Entretien avec Florence Berthout, maire LR du 5e arrondissement, candidate déclarée à la succession d’Anne Hidalgo
Causeur. Les critiques de la gestion de la ville de Paris se concentrent sur la personne d’Anne Hidalgo. En tant qu’élue d’opposition, quel regard portez-vous sur le partage des responsabilités entre la maire et les autres membres de la majorité ?
Florence Berthout. Elle n’est pas dans une situation confortable, car l’union de sa majorité est une fiction sur le fond. Anne Hidalgo doit composer avec des alliés qui s’accrochent aux vieilles lunes d’une gauche datée, à l’image de ces élus PCF qui veulent débaptiser des rues ou retirer l’enseigne du « Nègre joyeux » [un ancien magasin de café de la place de la Contrescarpe datant de 1897, NDLR], parce qu’elle serait colonialiste et raciste. Le rôle d’un chef est de fixer la ligne sans se laisser instrumentaliser. Anne Hidalgo veut débattre de tout, y compris de sujets farfelus. Il y a parfois des échanges stupéfiants au Conseil de Paris, comme à propos du « manspreading », de l’écriture inclusive ou des rats.
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Que s’est-il passé avec les rats ? Pourquoi ont-ils proliféré ?
Ils ont toujours été là, il y en a deux ou trois par Parisien. On les voit plus parce que les nouvelles corbeilles de rue [30 000 installées pour 3 millions d’euros, NDLR] leur permettent d’accéder aux restes de nourriture, alors que le service de lutte contre les rongeurs a perdu un tiers de ses effectifs depuis 2010 ! Sans parler de la réticence des élus EELV à employer la manière forte… S’ajoute à cela une certaine désorganisation à la mairie. La majorité préfère parler d’ « horizontalité », mais le résultat est identique. Pour un trou dans la chaussée, il faut contacter, quatre, cinq, six services.
Par manque d’effectif ?
Pas partout ! Le service de communication de Paris employait 417 équivalents temps plein l’an dernier. La ville peut se le permettre, car elle a des ressources. Les recettes des impôts locaux et des taxes ont augmenté de 1,5 milliard d’euros entre 2013 et 2019 [par le biais des hausses de taux et de recettes des droits de mutation, NDLR]. Toute la question est de savoir ce qu’on fait de l’argent. Il n’y en aura plus pour couvrir le périphérique si on le dépense en âneries.
Par exemple ?
Préempter des logements. Sur les 400 millions que la Ville dit consacrer chaque année au logement social, la moitié sert à acheter des logements privés, en général occupés. Cela pousse à la hausse des prix qui n’en ont vraiment pas besoin. En additionnant ces achats aux ventes de logements du domaine privé de la Ville à ses propres bailleurs sociaux, les deux tiers de l’« effort » pour l’habitat social se font aujourd’hui sans créer un seul mètre carré supplémentaire ! À 2 700 logements par an, on construit moins que sous Jacques Chirac et Jean Tiberi. On a beaucoup reproché à Anne Hidalgo le fiasco Autolib’, mais elle héritait en l’occurrence d’un montage Shadok datant de l’ère Delanoë. Ce qui se passe en matière de logement me semble beaucoup plus grave. Il y a deux priorités à Paris, le logement et les transports. Il faut gérer ces questions à l’échelle métropolitaine, en se plongeant à fond dans les dossiers et en arrêtant les politiques gadgets. Les passages piétons arc-en-ciel, c’est joli, mais gay ou hétérosexuel, un jeune qui arrive à Paris a d’abord besoin de se loger.