Il y a quelques jours, je publie sur Quinquagenius et +, mon groupe Facebook pour les plus de 50 ans, une vidéo de France info relatant le retour de manivelle subi par Asia Argento, l’une des accusatrices de Weinstein, accusée à son tour de viol et harcèlement sexuel par un jeune acteur.
Mes films témoignent de mon engagement contre les violences faites aux femmes, mais je déteste certaines facettes de #meetoo : celle qui dénonce sans preuve et jette en pâture des noms au bon peuple, celle qui peopolise les victimes autant que les coupables, transformant en héroïnes des privilégiées pendant que les caissières continuent de se prendre des mains au cul sans avoir jamais les faveurs des paparazzis.
De plus, la posture grandiloquente et théâtrale d’Asia, poing levé face aux photographes, genre « Je suis le Jean Moulin du féminisme, mais depuis deux semaines seulement. Avant, je pouvais pas j’avais poney », m’a passablement agacé.
Alors je pimente ma vidéo avec un brin de mauvais esprit : « C’est ballot ça… “Quand on monte à l’arbre, il faut avoir le cul propre”, ce qui en Bretagne se dit “Quand on monte au mât de cocagne, il faut avoir les braies nettes”. »
Et là, c’est le drame ! Une dame, que nous nommerons JM, me rappelle immédiatement à l’ordre : « Vous acceptez l’utilisation de documents anonymes pour accuser les gens, elle a démenti ! Ce charmant jeune homme poursuit aussi sa famille. Il serait bien qu’il s’exprime, la police américaine souhaite le rencontrer pour son coup en douce.
Vous remarquerez que celle qui monte au créneau emploie comme premier argument « elle a démenti ».
Les hommes mentent lorsqu’ils démentent, mais les femmes qui démentent sont innocentes. C’est dément non ?
JPL : « Elle a démenti, Weinstein a démenti, Kevin Spacey a démenti, Gilbert Rozon a démenti… c’est bien là le revers de #meetoo. On jette en pâture des noms. Ensuite vrai ou faux, allez savoir. Je ne doute pas que Wenstein était un porc. Mais je ne sais pas ce qui s’est précisément passé avec Asia Argento. »
JM : « Les noms n’ont pas été jetés en pâture, les faits ont été révélés, c’est différent. »
Depuis Daech, je me méfie de tout ce qui est révélé… Lorsqu’on dénonce un homme, on révèle. Lorsqu’une femme est dénoncée, on la diffame. Parité ?
JM : « Les femmes ont eu elles des couilles : les rares qui ont communiqué le nom de leurs agresseurs ont dénoncé, nominativement, elles n’ont pas utilisé l’anonymat, elles, pour balancer leurs infos à la presse. Interrogez-vous sur l’ampleur de ces violences au lieu de pleurer sur Weinstein et ce lâche de Bennet. Bonne journée. »
À retenir :
Désigner le courage par le mot « couilles » est pour toute militante féministe qui se respecte une expression horriblement machiste. Sauf si la personne qui l’emploie en est dépourvue. Par exemple, si un castrat dit : « J’ai des couilles », n’allez pas croire que ça aurait miraculeusement repoussé ! Cela veut juste dire que ce n’est pas parce qu’il n’en a plus… qu’il n’en a pas.
Ensuite, si l’on « balance » des infos à la presse à visage découvert, on dit forcément la vérité. Il est de notoriété publique qu’aucun homme politique, par exemple, n’a jamais menti à un journaliste.
Enfin, j’ai beau avoir écrit que je ne doutais pas que Weinstein soit un porc, la dame veut absolument croire que je le défends. Ce qui est bien excusable ! Comment serait-elle l’Olympe de Gouges du féminisme 2.0 si elle ne combattait qu’un homme mesuré au lieu d’un presque criminel qui prend la défense d’une ordure ?
JM : « Envoyer des photos de soi provocatrices à une personne qui vous aurait violé est une démarche inédite… »
JPL : « Donner de l’argent à quelqu’un qui vous envoie des photos provocatrices qui vous déplaisent est assez inédit aussi… Aux États-Unis la notion de viol sur mineur n’est pas du tout la même qu’en France. Ce qu’on appelle “statutory rape” peut être une relation consentie entre un adulte (à partir de 18 ans révolus) et un mineur, même s’il a 17 ans et 11 mois. Au regard de la loi américaine, Asia Argento est donc coupable votre honneur…[smiley qui sourit] »
JM : « Il la harcelait ! Elle lui demandait d’arrêter de lui adresser des photos de lui à poil. »
JPL : « Vous avez vu ces photos ? Si oui, envoyez-les-moi, je fais collec… »
JM : « Mon petit doigt me dit qu’il sera lui aussi bientôt dans la tourmente. La police américaine s’étonne de n’avoir aucun retour de sa part. »
JPL : « De la part de votre petit doigt ? [smiley qui sourit] »
C’est ici qu’un homme méritant et militant me remet à ma place : « Jean-Paul Lilienfeld ! Le sujet est devenu drôle depuis tout à l’heure ?! »
Oups ! « Faut vous dire, Monsieur / Que chez ces gens-là / On n’rit pas, Monsieur / On n’rit pas. » On sauve le monde ! J’avais déjà observé cela lors de dialogues avec des « insoumis » hystériques. La « cause » ne saurait tolérer autre chose qu’une vertueuse indignation, quelques larmes éventuellement, mais un sourire… vade retro !
Requinquée, Jeanne Mouline peut donc réattaquer : « Rozon, Weinstein sont des prédateurs, tout le monde le sait ! »
JPL : « Ah bon ? “Tout le monde le sait” ? Vous savez ça comment, vous ? Vous avez assisté à des choses ? Avec les deux en plus ? Un plan à trois ? Roooo !!! Vous êtes dans tous les bons coups vous !
C’est précisément ce genre de phrases que je trouve épouvantable, parce qu’en réalité vous ne savez rien justement. À part des rumeurs que vous avez lues, entendues. Quand Bennet poste un selfie avec Argento, ça fait de lui un suspect pour vous. Mais les actrices qui ont posé souriantes avec Wenstein et le dénoncent aujourd’hui sont toutes des victimes ?
Curieux…
Je suis certain qu’il y a des victimes de Weinstein parmi elles, mais aussi certain qu’il y a des opportunistes qui cherchent le buzz et l’argent, exactement comme Bennet. »
La dame ne m’a jamais répondu. Elle a quitté le groupe et m’a retiré de la liste de ses amis. Que je ne sois pas supporter inconditionnel a probablement été pour elle une grande déception.
Je n’ai pas eu le temps de lui révéler que parmi les actrices que j’ai vues dénoncer Weinstein à la télé, une m’avait « entrepris » d’une manière plus qu’ambiguë dans un festival après le succès de la Journée de la jupe. Ses yeux criaient « braguette », mais j’entendais « donne-moi un rôle ».
Pas eu le temps non plus de lui raconter la fois ou une autre actrice, qui a pris d’héroïques positions contre Harvey dans la presse, avait appelé le monstre devant moi quelques années plus tôt, pour lui demander un service. Et bien d’autres anecdotes qui me conduisent à la prudence concernant ce hashtag. Parce que pendant qu’une actrice (journaliste, chanteuse…) un peu inconnue, à qui un gros lourd avait dit avec concupiscence qu’elle avait « de gros nichons », connaissait une gloire éphémère en appelant l’imbécile « mon bourreau », il n’y avait toujours personne pour aller interviewer les caissières cédant aux avances des chefs de rayon par peur de perdre le seul revenu du foyer monoparental… Aucune secrétaire meurtrie retirant ses lunettes de soleil pour le photo call. Pas de femme de ménage ayant appris à travailler sans jamais tourner le dos…