des querelles de clocher, Aix a-t-elle tort de craindre une mainmise de Marseille sur la métropole ? Sur les 240 membres du conseil métropolitain distribués au prorata démographique, 108 ont été attribués à la cité phocéenne (860 000 habitants) contre seulement 55 à Aix-en-Provence (142 000 âmes). Sur fond de chicayas entre Maryse Joissains et Jean-Claude Gaudin, la droite se divise en deux groupes au sein du conseil métropolitain : les Marseillais et les autres. « La ville de Marseille a transféré à l’intercommunalité Marseille Provence 2,6 milliards d’euros de dette. En ajoutant la piscine
