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Sorcières autonomes : fermeture de la chasse ?


Sorcières autonomes : fermeture de la chasse ?

Charles Pasqua est formel : les « neuf de Tarnac », soupçonnés des sabotages de la SNCF, ne sont pas des terroristes !

A présent que la France entière, jusqu’au Pape de l’antiterrorisme, boycotte obstinément la superproduction hollywoodienne lancée le 11 novembre dernier par Michèle Alliot-Marie, et après que sept « terroristes sanguinaires » ont été déjà relâchés et mis sous contrôle judiciaire, l’entêtement du Parquet et du ministre de l’Intérieur à prolonger la détention d’Yldune L. et Julien C. semble chaque jour plus grotesque et plus irréel.

En un mois et demi, le retournement de l’opinion publique a été spectaculaire. J’entends d’abord qu’il a été considérable ; ensuite, que le bavardage mass-médiatique est demeuré fidèle à sa coutumière putasserie. Saison 1 : Les monstres de Tarnac. Saison 2 : Les médias auraient-ils dérapé ? Saison 3 : Touche pas à mon pote autonome ! Le revirement le plus délectable aura été cependant celui de Libé qui, après deux « une » infâmes, décide soudain de s’adonner à la tarnacophilie la plus débridée.

En un mois et demi, une trentaine de comités de soutien sont apparus en France et à l’étranger, à la suite de celui formé par les tenaces villageois de Tarnac. Une pétition pour leur libération a été signée par tous les grands noms de la pensée radicale (et même les plus petits). Pourtant, Yldune L. et Julien C. (dont je n’hésiterai pas à respecter ici fantaisistement l’anonymat) sont toujours en prison, depuis un mois et vingt jours, et on continue à leur témoigner tous les égards dus aux meilleurs fleurons du terrorisme, à commencer par la traditionnelle lampe-torche dans la gueule toutes les deux heures pour veiller « démokratiquement », comme dirait le poète, sur leur sommeil.

Le 11 décembre dernier, une conférence de presse a été organisée, regroupant des élus Verts, PC et PS. Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des Droits de l’Homme, y a fait une intervention remarquable, mais peu remarquée. La presse n’ayant pratiquement pas repris ses propos, il me semble utile de les reproduire ici largement, et ceci en dépit de mon absence notoire de penchants droits-de-l’hommistes, que vous confirmeront mes proches : « Des libertés constitutionnelles ont été violées. On a violé le secret de l’instruction et la présomption d’innocence. Tout cela, ce sont des garanties constitutionnelles de nos libertés, qui n’ont pas été respectées. Cela engage gravement la responsabilité des gouvernants de la République. La disproportion entre ce qu’on a fait croire pendant quelques jours et les faits réels est évidente. (…) Aucune vie n’a été mise en danger par ces actes, sauf peut-être celles de ceux qui les ont commis. Il n’y a pas eu l’ombre de quoi que ce soit qui ressemble à de la terreur vis-à-vis des populations civiles. Il y a une opération volontaire qui vise à qualifier de terrorisme des actes qui n’en sont pas. C’est une opération politique et elle dépasse ces cas individuels (…). Je voudrais attirer l’attention sur le chef de mise en examen : association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il y a des années que la Ligue des Droits de l’Homme dénonce cette qualification pénale comme étant en elle-même extrêmement dangereuse pour la démocratie. Elle est tellement large et tellement floue que nous sommes très nombreux à pouvoir éventuellement être mis en examen sous ce chef, parce que nous aurions éventuellement pris position pour les droits d’une personne qualifiée de terroriste ici ou là. Cela fait 22 ans, depuis 1986, que la France a un régime de lois d’exceptions, dites antiterroristes, que la Ligue des droits de l’homme dénonce et dont elle demande l’abrogation. Parce que seul le droit commun protège les libertés et que les régimes d’exception finissent par des pratiques d’exception, on le voit avec cette affaire. (…) Ces jeunes sont innocents pour une raison très simple : personne n’a prouvé leur culpabilité. La présomption d’innocence, ça veut dire cela. La question n’est pas de savoir si nous pensons qu’ils sont innocents ou pas : ils sont innocents. C’est ce que dit la Constitution française depuis le 26 août 1789. C’est à l’accusation de prouver qu’ils sont coupables. Ou alors nous ne sommes plus une démocratie, ou alors nous sommes tous présumés coupables, et c’est justement cela qu’on veut nous mettre dans la tête. (…) Je voudrais citer le Ministre allemand de l’intérieur, Monsieur Wolfgang Schäuble, qui a déclaré en septembre 2007 : « Pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faut traiter toute la population comme des terroristes potentiels. » C’est cela qui nous menace. »

Cette intervention, précieuse dans sa substance, ne vaut certes pas quant à sa forme la très cocasse chansonnette de la Parisienne Libérée sur le même sujet, intitulée Ultime Hyper Totale Gauche. L’humour est d’ailleurs le ton qu’ont privilégié les personnes remises en liberté qui ont parlé dans les médias, notamment dans l’excellente enquête vidéo en quatre volets réalisée par Mediapart, qui constitue le démontage le plus fouillé de cette affaire. Benjamin R. et Mathieu B. insistent l’un comme l’autre sur le comique et l’absurdité de la situation et refusent fermement d’être placés par les médias dans la sacro-sainte position de « victime ».

C’est d’ailleurs là que réside à mes yeux la plus grande urgence à la libération d’Yldune L. et Julien C. : ils ont subi la calomnie, la diabolisation et la prison antiterroriste, mais il est peut-être encore temps de les sauver du pire : l’onction abjecte du sentimentalisme kitsch, l’infect miel médiatique. Un seul mot d’ordre, camarades causeurs : libération immédiate avant tsunami compassionnel !



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