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Le porno pour ceux qui aiment celles que n’aime pas Yann Moix

Les hommes plébiscitent les actrices "milf" comme Nina Hartley


Le porno pour ceux qui aiment celles que n’aime pas Yann Moix
L'actrice pornographique Nina Hartley ©Tony Blei

Yann Moix confie son incapacité à désirer le corps d’une femme de 50 ans. Pourtant, de belles et affriolantes vétérans du porno quinquas, voire sexagénaires, affolent les compteurs des sites pour adultes. À dada sur ma cougar! 


N’est pas Nabokov qui veut. Aimer les filles asiatiques de 25 ans ne fera pas entrer Yann Moix dans l’histoire de la littérature mondiale. Les quinze minutes de gloire dont bénéficie l’auteur de l’aveu sur son incapacité d’aimer les femmes de son âge, autrement dit aux alentours d’un demi-siècle, témoignent tout au plus de ce qu’il conviendrait de qualifier de « démocratisation » du scandale ou de son « nivellement par le bas ». Il suffit désormais d’un écart pas plus épais qu’un poil, du politiquement correct lustré à la pommade Metoo, pour être sûr de faire japper les réseaux sociaux et d’inspirer à quelques dames indignées une tribune dans un grand quotidien national. Plus triste encore, Yann Moix ne s’écarte même pas de l’insipide moyenne de ces hommes qui ne savent pas quoi faire d’une femme, une vraie, et trouvent le seul épanouissement accessible sous les mini modèles trapèze censés donner forme aux corps androgynes de beautés Made in China à peine pubères. Laissons le faux subversif à ses passions convenues. Comme disait Woody Allen : Whatever Works. Yann Moix a autant le droit d’aimer les filles, que les utilisateurs de sites pornographiques l’ont de plébisciter les femmes. Et plutôt que de se formaliser sur la muflerie de l’ex-chroniqueur d’ « On n’est pas couché », rendons hommage aux furies quinqua qui explosent leurs cotes de popularité chez le public du site Pornhub, autant dire auprès de 100 millions de visiteurs par jour.

Les hommes préfèrent les milf

Le site anglophone de vidéos pornographiques Pornhub, ainsi que son site « ami », YouPorn, gérés tous les deux par la même société, MindGeek, dispose, conformément à sa position de leader mondial de partage de vidéos en ligne, des outils permettant d’estimer les préférences de ses utilisateurs. Et les résultats sont sans appel. Selon le rapport publié par le site concernant les mots-clés les plus recherchés en 2017, les hommes sollicitent en premier lieu les « milf » (initiales de « mother I’d like to fuck », comprenez « mère que j’aimerais baiser »), avant les « hentaï », en d’autres termes les dessins animés pornographiques japonais, et les « step mom » (« belle-mère » au sens, cette fois-ci, de seconde femme du père). Les catégories « lesbiennes » et « ados » apparaissent à la dernière place. Si les mots-clés « Japanese » et « Korean » comptent parmi les plus introduits dans le moteur de recherche, c’est principalement en raison d’une très forte demande venant du Japon et des Philippines. Le rapport prouve qu’en règle générale, les hommes ont une nette préférence pour les femmes dont ils partagent la langue. C’est ainsi que les Italiens cherchent les vidéos « amatoriale italiano », les Indiens « indian HD sex », les Sud-Africains « ebony » et ainsi de suite. Bref, on consomme local. Une attitude d’autant plus louable que ce n’est pas pour écouter des dialogues très élaborés qu’on s’adonne au plaisir de visionner des films de cul.

Le cul de Nina Hartley

Et le cul le plus fabuleux et des plus appréciable – n’en déplaise à Yann Moix qui qualifie les femmes de 50 ans d’« invisibles », témoignant au premier chef de sa propre cécité érotique –, eh bien, ce cul roi, appartient à n’en pas douter à Nina Hartley, légende non seulement vivante mais toujours active de l’industrie porno. Ah, Nina… Voyez par vous-même, mais si on la prénomme « Bubble Butt » (« fesses rebondies », en bon français), aujourd’hui comme à ses débuts éclatants dans les années 1980, ce n’est pas sans raison, croyez-le.

A lire aussi: Yann Moix: pourquoi combattre la banalité du mâle?

Né en 1959, le cul de Nina a ceci de particulier qu’il sourit et folichonne, à croire qu’il sert d’incarnation aux propos de sa propriétaire quand elle dit en s’adressant aux femmes : « Le sexe n’est pas quelque chose que les hommes vous font. Le sexe est quelque chose dans lequel vous plongez avec enthousiasme et dont vous appréciez chaque instant, tout autant qu’eux. » On peut supposer que la blonde espiègle n’a pas eu affaire à l’atonie des écrivains français de 50 ans et plus, pour ne pas citer les deux grands noms de cette rentrée littéraire, dont on peine à imaginer l’aptitude à s’enthousiasmer pour quoi que ce soit, en particulier pour le sexe, tant il est vrai que le rapport passionnel à la vie, on l’a ou on ne l’a pas, mais on ne peut sûrement pas l’avoir dans un domaine et pas dans un autre. D’ailleurs, il en va de même avec les femmes : soit on les aime, les grosses, les moches, les mal-foutues, les périmées, soit on ne les aime pas. Il ne s’agit pas de taire ou de réprimer ses préférences. Il s’agit d’une attitude globale, d’une forme de galanterie aussi, à faire sentir à un laideron pour lequel on n’éprouve aucune attirance qu’elle existe et dispose même d’un certain potentiel de séduction, fût-il plus que limité en réalité.

50 ans de sollicitude

En soi, Yann Moix n’a pas tort : 50 ans semble un âge atroce pour une femme, celui des retouches coûteuses et parfois contestables, ou du renoncement qui prend l’allure d’un lent voyage vers la mort. Reste que, contrairement à ce qu’affirme l’auteur cathodique, d’une part toute vérité n’est pas forcément bonne à dire et, de l’autre, qu’en faire ? La sagesse de Nina Hartley réside précisément dans sa capacité à prendre et donner du plaisir indépendamment du fait que son corps se transforme, que l’Occident décline et que le vide spirituel nous absorbe. Femme engagée dans de nombreux programmes éducatifs et initiatives visant à rendre le porno plus éthique, notamment à l’égard des actrices, elle sait passer outre le désastre sans pour autant l’ignorer. Ainsi, à ceux qui souffrent de dépression saisonnière, chronique, existentielle, voire du sentiment de déréliction, on conseillera de visionner un film avec Nina plutôt que de lire Rompre ou Sérotonine.

A lire: Femmes de tous âges, fuyez-Moix!

Les plus téméraires trouverons, via Pornhub, les liens virtuels vers les pages de Gillian Young, alias Lady Sonia, à qui six décennies passées ici-bas n’empêchent pas d’empoigner l’âme d’un homme à deux mains pour lui faire atteindre le nirvana trois coups de reins plus tard, le tout avec le sourire aux lèvres, dont on se contrefiche par ailleurs qu’elles soient remplies d’acide hyaluronique. Il y a dans sa rage frivole de jouir de ce qui reste encore de la vie une beauté inégalée. Gillian Young (sic !) porte bien son nom. Comme Nina Hartley, Amber Lynn, Barbara Dare, et tant d’autres femmes de la même génération, souvent anonymes, elle oppose à la performance des bimbos extrême-orientales cette extraordinaire faculté de ne pas prendre le sexe trop au sérieux, ce qui vient avec l’âge. Pas de doute. La clé secrète du septième ciel pend au cou légèrement relâché des femmes « invisibles ». Et les hommes qui aiment les femmes l’ont bien compris.

Février 2019 - Causeur #65

Article extrait du Magazine Causeur




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Paulina Dalmayer est journaliste et travaille dans l'édition.

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