L’élection de Volodymyr Zelensky, 41 ans, à la présidence de l’Ukraine le 21 avril est plus importante qu’il n’y paraît. Son avènement peut tout changer dans le pays et redistribuer les cartes du jeu diplomatique en Europe.
C’est par les mots « tout devient possible » que l’acteur et humoriste Volodymyr Zelensky a résumé son élection avec 73 % des voix à la présidentielle ukrainienne. Sans présumer de ce qui se fera vraiment, cette phrase rappelle celle, si célèbre, du grand Richelieu : « La politique c’est l’art rendre possible ce qui est nécessaire. » Et, en effet, tout devient possible, ce qui ne signifie pas pour autant que tout ce qui est nécessaire se fera.
Zelensky, une défaite pour Merkel
Possible pour l’Ukraine d’abord. La population ukrainienne a mûri politiquement et elle veut, à la majorité sans égale des trois quarts, la paix, la fin de la pauvreté, le retour des libertés démocratiques, la fin de la corruption. A ceux qui objectent le manque d’expérience du nouveau président il suffira de répondre que son prédécesseur Petro Porochenko n’en avait pas lui non plus, et que celle qu’il a accumulée en 5 ans est celle du parti-pris de la guerre, du mépris des minorités, de la corruption, des milices néonazies et de la soumission internationale à l’Allemagne de Merkel et aux Etats-Unis d’Obama. D’ailleurs, Angela Merkel avait reçu la semaine dernière Petro Porochenko mais pas Volodymir Zelensky qu’Yves Le Drian avait recommandé de recevoir à Paris.
Certes, Zelensky n’aura politiquement les coudées franches avant six mois car, malencontreusement, le parlement ne sera élu qu’en octobre. Toutefois, c’est tout le « système Maïdan » qui s’effondre car le nouveau président (un russophone) a déjà annoncé vouloir relancer le processus de paix, c’est à dire les accords de Minsk, du protocole de 2014 à Minsk II de 2015.
A lire aussi: Ukraine: Maïdan, cinq ans après
Rappelons en l’essentiel : surveillance et vérification du cessez-le-feu par l’OSCE avec libération rapide des prisonniers et amnistie ; décentralisation des pouvoirs, fédéralisation surtout à l’est russophone mais aussi à l’ouest (Carpates); dialogue national et élections régionales. A peine ces accords signés, Porochenko avait récusé le fédéralisme, refusé de discuter avec les « républiques du Donbass » et avait continué, voire augmenté, les actes de guerre.
La France a un rôle essentiel à tenir car l’Allemagne, nain militaire, s’est discrédité en soutenant Porochenko jusqu’au bout. Et elle paiera encore longtemps, diplomatiquement et dans les mémoires d’Europe centrale, ses atrocités en Ukraine durant la Seconde Guerre mondiale.
A juste titre, les représentants des « républiques » de Donetsk et de Lougantsk estiment, eux, que la constitution de l’Ukraine devrait être modifiée et que le pays doit changer. Et il est vrai que, outre la guerre qui leur a été faite, Kiev avait refusé de payer les salaires des fonctionnaires, les retraites, les soins médicaux et de laisser ces populations parler leur langue maternelle (le russe) et de participer aux scrutins.
Une autre Ukraine c’est une autre Europe
Mais tout deviendra aussi possible pour l’Europe – la vraie, la grande Europe – au moment où Bruxelles se racornit et où Trump est enfin en situation de pouvoir faire ce qu’il avait promis dans son programme. Et cela coïncide avec l’abaissement politique et économique imminent de l’Allemagne, le Brexit, les lames de fond démocratiques en France, Pologne, République tchèque, Hongrie, Autriche, Italie, Finlande, Espagne, et dans tous les pays d’Europe. Aux Etats-Unis, l’enquête russe est un fiasco et Trump en ressort plus fort, avec la palme du martyr et les lauriers de ses succès économiques. De plus, il ne veut plus du fardeau financier et politique de l’Otan, qu’il juge périmée et coûteuse, et donc n’imagine certainement pas y faire entrer l’Ukraine. Ce qui fut un quasi casus belli pour les Russes.
A lire aussi: Et à la fin, c’est encore Donald Trump qui gagne
Une grande conférence sur la paix et le développement de la grande Europe pourra enfin avoir lieu. Les sujets géopolitiques seraient les infections chroniques de Chypre et de Transnistrie. Voire du Monténégro, du Kosovo, de la Macédoine. Mais les grands sujets seront l’Ukraine et la Moldavie. La Moldavie, qui a un beau potentiel agricole, a vocation à rejoindre l’Union européenne (UE) et ses frères roumains. L’Ukraine ne rentrera ni dans l’UE ni dans l’Otan. Territoire potentiellement riche et plus étendu que la France métropolitaine, il faudra lui trouver un statut de pays d’osmose dans la grande future coopération euro-russe : on devra imaginer un vaste traité de coopération entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est (Ukraine, Biélorussie, Russie). Plutôt que de laisser partir, à contre cœur, l’immense Russie vers la Chine de l’accord de Shanghaï, qu’elle n’aime pas et dont elle redoute les multitudes.
Vers une deuxième Union européenne ?
Il sera alors indispensable et grand temps de tirer les conséquences de l’échec du système de Bruxelles et de penser la deuxième Union européenne autour de quelques principes simples et forts.
– Tous les pays d’Europe occidentale devront en faire partie, sans exclusion.
– Toute l’Europe sera pacifiée et les armes atomiques ou les manœuvres militaires ne devront plus viser les Européens entre eux.
– Les nations retrouveront les choix démocratiques de leurs destinées ; le Parlement européen dans sa forme actuelle sera remplacé par un « Parlement des parlements » où siégeront des représentants des parlements nationaux.
– La Commission bruxelloise sera remplacée par des groupes de liaison intergouvernementaux conduisant de grands projets industriels et de recherche.
– Les « acquis du droit communautaire » seront transitoirement maintenus, mais l’accent sera mis sur le droit transfrontalier appliqué par des tribunaux transfrontaliers.
– Les revenus perçus dans un pays seront imposés dans ce pays.
– L’économie sera remise au service des nations et plus l’inverse. Il conviendra de s’inspirer des remises en cause de l’OMC par Donald Trump et d’en finir avec la finance spéculative.
– Quant à l’écologie, elle s’intéressera enfin aux transports mondiaux : kérosène, porte-conteneurs, « route de la soie », qui détruisent l’air et l’emploi ; et à la pollution atmosphérique venue d’Allemagne. Tout ce que les Verts ont été inaptes à penser.
Qu'est-ce qu'une nation en Europe? - hier, aujourd'hui, demain
Price: 8,90 €
6 used & new available from 4,03 €
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !