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Meurtre de Vanesa Campos: où est passée la République LGBT?

Médias et politiques se désintéressent de la souffrance des trans


Meurtre de Vanesa Campos: où est passée la République LGBT?
Hommage à Vanesa Campos, bois de Boulogne, Paris, août 2018. ©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Le meurtre de Vanesa Campos, une trans prostituée sans-papier, en plein bois de Boulogne ne provoque pas l’émoi médiatico-politique qu’il mériterait.


Vanesa Campos a été assassinée au bois de Boulogne, dans la nuit du 16 au 17 août dernier. Pour quelles raisons ? C’était une pute, une trans, une pédale, une Péruvienne, tout ça à la fois. Selon Le Parisien, « une petite dizaine d’hommes, armés de cutters, de couteaux, de bâtons et d’une arme de poing, s’est acharnée sur elle ». D’après l’autopsie, Vanesa a été achevée d’une balle au thorax.

Une loi contre les prostitués

Cela fait déjà trois ans, révèle un reportage du magazine Têtu, qu’une bande de sauvages vient agresser les clients du bois de Boulogne pour les dépouiller. Certains de ces homophobes auraient aussi obligé les collègues de Vanesa à se faire prendre sans préservatif. Jusqu’au jour où Vanesa sera finalement encerclée par huit gars et retrouvée morte à 36 ans. C’est un ancien client de la belle, un « salaud » de mâle consommateur de sexe tarifé, qui a alerté la police. Quelques « jeunes », les véritables salauds eux, infligeaient les pires supplices à la travailleuse du sexe. Cette dernière avait débarqué en France il y a deux ans. Quelques mois seulement après l’adoption, le 13 mars 2016, de la loi de pénalisation des clients de la prostitution. Celle dont les premières concernées  dressent « un bilan alarmant », nous dit le JDD. Elles se sentent victimes de la loi promue par Najat Vallaud-Belkacem, l’amie des femmes (et des trans). Aujourd’hui, près de neuf prostitués sur dix seraient contre.

« Si un gay du Marais avait été agressé, il y aurait eu une réaction »

Comme nombre de ses consœurs péruviennes du bois de Boulogne, Vanesa Campos était sans-papier. D’après le quotidien Libération, elle envoyait une partie de l’argent de ses passes à sa mère pour que cette dernière fasse construire une maison. Curieusement, on n’a guère entendu les associations de défense de sans-papier soutenir les Vanesa ces derniers temps. Vanesa ne rentrait-elle pas dans les cases du « bon migrant » ? Vanesa ne venait ni de Libye, ni d’Afghanistan, pas même de Syrie. Elle n’est pas arrivée chez nous en coquille de noix, elle n’a pas connu les misères de l’Aquarius, cette bourgeoise est sans doute venue de Lima à Paris en avion. Depuis deux ans, elle se débrouillait. En tapinant, certes, et au noir. Sans doute ne reste-t-elle au fond qu’une pute, et son sort, comme celui de ses collègues, n’intéresse pas grand monde.

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Les médias ont évoqué le cas de Romain, comme ils l’appellent familièrement, un jeune gars tué par balle par un policier après avoir fui un contrôle routier. Régulièrement, Franceinfo en a parlé d’un ton touchant. En soi, rien à redire, Romain ne méritait pas ce sort. Mais le 27 août, la radio a évoqué, sans empathie, le meurtre de Vanesa Campos en fin de certains de ses flashs info. Quid des élus ? A la suite des exactions menées en mars dernier à Paris par une « brigade anti trav », Geoffroy Boulard, le maire du XVIIe arrondissement, s’était fendu sur Twitter d’un « je condamne fermement  !». Marlène Schiappa, elle, a finalement publié un communiqué dans lequel elle « adresse ses sincères condoléances ». « Si un gay du Marais avait été agressé, il y aurait eu une réaction », a quant à lui déploré Thierry Schaffauser, porte-parole du Syndicat du travail sexuel (Strass).

Va tapiner ailleurs si j’y suis

Le cas de Vanesa Campos n’est pas qu’un simple fait divers. C’est le résultat d’une République qui a voté le « mariage pour tous » sans se soucier un instant du sort des trans prostituées. Il y a cinq ans, l’agression d’un couple gay dans le XIXe arrondissement de Paris, avait, à juste titre, fait grand bruit. Ces dernières semaines, les médias ont fortement regretté que l’Argentine ait dit non à l’avortement, se sont émus des nombreux abus sexuels couverts par le Vatican, mais n’ont pas semblé aussi inquiets d’une exaction homophobe, pas loin de chez nous, au bois de Boulogne. Pourquoi ? Parce que les coupables de ces horreurs ne correspondraient pas au profil type du citoyen droitiste catholique et conservateur ? Ou parce que la victime n’était qu’une tapineuse sans-papier d’Amérique latine ? Vanesa Campos a été assassinée pour ce qu’elle était : une prostituée trans. Ce meurtre est un morbide aboutissement de la stupidité de la loi de pénalisation des clients des filles de joies, qui accule ces dernières à tapiner dans des lieux plus reculés, et donc plus dangereux. Il révèle également le clientélisme de trop de nos élus, qui soutiennent les droits des LGBT sur le papier, mais qui dans le fond se moquent de leur sort.



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Enseignant, auteur du roman "Grossophobie" (Éditions Ovadia, 2022).

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