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LREM prend ses précautions et vote l’interdiction de la fessée

Pas sûr que les gilets jaunes retiennent la leçon...


LREM prend ses précautions et vote l’interdiction de la fessée
Le conseil des ministres s'est tenu à Charleville-Mézières le 7 novembre 2018. SIPA. 00883347_000012

Dans la nuit du 27 au 28 novembre, l’Assemblée nationale a voté une proposition de loi qui souhaite interdire « les violences éducatives ordinaires », en clair la fessée. Pas sûr que les gilets jaunes retiennent la leçon…


L’histoire retiendra peut-être que la semaine où le mouvement des gilets jaunes apparut pour ce qu’il était, une insurrection qui ne demande qu’à se muer en révolution, les députés macronistes délibéraient à l’Assemblée de l’interdiction de la fessée, avant de la voter.

C’est très noble, de vouloir interdire la fessée. Si ça se trouve, un parlementaire de la majorité, pour montrer à quel point il était moderne et respectueux des sexualités alternatives, a pensé à déposer un amendement qui dit en substance : « Interdire la fessée, oui, sauf entre adultes consentants. » Et ses collègues godillots ont voté l’amendement en se félicitant mutuellement de leur ouverture d’esprit, de leur modernité, de leur tolérance.

La fessée, c’est quelque chose qui peut toujours arriver

On s’apprêtait même, comme c’est l’habitude chez les élus de Jupiter qui sont habitués à faire la tournée des popotes médiatiques complaisantes, à distribuer les éléments de langage sur l’interdiction de la fessée : « avancée décisive dans les droits de l’enfants, rupture avec l’archaïsme des châtiments corporels encore trop utilisés par des parents qui ne sont rien, qui ne se bougent même pas les miches pour aller de l’autre côté de la rue trouver un job, qui fument des clopes et roulent au diesel. »

Bon, finalement, ils ont peut-être bien fait de la voter la loi, du côté de La République en marche, parce que la fessée, métaphorique ou non, c’est quelque chose qui peut toujours arriver surtout quand on s’obstine à vouloir faire de la « pédagogie » à des gens qui survivent plutôt que de leur dire : « Ok, on a compris. On reprend tout à zéro. Excusez-nous. On pensait sincèrement que ça allait passer, notre politique qui consiste à faire peser sur les pauvres les efforts pour que les riches soient encore plus riches, histoire qu’ils relancent l’économie. C’est pour ça, par exemple, qu’on est désolé, alors que vous aviez déjà commencé à manifester pour demander un smic à 1800 euros et un minimum vieillesse à 1200, et qu’on vous disait que c’était impossible, qu’on a trouvé le temps, outre d’interdire la fessée, de faire passer un amendement le 20 novembre permettant aux traders londoniens angoissés par le Brexit et autres cadres s’installant en France de bénéficier d’une exonération fiscale, une de plus. »

Une histoire de la violence

Sincèrement, je les plains, du côté de La République en marche, et je plains même le premier d’entre eux qui, malgré le courage qu’il a eu en se rendant dimanche dans le quartier sensible de l’avenue Kléber jonchée par des voitures incendiées (Jaguars hors d’âge, Porsche Cayenne tremblant à l’idée d’un contrôle technique), s’est fait huer par des cailleras du VIIIème.

Quel discours tenir aux gens quand les éléments de langage apparaissent pour ce qu’ils sont, un enfumage qui n’abuse plus personne ? C’est simple : éluder le sujet et accuser les casseurs, et les Insoumis ou le RN, d’entretenir un climat de guerre civile et d’excuser la violence.

Emmanuel Todd, invité dans L’Emission spéciale de la 2, dimanche soir, a un peu surpris tout le monde, y compris l’insoumis François Ruffin, en mettant cette violence en perspective : pour lui, cette violence spectaculaire n’était que le concentré de la violence diffuse, constante à laquelle sont soumis les Français dans une société macronisée : précarité constante, néomanagement arrogant, chômage utilisé comme moyen de pression pour faire accepter n’importe quoi.

Et il est vrai que brûler une voiture, lancer un cocktail Molotov ou même prendre l’Arc de Triomphe, finalement, c’est infiniment moins violent que de supprimer l’ISF en début de mandat tout en réduisant les APL, que de s’obstiner à ne pas vouloir taxer les GAFA, renationaliser les péages, récupérer les 80 milliards d’euros de l’évasion fiscale mais augmenter la CSG des retraités et faire exploser les taxes sur les produits de premières nécessité, bref tout ce qui consiste à transformer des vies de travailleurs en vie de travailleurs pauvres, cette invention du capitalisme tardif. Une vie pour tout dire qui n’en est plus une, sans loisirs, sans vacances, sans la multitude de ces petits bonheurs qui pouvaient encore un peu faire accepter de bosser sans même avoir son mot à dire, pourtant, sur les choix de l’entreprise ou même, pourquoi pas, bosser en la cogérant, cette entreprise. La voilà, la vraie violence.

Alors on pourra toujours objecter que ce qui s’est passé dans la rue est inexcusable, et  nous rappellerons cette évidence partagée par la police et les Black blocs : c’est toujours un gouvernement qui fixe le degré de violence d’une manifestation par le dispositif qu’il choisit de mettre en place. Il en est donc responsable.

Ou alors, c’est de l’incompétence.



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