Condamnée à mort pour blasphème en 2010, Asia Bibi, une chrétienne pakistanaise, attend la décision finale de la Cour suprême du Pakistan. En attendant, des islamistes défilent pour la faire exécuter…
Accusée de blasphème en 2009 pour un motif ubuesque, condamnée à mort en 2010, Asia Bibi attend depuis huit ans. Deux de ses défenseurs, Salman Taseer et Shahbaz Bhatti, ont déjà payé de leur vie le soutien qu’ils lui ont apporté, assassinés l’un et l’autre par des islamistes. Inutile de dire que les professionnels de l’indignation occidentaux sont loin d’avoir leur courage.
Les vrais blasphémateurs sont ailleurs
Asia espère maintenant qu’une lueur d’humanité et de bon sens guidera la Cour suprême du Pakistan, qui doit rendre prochainement sa décision, tandis que les islamistes manifestent pour exiger sa mise à mort.
Quelle image de leur dieu ont-ils, ceux qui croient défendre son honneur par l’horreur ? Quelle image de leur dieu ont-ils, ceux qui ne voient pas que tuer Asia Bibi en son nom revient à le traiter de monstre ? Quelle image de leur dieu ont-ils, ceux qui croient qu’il s’offusque de textes et de dessins mais se réjouit que l’on exécute une femme pour une simple parole, ou pour un simple geste ?
Je les entends, ceux qui veulent interdire toute critique de leurs cultes ou de leurs convictions, j’entends leur indécence, j’entends leur arrogance et j’entends leur peur : c’est parce qu’ils se sentent incapables d’argumenter qu’ils veulent imposer le silence. Et ils ne comprennent pas qu’en agissant ainsi ils rendent la critique presque inutile : leurs actes suffisent à rendre leurs croyances odieuses, et à démontrer que leurs dogmes sont ignobles. Je les vois, ceux qui sont fiers de faire défiler leurs enfants en première ligne pour exiger la mort d’une innocente. Ce qu’ils font à leurs propres enfants est immonde. Ce sont eux les vrais blasphémateurs, les impies, ceux qui piétinent la dignité humaine et crachent au visage du divin.
Les religions doivent défendre le droit au blasphème
Alors que les croyants sincères se soulèvent ! Que chacun défende le droit de tous de critiquer sa religion, et de ne pas se plier à ses tabous ! D’en rire et d’en débattre ! Seule l’exemplarité sera crédible.
N’oublions pas : toute opinion est blessante pour quelqu’un, quelque part. Toute religion est un blasphème pour d’autres religions. La susceptibilité n’est pas une vertu, le refus de la critique n’est pas une marque de dignité.
L’État doit garantir la liberté de pensée, la liberté de conscience et la liberté d’expression sans laquelle les deux précédentes ne sont que des chimères. Cela veut dire le droit à l’apostasie, cela veut dire le droit au blasphème.
L’État doit les garantir, mais les religions doivent les défendre sans ambiguïté et sans relâche. Sinon elles ne sont que des sectes malfaisantes, et tout ce qu’elles enseignent au sujet de leurs « dieux » c’est qu’elles ne les voient pas comme des dieux dignes de ce nom, mais comme des despotes capricieux et vaniteux.
Pour ma part en tout cas, j’aimerais bien mieux que les hommes disent de moi que Plutarque n’existe pas et n’a jamais existé, plutôt que de les entendre dire : « Ce Plutarque est un homme inconstant et versatile, enclin à la colère, vindicatif au moindre sujet, s’affligeant pour un rien. Si tu invites d’autres personnes à dîner, mais le laisses lui de côté, si tu es pris par tes occupations et ne te présentes pas à sa porte ou omets de le saluer, il dévorera ta chair à belles dents, ou saisira ton petit enfant et le battra à mort, ou lâchera quelque bête sauvage sur tes récoltes pour ravager les fruits mûrs ! » (Plutarque, De la superstition, fin du 1er siècle)
Vous les croyants, croyez-vous vos dieux moins vertueux ou moins sages que l’ancien prêtre d’Apollon ?
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