Mon frère arabe / africain / gay / transgenre / ou ce que tu veux,
Ou ma sœur, si ça te chante,
Permets-moi de revenir sur ce que j’écrivais il y a dix jours à propos de Kanata et de Robert Lepage, cet enculé de Blanc, comme tu dirais, qui a eu le culot de faire chanter du blues par des non-Noirs… Qu’à cette aune, le très beau Armstrong de Claude Nougaro est profondément raciste, d’autant que le chanteur toulousain s’est approprié un negro spiritual (Let my people go) chanté justement par… Satch (ou Satchmo, ou Satchel-Mouth, le petit nom de Louis Armstrong, je te le signale au passage, mon frère inculte !). Ah la la, cette abominable « appropriation culturelle »…
Comme le raconte le Vespéral dans l’un de ces articles dont l’ancien journal de Beuve-Méry a désormais le secret, l’ « appropriation culturelle », c’est de la « récupération quand la circulation s’inscrit dans un contexte de domination auquel on s’aveugle » — quoi que cela signifie. C’est du moins ainsi que la définit le sociologue Eric Fassin, interviewé dans le Monde du 24 août par Laura Motet.
Chacun sa route, chacun son chemin…
« Sociologue », en ce moment, cela vous pose un homme. Fassin à l’origine est un ancien élève de l’ENS, titulaire de l’agrégation d’anglais (comme quoi on peut être Normalien, agrégé et prêcheur des lumières noires). Mais il préfère se dire sociologue, — reconverti dans le fourre-tout idéologique contemporain en général et la pensée (un terme un peu excessif, non ?) de Judith Butler (qu’il a préfacée) en particulier. Accusateur au besoin de la laïcité qu’il trouve être un outil islamophobe. Bref, un co***rd de première qui a descendu en flammes le livre d’Hughes Lagrange sur le Déni des cultures (Seuil, 2010). Ce chercheur du CNRS y expliquait qu’il est hypocrite de ne pas voir qu’il y a par exemple un lien entre culture ethnique et délinquance… À une époque où le duel est malheureusement passé de mode, notre idéologue des minorités affligées s’est lancé dans un lynchage médiatique de Lagrange au nom… au nom de quoi, d’ailleurs ?
Réponse ici.
Ecoute bien, mon frère aveugle… mon frère aveuglé…
Picasso qui s’inspire de l’art nègre (on dit comme ça, je suis désolé pour toi et ta sensibilité de petit pois) pour peindre les Demoiselles d’Avignon, c’est très mal — c’est de « l’appropriation culturelle ». Qu’il y ait plus de génie dans l’ongle du petit doigt de Picasso que dans toute l’Afrique n’est pas la question. Il fallait laisser les masques où ils étaient — en fait, il aurait fallu les rapporter en Guinée. En s’excusant.
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Madonna s’habille en négresse blonde (Eric Fassin devrait d’urgence faire interdire le livre de Georges Fourest) aux MTV Video Awards pour rendre hommage à Aretha Franklin ?
Elle manque de « respect » à la grande prêtresse du soul. De toute façon, un Blanc n’a pas à s’habiller en Noir. C’est du néo-colonialisme, n’est-ce pas, mon frère en khonnerie ?
Jamie Oliver propose à sa clientèle un « riz jamaïcain » ? Interdit également. La cuisine blanche doit être ethniquement blanche. Escalope de veau à la crème oui ; boudin créole, non.
Touche pas à ma face
Dans le genre « assignation à résidence », on n’a jamais vu mieux que la déferlante de bêtise qui depuis quelques années envahit mos paysages. Tu es arabe ? Tu le restes. Tu es noir ? Plus question de te blanchir — pas « blanchir » au sens que Michaël Jackson a donné au terme, mais dans le sens « acquisition de la culture européenne ». Cela fournira aux élèves français d’origines diverses une bonne excuse pour ne pas apprendre le français. Interdiction à des descendants d’Africains de fréquenter La Fontaine, Racine ou Laclos. Pour eux, ce sera Calixthe Beyala, qui ne s’interdit pas, elle, de s’approprier tel ou tel Blanc antérieur, Howard Buten ou Charles Williams. Elle a le droit, elle est un ex-colonisée.
Interdiction aussi aux hommes de s’habiller en femmes — et réciproquement. Le Carnaval est terminé. Chacun sa place, chacun ses jupons.
Sinon, comme dit Gloria Jean Watkins (qui signe « bell hooks » pour signifier, dit-elle, que ce qui compte est le contenu, pas le Je que résument les majuscules), nous « mangeons l’Autre ». L’appropriation culturelle est du cannibalisme.
Faim de « race »
« Bond sunk his teeth into the flesh round the spines, bit as softly as he could and sucked hard. The foot struggled to get away. Bond paused to spit out some fragments. The marks of his teeth showed white and there were pinpoints of blood at the two tiny holes. He licked them away. There was almost no black left under the skin. He said, »This is the first time I’ve eaten a woman. They’re rather good. » » (Ian Fleming, Thunderball, 1961)
(Faire l’analyse d’un tel passage est trop facile — c’est ce que j’aime chez Fleming : l’idéologie à l’état pur, sans arrière-pensées ni afféteries stylistiques).
Manger, absorber l’autre, c’est l’aimer, et non le déposséder, imbécile ! Cela fait quelques dizaines de milliers d’années que l’homme fonctionne ainsi : il prend son bien où il le trouve — particulièrement si c’est le bien d’autrui, particulièrement si c’est autrui. « Il ne fait pas bon d’avoir des temples ou des moissons trop dorés », dit Ulysse à Hector pour excuser le pillage prochain de Troie. Que ce soit un individu, une ville ou un continent, le pillage est toujours un hommage. Une preuve d’amour. Une façon de faire allégeance.
Pas du tout, proteste Fassin. « C’est une…
>>> Lisez la suite de l’article sur le blog de Jean-Paul Brighelli <<<
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