Au football, la récupération (du ballon) est un art dans lequel excelle N’Golo Kanté. En politique, celle du football en est un autre, dans lequel se prennent les pieds certains de nos commentateurs préférés…
Il paraît que quiconque est pour le foot s’attire l’approbation des masses ! Selon le consensus de très nombreux experts, le foot, c’est « un peu plus qu’un sport ».
Peu avant le match de dimanche, des esprits chagrins voyaient arriver gros comme un camion la « récupération politique » que l’exécutif pourrait ainsi tirer de la victoire. « Avec moi, ça ne prend pas ces vieux trucs ! », assuraient nos experts et tout journaliste-décrypteur qui se respecte. Alors que le chef de patrouille Yann Barthès est en congés, cette lucidité collective de la profession était à saluer ! Pour calmer le jeu avant la finale, notre pimpant porte-parole gouvernemental Benjamin Griveaux avait même indiqué que si la France gagnait, « le gouvernement n’y [serait] pour rien ». Il ajoutait dans un pur moment de lucidité rustique : « Est-ce que vous pensez que parce que […] nous aurions une issue heureuse à cette finale, les Français […] subitement oublieraient leurs soucis ? » Il n’est pas allé jusqu’à dire qu’il ne regarderait pas le match, mais le résultat lui était apparemment indifférent. « Mais bien sûr ! », comme dirait la bonne dame dans la pub Milka. Reconnaissons-le : dans les faits, la récupération politique est limitée si l’on compare à 1998. Il y a 20 ans, l’ancien président Chirac avait capitalisé sur le succès des Bleus et engrangé 18 points de popularité. De quoi laisser rêveur un heureux possesseur de piscine hors-sol que nous connaissons bien…
Mais c’était plus fort qu’eux : des figures « progressistes » n’ont pas pu s’empêcher de (tenter de) tirer profit de l’exploit sportif. Voici un petit top 5 des meilleures prestations qui ont suivi le coup de sifflet final moscovite :
5. Pascal Boniface
L’impayable directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) estime que la victoire de notre « équipe multiculturelle » est une très mauvaise nouvelle politique pour la « frange la plus identitaire de l’extrême droite » tant elle démontre la capacité de la France à dépasser ses clivages. La tentation du vote d’extrême droite va donc refluer en France, c’est certain.
4. Thomas Porcher
L’économiste chouchou des chaines d’info, d’Arte et de la gauche radicale se met à rêver que nos milliardaires à crampons lancent la révolution contre l’affreuse société libérale. Et c’est Pogba le nouveau Mohamed Ali, donc ?
Comme toutes les récupérations semblent permises, je me mets à rêver qu’un #bleu refuse l’invitation à l’Élysée pour marquer son opposition à la politique de #macron. Celui-là,en plus d’entrer dans l’histoire du sport,deviendrait une légende à la Mohamed Ali.#championdumonde2018
— Thomas Porcher (@PorcherThomas) 16 juillet 2018
3. Barack Obama & Trevor Noha
L’ancien président américain et le comique du Daily Show arrivent ex-aequo en petite finale. Il faut dire que les deux ont eu le crampon particulièrement lourd. Le premier se félicite que bien que « tous ces mecs ne ressemblent pas à des Gaulois, ils sont Français, ils sont Français ! ». Compris, bande de racistes, bande de racistes ?
« Ils ne ressemblent pas à des Gaulois mais ils sont Français «
Quand Barack Obama parle de l’équipe de France, en plein discours d’hommage à Nelson Mandela…
A ecouter, à réécouter, à réréecouter sans cesse. (Video @brutofficiel )#fierdetrebleus
pic.twitter.com/YPHfQAbmv4— MONTAUD Andre pro (@MontaudPro) 19 juillet 2018
De son côté, Trevor Noha ne comprend pas que les Bleus ne puissent pas être Français tout en revendiquant leur « africanité » (après avoir estimé que l’Afrique avait gagné la Coupe du Monde et s’être attiré les foudres des joueurs et de notre ambassadeur…). Et ta soeur ? Aux Etats-Unis, les communautés sont soigneusement séparées par zones façon Sim City 2000 ! Les Français entendent rester encore un peu un peuple uni, si vous le permettez. Non vraiment les amerloques, retournez dans votre pays !
2. Gerard Collomb
Notre ministre de l’Intérieur accède à la finale. Il galère pourtant de plus en plus à recruter de nouveaux flics. Avec son montage croquignolesque de policiers, gendarmes et pompiers en bleu-blanc-rouge, il aimerait que tous les citoyens respectent enfin ces « héros du quotidien » dont il a l’honneur de chapeauter l’action. Le message n’est pas parvenu jusqu’aux Champs Elysées le soir de la victoire.
Ils n’ont pas de crampons et pas de numéro sur leur maillot.
Mais ils portent chaque jour haut les couleurs de la France.
Ce sont, tout simplement, nos héros du quotidien.
Respectez-les, comme vous respectez l’équipe de France.#FiersdetreBleus #FRACRO pic.twitter.com/qCI8wWREza— Gérard Collomb (@gerardcollomb) 15 juillet 2018
1. François Hollande
Sur France Inter, le président normal a partagé sa folle rêverie : « 1998, aujourd’hui… Je ne veux pas faire de comparaison, mais ça montre qu’on peut gagner deux fois. »Au secours ! Se présenter en 2022, il y croit de plus en plus. Champion du monde du message subliminal !
Ce podium ne peut bien sûr faire oublier les récupérations les plus crasses. Celles des identitaires et des indigénistes sur les réseaux sociaux. Les premiers aimeraient chanter « Allez les blancs! » plutôt que « Allez les bleus! ». Les seconds passent leur temps à mettre en avant les « origines » de tel ou tel joueur tricolore et à fantasmer une revanche sur un pays qu’ils qualifient de « néocolonial ».
Je vais suivre les conseils d’Elisabeth Lévy et éteindre mon smartphone quelque temps.
Elisabeth Lévy: « Il faut réapprendre aux êtres humains à ne pas vivre à travers leur téléphone » #Droitdequestion @Polony_tv @Causeur pic.twitter.com/4HgsR5CYG4
— Causeur (@Causeur) 25 juin 2018
Et continuer d’admirer la seule récup’ qui trouve grâce à mes yeux : celle qui s’affiche aux fenêtres de nos immeubles, recouvertes de drapeaux de différentes factures et de toutes tailles récupérés à droite et à gauche.
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