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John Wayne, l’homme à abattre

John Wayne n'est pas mort (6/6)


John Wayne, l’homme à abattre
John Wayne dans "Les Quatre fils de Katie Elder" de Henry Hathaway (1965). SIPA. REX43034790_000001

Incarnation de l’impérialisme américain et peu adepte du politiquement correct, John Wayne était et reste un cow-boy à capturer mort ou vif.


Hollywood aurait aujourd’hui deux ennemis : le petit Français et l’arabo-musulman. C’est tout au moins ce qu’affirme dans Hollywar Pierre Conesa, spécialiste des questions géopolitiques et accessoirement fonctionnaire au ministère de la Défense. Notre homme est très préoccupé par le pouvoir de nuisance du cinéma hollywoodien au point d’avoir vu trois mille westerns pour arriver à la conclusion « qu’avec le western, plusieurs générations de spectateurs ont considéré les cow-boys comme des bons et les Indiens comme des méchants. Un véritable génocide, s’appuyant sur un discours raciste et l’existence de camps de déportation appelés ‘réserves indiennes’, a ainsi longtemps disparu de l’histoire. »

Tout ce que le petit Français déteste

Pierre Conesa confirme ainsi la nouvelle doxa : même s’il est incontestablement le meilleur du monde, le cinéma américain porte en lui le virus mortel du racisme et ce n’est pas un hasard si le général Mac Arthur a remercié John Wayne d’avoir aussi bien représenté le soldat américain dans ses films. Sans doute faisait-il allusion à Bérets verts (1968) qui est encore maudit par la presse française pour avoir soutenu l’armée américaine dans la guerre qu’elle menait au Vietnam. Jugé et condamné sans appel, le film Bérets verts, outre qu’il est beaucoup moins manichéen que ne l’ont affirmé ses détracteurs, est un excellent film de guerre. Il est même prémonitoire, n’en déplaise à toute une génération qui rêvait d’assister à la déroute du régime sud-vietnamien enfin conquis par les communistes : le désir de servitude, surtout pour les autres, est décidément une des composantes de l’esprit français. J’avoue que moi aussi dans ma jeunesse j’avais hésité à entrer furtivement dans une salle qui projetait les Bérets verts dont la réputation était aussi exécrable que celle du Juif Süss de Veit Harlan.

Décidément, John Wayne représentait tout ce que le petit Français, aujourd’hui anti-Trump et pro-arabe, vomit. Une histoire qui remonte loin, rappelle Pierre Conesa, puisque déjà en 1930 dans Morocco de Joseph Sternberg, Marlène Dietrich quittait un homme d’affaires français interprété par Adolphe Menjou pour rejoindre un légionnaire américain incarné par Gary Cooper et suivre son régiment dans le désert après avoir jeté ses chaussures à talons. N’évoquons même pas Casablanca, film cultissime de Michael Curtiz sur l’Occupation, où les Français sont tantôt des lâches, tantôt des opportunistes, mais totalement dépourvus d’héroïsme. L’Histoire se répétant, Clint Eastwood en rajoutera une couche dans l’un de ses derniers films : Le 15 heures 17 pour Paris.

Pire encore : les États-Unis grâce à leur arme de propagande massive jouissent d’une virginité perpétuellement renouvelée. Aussi son cinéma survit à toutes les critiques, note avec amertume Pierre Conesa. John Wayne serait-il indestructible ?

A la vie, Alamo

S’il est vrai que John Wayne a tourné dans 83 westerns, c’est bien l’homme à abattre. D’autant que, comme l’affirment certains béotiens, quand on en a vu un, on les a tous vus. Face à ce genre d’abrutis, la Winchester 54 peut être du plus grand secours. Ce qu’il y a de plus étrange, c’est que dans de nombreux westerns, il n’y a pas d’Indiens. Le chef d’œuvre de John Wayne comme réalisateur : Alamo relate l’attaque du fort Alamo au Texas par les troupes mexicaines du général Santa Anna. On est même surpris d’entendre les yankees louer l’élégance physique et morale de leurs assaillants et même d’envier leurs uniformes. On peut d’ailleurs se demander comment des metteurs en scène de l’étoffe de John Ford, de Raoul Walsh, de Howard Hawks, de King Vidor ou de Fritz Lang auraient pu, comme l’affirme avec une mauvaise foi inébranlable Pierre Conesa, se prêter à cette vision génocidaire des Amérindiens. Le cas le plus troublant est celui de La Prisonnière du désert de John Ford épinglé par le procureur Conesa qui aurait eu sa place au procès de Nuremberg, mais qui ne convaincra que ceux qui vouent aux gémonies l’Amérique et qui ignorent ce que fut la conquête de l’Ouest. Sait-il seulement que les pionniers étaient guidés dans l’Ouest par ce que l’on appelait La destinée manifeste (« Manifest Destiny », en anglais), c’est-à-dire par la conviction que les États-Unis ont été élus pour accomplir une mission divine : répandre la démocratie et la civilisation ?

Un bon John Wayne est un John Wayne mort

John Wayne incarne cette mission divine et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles les Républicains américains, au début des années 1960, lui offrirent l’investiture pour l’élection présidentielle. Il hésita avant de proposer son ami Ronald Reagan, déjà gouverneur de la Californie.

Pour être honnête, citons quand même cette interview de John Wayne à Playboy en 1971 qui lui valut bien des ennuis : « Je crois à la suprématie blanche tant que les Noirs ne seront pas formés au point de pouvoir exercer des responsabilités. Je ne pense pas qu’il faille donner des places de direction et de jugement à des gens irresponsables. […] Il y a eu des abus, mais on ne va quand même pas se mettre à genoux devant eux. » Toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Et c’est pourquoi, même près de 50 ans après ce « dérapage » quand les Républicains proposèrent une journée John Wayne pour célébrer le patriotisme, les Démocrates s’y opposèrent. L’aurait-il appris là où il repose à Newport Beach, en Californie, depuis 1979 qu’il se serait réjoui de ne plus vivre dans un monde où l’hypocrisie le dispute au conformisme.

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