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Dominique Sanda: « Maria Schneider était vulnérable »

L'actrice devait initialement jouer à sa place dans "Le Dernier tango à Paris"


Dominique Sanda: « Maria Schneider était vulnérable »
Dominique Sanda sur le tournage de "Sans Mobile apparent" de Philippe Labro, 1970. SIPA. 00267261_000004

Vanessa Schneider consacre un livre à sa cousine, l’actrice Maria Schneider, dont le rôle dans le sulfureux film de Bernardo Bertolucci, Le dernier tango à Paris, la rendit célèbre et la détruisit en même temps. On ne retient du reste que ce rôle-là, alors que Maria a tourné dans de nombreux longs-métrages, notamment dans Profession : reporter,  de Michelangelo Antonioni. Elle y apparaît diaphane face à Jack Nicholson, toujours aussi inquiétant depuis Easy Rider. Comme l’écrit Vanessa Schneider, dans Tu t’appelais Maria Schneider, Profession : reporter parle de mensonge, d’identité, « de qui l’on est vraiment, de la tentation universelle de quitter sa vie pour une autre ».

Le rôle principal féminin dans Le dernier tango à Paris fut initialement proposé à Dominique Sanda. Aujourd’hui l’actrice ne tourne quasiment plus et s’est retirée en Argentine. « Le cinéma, dit-elle, c’est beau, mais la vie est encore plus belle. » Prix d’interprétation à Cannes en 1976 pour L’Héritage, de Mario Bolognini, avec le massif Anthony Quinn, elle débuta sa carrière dans le film de Robert Bresson, Une femme douce. Agée de seize ans à peine, elle avait été engagée pour sa voix que Bresson avait trouvée irrésistible au téléphone. Peu après, cette belle blonde aux yeux clairs, à la fois fragile et déterminée, partit pour l’Italie, où elle joua dans Le Conformiste de Bertolucci. J’ai demandé à Dominique Sanda pourquoi elle avait refusé de tourner dans Le dernier Tango à Paris. Voici sa réponse qui, naturellement, l’amena à évoquer la personnalité tourmentée de Maria Schneider :

« Après le film Le Conformiste, il était tout naturel d’envisager une autre histoire, un sujet pour un prochain film de Bernardo Bertolucci. C’est ainsi qu’au cours d’un dîner en tête à tête avec Bernardo à « La Méditerranée » place de l’Odéon, nous inventâmes ce qui deviendra par la suite le fameux Dernier tango à Paris.

Un huis-clos entre deux acteurs qui se connaissaient déjà : Jean-louis Trintignant et moi-même, l’histoire d’une passion. Un peu avant et dans cette même période, j’avais fait la connaissance de Maria Schneider et nous nous étions liées d’amitié. Maria rêvait de devenir une actrice et elle fréquentait d’ailleurs déjà Brigitte Bardot et Nathalie Delon dont elle me parlait volontiers. Un jour, Bernardo, de passage à Paris, fit une première rencontre de Maria chez moi, avenue de Tourville. Pendant tout ce temps, le projet du film continuait son bonhomme de chemin. 

J’aurais aimé que Maria ne souffre pas outre mesure de cette expérience

Un peu plus tard, je faisais la connaissance de Christian Marquand qui revenait des Etats-Unis désenchanté après l’échec de son film Candy. Ce furent d’ailleurs Jean-Louis Trintignant et sa femme Nadine Marquand, l’une des sœurs de Christian, qui me le présentèrent un soir au Club 13 chez Claude Lelouch.

J’allais justement signer un contrat avec President Films qui allait produire un film tiré d’un polar signé Ed Mc Bain, de son vrai nom Salvatore Lombino, Ten Plus One, qui s’intitula finalement Sans mobile apparent, mis en scène par Philippe Labro.

Nous partions pour le tournage à Nice dans ce beau midi où Christian et moi restâmes après le film pour habiter une petite maison prêtée par des cousins de la famille Marquand, dans les vignes de l’arrière pays.

Le scénario du Dernier tango à Paris fut envoyé aux acteurs. Et là, tout se compliqua : Jean-Louis ne fut pas d’accord pour accepter de tourner des scènes intimes, il trouvait que l’histoire était trop érotique. Déconcerté, dérouté, Bernardo s’adressa alors à Marlon Brando qui accepta. Quand Bernardo revint vers moi avec cette nouvelle, j’en avais une très importante à lui communiquer : j’étais enceinte de mon fils Yann. C’est alors que Bernardo, fort d’avoir captivé une immense vedette pour son personnage masculin, pris la décision d’avancer sans attendre. Une façon pour moi de tirer mon épingle du jeu.

Bernardo se rappela de la petite Maria qu’il avait croisée chez moi. J’aurais aimé que Maria ne souffre pas outre mesure de cette expérience, qu’elle trouve la force en elle-même de ne pas se faire abuser par le monde du sexe opposé.

Devant la faiblesse, il est sage d’agir avec précaution

L’affaire était délicate et Maria vulnérable, animée de forces opposées, se sentit trahie, abusée, pendant le tournage en particulier avec cette scène du beurre et perdit son équilibre. Personne pour la sauver d’elle même, cette jeune femme fragilisée au départ de sa vie par le manque d’une reconnaissance paternelle. Seule. La solitude qu’on porte tous. Certains savent l’apprivoiser et d’autres s’écroulent. Ce fut son cas. 

Devant la faiblesse, il est sage d’agir avec précaution, avec subtilité et surtout avec tendresse. J’insiste, Maria était vulnérable. Qui s’approchait d’elle pouvait le percevoir à simple vue. C’est la conscience de chacun qui dicte la conduite à suivre vis à vis d’un être fragile. Car notre vraie solitude est finalement notre propre conscience. C’est là que nous sommes totalement nous-même. »

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Pascal Louvrier est écrivain. Dernier ouvrage paru: « Philippe Sollers entre les lignes. » Le Passeur Editeur.

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