Accueil Politique Pour Castaner, « l’islam de France » c’est l’islam des Frères musulmans

Pour Castaner, « l’islam de France » c’est l’islam des Frères musulmans

Le ministre des Cultes a rompu le jeûne du ramadan avec une organisation frériste


Pour Castaner, « l’islam de France » c’est l’islam des Frères musulmans
Le ministre des Cultes Christophe Castaner mange une datte aux côtés d'Abdelhaq Nabaoui du CRCM, le 29 mai 2019. ©ABDESSLAM MIRDASS / HANS LUCAS

Depuis 1999, nos dirigeants s’entêtent à vouloir construire « l’islam de France ». De Chevènement à Macron en passant par Sarkozy et Valls, la ligne politique aura été erratique, les objectifs flous, les moyens insuffisants. Mais surtout, le choix des interlocuteurs aura été jusqu’à aujourd’hui calamiteux permettant à l’islam consulaire de se maintenir tout en légitimant la prise de pouvoir des Frères musulmans. Dernier exemple en date: le 29 mai, le ministre des Cultes Christophe Castaner a rompu le jeûne du ramadan aux côtés du CRCM, une organisation frériste.


Notre ministre des Cultes, Christophe Castaner, a honoré de sa présence lors d’un dîner d’iftar (rupture du jeûne du Ramadan), le 29 mai dernier, le Conseil régional du Culte musulman d’Alsace, ce qui a offusqué le Conseil national dudit culte, actuellement aux mains des Turcs pro-Erdogan. Mais le choix de M. Castaner, avec l’accord probable du président, en dit long sur la stratégie inquiétante de l’exécutif concernant l’organisation de la religion musulmane en France. Cette dernière demeure un des angles morts de la « pensée politique » du pouvoir macronien, mais soyons honnête, c’est l’angle mort de tous les partis politiques français depuis quarante ans.

La nouvelle génération de nos politiciens ne connait quasi rien à l’islam, son histoire, ses fondements théologiques, ses évolutions contemporaines, sa géopolitique. De même elle perpétue une « politique arabe » erratique, sans cap ni intelligence. La politique désastreuse de Nicolas Sarkozy en la matière en aura été l’illustration, projetant sur les représentants français autoproclamés de l’islam dans les années 2000, une vision simpliste mêlant la longue histoire des relations entre l’Etat et l’Eglise catholique et protestante et avec les juifs, avec la mémoire floue de la gestion de l’islam colonial algérien.

Sarkozy rompt la digue du Culte

En 2003, se prenant pour un tout petit Napoléon, Nicolas Sarkozy alors ministre des Cultes, voulait un interlocuteur : il créa le Conseil français du Culte musulman (CFCM). Il n’aura réussi qu’à adouber l’islam politique des Frères musulmans qui a rapidement mis la main sur le CFCM et ses instances régionales. Puis il a aggravé la situation durant son quinquennat en décidant que ce serait à l’aune des mètres carrés de mosquée qu’on élirait les représentants siégeant au CFCM. Résultat ? L’ouverture de la compétition générale : c’est à qui aura la plus grande mosquée pour avoir le plus d’élus ! Or qui peut financer des mosquées-cathédrales dans toutes les métropoles françaises sinon les réseaux financiers étrangers. Les subsides publics – donc l’argent du contribuable français – furent aussi utilisés pour cofinancer la construction de centres culturels islamiques annexes aux mosquées venant agrandir de facto les espaces cultuels ; et le tour est joué.

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Dès lors, le président Sarkozy a renforcé l’islam consulaire autant qu’il a encouragé des puissances financières islamiques étrangères (Qatar, Arabie saoudite, Emirats, Turquie) à déverser des millions pour construire des mosquées favorables à leur courant idéologique. Les islamistes des Frères musulmans et autres dérivés salafistes ont évidemment raflé la mise. Puis, le quinquennat achevé en terminant sur la catastrophe libyenne, Nicolas Sarkozy s’en est lavé les mains quand il s’est avéré que l’arrière boutique n’était pas aussi « modérée » que la vitrine qu’il avait vendue aux Français ignares en la matière. François Hollande, le président, inventa « la déradicalisation », concept fumeux qui coûta un « pognon de dingue » mais ne lui survécut pas faute d’avoir le début d’un embryon de résultat… Où l’on voit que si Emmanuel Macron met ses pas dans ceux de Nicolas Sarkozy ou de son prédécesseur, il n’en sortira rien de bon. Doit-on craindre qu’il fasse pire ?

« L’islam français » ne peut pas exister

Islam de France, en France, islam français… Autant d’expressions qui ne disent rien de la réalité. « L’islam français » tel qu’en rêvent candidement nos politiques ne peut pas exister, et ce pour différentes raisons. Les musulmans sont une minorité religieuse nouvellement installée en France depuis les années 1960 et dont le dynamisme démographique est incomparable à tout ce que la France a connu en termes de minorités religieuses. La première vague vient de divers pays, des singularités nationales qui colorent aussi pour partie leur islam ; longtemps cet islam fut dirigé à distance par les pays d’origine (Algérie, Maroc, Tunisie, etc.). La force de l’idéologie fréro-salafiste est d’avoir surmonté ses folklores nationaux d’origine pour proposer aux générations nées en France une identité « neuve » de double rupture : d’avec l’islam dit du bled et d’avec la France républicaine.

En outre, imaginer construire l’islam sur le modèle consistorial juif comme certains ont l’air de le plaider auprès du président de la République est une aberration en plus d’une stupidité anachronique : les musulmans du XXIe siècle ne ressemblent en rien aux Israélites de 1806 déjà quasi totalement assimilés quand Napoléon achève le projet d’émancipation citoyenne commencé avec le mémoire de Malesherbes adressé à Louis XVI en 1788. Au début du XIXe siècle, les juifs n’aspirent qu’à être d’authentiques Français et ne nourrissent aucune acrimonie à l’égard de la civilisation française. Ensuite, l’histoire des relations entre la France et les mondes de l’islam est singulière et complique beaucoup les choses, elle est faite de conflictualités, de guerres mémorielles, de méfiance réciproques, ce que tout le monde feint d’ignorer en glissant perpétuellement la poussière sous le tapis ou en clivant inutilement, comme le fit le candidat Macron en novembre 2016 lors de son voyage en Algérie. Enfin, et c’est sans doute le plus sérieux, que cela plaise ou pas aux candides, l’islam est un ordre politico-juridique qui ne peut pas, ne veut pas se fondre dans un ensemble social laïc qui lui préexiste, à savoir la loi de 1905.

La France était « une et indivisible »

Ce cadre où se sont inscrits, non sans peine, catholiques, protestants et juifs, les représentants qui parlent aujourd’hui au nom des Français musulmans n’en veulent pas. S’ils le voulaient vraiment comme ils le prétendent dans leurs discours devant les ministres, pourquoi ne s’entendent-ils pas depuis près de deux décennies, pour se structurer en conformité stricte avec la loi de 1905 ? Mais nous sommes, paraît-il, au temps du « patriotisme inclusif » (discours d’Emmanuel Macron devant la presse du 25 avril), de l’identité nationale « à la carte » ; quand en 1806 sous l’autoritarisme napoléonien et en 1905 au temps de la IIIe République, nous étions dans le patriotisme assimilateur qui garantissait la liberté de cultes aux individus et aux collectifs, mais rejetait toute forme de sécession politique au nom de son appartenance religieuse.

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La France fut en effet « une et indivisible ». Elle ne l’est plus depuis que, devant une immigration de masse qu’ils n’ont souhaité ni contenir ni analyser les effets à long terme, nos dirigeants nationaux et locaux ont décidé de pratiquer une gestion communautariste des populations. C’est cela la cause de la partition ou sécession dont tous les politiques parlent aujourd’hui comme s’ils n’y étaient pour rien : ils en sont les premiers artisans. Les minorités tyranniques ne s’affirment que quand le camp majoritaire est las ou naïf. Les hommes de la IIIe République avaient fait l’expérience de la pression religieuse dans la vie sociale et dans la vie politique, ils n’en voulaient plus. Nos politiques actuels n’ont rien connu de l’antagonisme entre un pouvoir religieux et un pouvoir civil, ils ont l’air de benêts qui pensent que la sécularisation est un fait établi qui va s’imposer par magie à tous les nouveaux venus. Ils regardent donc l’islam comme une sorte de judaïsme acariâtre ou de protestantisme belliqueux, ne comprenant pas la spécificité de la religion musulmane qui est une orthodoxie en même temps qu’une orthopraxie, qui ne délie pas pouvoir temporel et spirituel, à moins de renier le sens même de la vie du prophète de l’islam Mohamed, donc s’exposer à se renier soi-même. Le wahhabisme né en Arabie au XVIIIe siècle s’inspirait du rigorisme de l’école hanbalite (IXe siècle) et d’Ibn Taymiya (XIIIe siècle), et illustre bien que l’islamisme n’a pas attendu les impérialismes coloniaux européens ou le méchant « orientalisme » occidental pour se forger, indépendamment, en idéologie politique. Cet ordre politico-religieux consubstantiel à l’islam dès ses origines, n’a été qu’en se durcissant au gré des aléas géopolitiques du siècle écoulé, avant même l’abolition du califat par Atatürk.

Inculte comme un ministre des Cultes

Tout cela, nos dirigeants n’en ont cure car ils ne lisent plus rien d’autre que des livres de management des organisations ou de communication politique. La classe politique et médiatique actuelle est inculte sur ces sujets. La paresse intellectuelle autant que le désintérêt mâtiné de mépris pour la « chose religieuse » font que nos dirigeants et nos élites parlent sans savoir, se reposent sur quelques agents d’influence dont ils sont bien incapables la plupart de temps de déceler au nom de qui ils parlent, au nom de quels intérêts ils proposent telle ou telle organisation de l’islam en France. L’ignorance de nos dirigeants sur l’islam est dangereuse. L’islam comme religion, comme fait social, comme doctrine juridico-politique ne peut être ignoré car il s’est imposé dans notre paysage politique du fait d’une immigration de masse doublée d’un dynamisme démographique avéré.

Cette inculture justifie qu’ils se satisfassent de la situation bipolaire actuelle. D’un côté, nous avons les beaux discours islamo-républicains tenus dans les diners d’iftar où nos élus, nos ecclésiastiques, nos pasteurs et nos rabbins jouent des coudes à qui mieux-mieux, ou dans les colloques dits « interreligieux » organisés systématiquement par les autorités catholiques, protestantes ou juives pour valoriser « l’islam des Lumières », plutôt que débattre de questions théologiques qui fâchent. De l’autre côté, nous avons la réalité du terrain, l’islam à l’échelle locale qui demeure revendicatif politiquement et largement irrigué par le courant fréro-salafiste qui n’a de quiétiste que le nom car Hassan al-Banna est peu connu pour avoir œuvré en faveur de la doctrine de « la passivité dans la quête spirituelle » !

En marche vers « l’islam de France » macronien

« L’islam de France » est un projet qui n’avancera pas parce que l’islam dominant actuel ne se laisse pas enfermer dans un cadre de minorité, qui plus est au sein d’une nation d’héritage judéo-chrétien. Toutefois, le dynamisme démographique étant du côté de l’islam, ce culte doit s’organiser en tant que tel. Mais l’acte politique programmateur doit revenir à la République et à elle seule, et non aux représentants autoproclamés de l’islam en France. Car eux exigeront sans se décourager, comme ils le font depuis 1999, d’obtenir un statut spécifique, des arrangements singuliers, une place à part. Voilà pourquoi le choix de notre actuel ministre des Cultes est inquiétant. Il a négligé le CFCM aux mains des Turcs proches d’Erdogan, ce qui n’est pas une mauvaise idée en soi, mais ce fut pour aller adouber le représentant de l’islam concordataire, Abdelaq Nabaoui qui préside le Conseil régional du Culte musulman d’Alsace. A l’instar de Tareq Oubrou, autre star frériste convertie récemment au républicanisme, Nabaoui est chevalier de la Légion d’honneur depuis avril 2017, et il est aussi un ancien militant actif de l’UOIF (habilement rebaptisée à la veille de l’élection présidentielle, Musulmans de France). L’UOIF est une des associations islamiques les plus importantes de France, elle contrôle de nombreux lieux de culte, écoles, centres de formations ; elle est liée à l’échelle européenne aux Frères musulmans, même si ses chefs s’en défendent mollement.

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A la tête du CRCM depuis deux ans et demi, Nabaoui est un ancien aumônier des hôpitaux (et des armées de l’Est) qui a fait de Strasbourg la plateforme de lancement de l’islam de France dont rêve les ultralibéraux communautaristes pour qui l’argent est le nerf de la guerre. Beaucoup de ceux qui encensent le rapport El Karoui de 2016 (« Un islam français est possible ») pour avoir alerté sur l’imprégnation salafiste dans la jeunesse musulmane française, oublient les recommandations de ce dernier en faveur d’une profonde modification de la loi de 1905 afin que l’Etat prenne notamment en charge le financement des édifices religieux à l’issue d’un « audit des cultes ». Pour conduire son projet, Hakim El Karoui a lancé, fin 2018, l’Association musulmane pour un islam de France (AMIF) avec l’aval de son ami Emmanuel Macron rencontré à la banque Rothschild. Les statuts ont été déposés en avril dernier. Abdelaq Nabaoui est membre de l’AMIF, plateforme préparant « l’islam de France » macronien, comme le CFCM fut le bébé de Nicolas Sarkozy. A ses côtés, la fine fleur frériste reconvertie dans le républicanisme inclusif du Nouveau Monde : Tareq Oubrou ou Mohamed Bajrafil. L’AMIF ne servirait-elle pas aussi de plateforme de labellisation républicaine pour l’idéologie frériste ? Tout cela se ferait bien sûr « à l’insu de notre plein gré », à l’instar de l’Institut des Cultures de l’Islam dont le Conseil d’administration est dirigé par un duo pour le moins surprenant : Bariza Khiari, ancienne sénatrice socialiste ralliée dès 2016 à Emmanuel Macron, et Nacira Guenif-Souilamas, sociologue proche des Indigènes de la République.

Christophe Castaner : « Le CRCM est un exemple, un laboratoire d’idées pour le futur de l’islam en France. »

A l’instar de son ami Hakim El Karoui, M. Nabaoui rêve de voir l’islam inclus dans le régime concordataire afin d’en faire la base arrière pour la construction de cet islam de France qui pourrait bénéficier des subsides publics, de libéralités pour enseigner dans les écoles publiques, etc. El Karoui écrit en 2016 dans son rapport que le régime concordataire est « un écosystème politique et juridique qui permet aux instances représentatives des musulmans de France et à la puissance publique de faire émerger un islam français. » Alors que 70% des Français sont pour l’abrogation du régime concordataire et que des militants républicains laïcs luttent vainement depuis des décennies pour son abrogation, M. Castaner vient valider le projet El Karoui/Nabaoui. Notre ministre a en effet déclaré lors de ce dîner de Ramadan : « À Strasbourg, le CRCM est un exemple, un laboratoire d’idées pour le futur de l’islam en France. » Bien sûr, Christophe Castaner a fait du « et en même temps » en jurant ses grands dieux qu’on ne toucherait pas à la loi de 1905, mais force est de constater que, dans l’indifférence générale, parce que ces sujets sont laissés dans l’ombre, l’opposition et les journalistes d’investigation font silence. Personne ne se donne la peine d’expliquer aux Français ce qui se joue, à savoir un énième blanc-seing offert aux idéologues fréristes, c’est-à-dire aux ennemis de la liberté, de l’égalité et de la démocratie. Aux ennemis de la nation.

La stratégie à la petite semaine de Christophe Castaner est révélatrice de l’indécision du pouvoir. Il y a fort à parier que si l’acte 2 du quinquennat qu’on nous annonce est aussi amateuriste et tourmenté que le premier, « l’islam de France » restera une Arlésienne car l’exécutif aura d’autres chats à fouetter. Et vu ce que prépare les amis du président, ce serait souhaitable pour le bien des musulmans eux-mêmes, pour la sécurité des Français également à long terme. Car, sous prétexte de lutter contre l’argent sale des Etats étrangers qui viendrait pourrir l’islam de France, le projet El Karoui/Nabaoui équivaut à financer l’islam avec l’argent public sans nettoyer les écuries d’Augias, à savoir déraciner l’idéologie fréro-salafiste dominante dans la plupart des quartiers où les musulmans sont quasi majoritaires. Pour réaliser un tel nettoyage, il faudrait déjà que nos élus soient informés (ou souhaitent l’être !) des pedigrees idéologiques de leurs interlocuteurs par les agents de liaison qui les mettent en relation… Mais chacun préfère l’aveuglement réciproque d’un marché de dupes.

Vers un Grand imam de France

En attendant, le statu quo permet la poursuite de la politique des intermédiaires, des agents troubles au service de différentes puissances étrangères qui tiennent chacun leur petite boutique de fidèles binationaux ; pour certains pays amis, cette gestion se fait en lien avec les services de renseignements français, ce qui n’est pas inutile. Le statu quo permet à des notables musulmans de s’embourgeoiser gentiment en se rapprochant du Roi-soleil, de troquer la calotte blanche en crochet pour le chapeau mou du Grand rabbin de France – ce personnage inventé par Napoléon – rêvant sans doute ainsi d’être adoubé un jour Grand imam de France. Le statu quo permet enfin à la confrérie des Frères musulmans transnationale et à tous les réseaux salafistes alliés, de continuer paisiblement à gangrener la population musulmane française.

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est enseignante.

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