Avec L’Autre, le philosophe Dominique Quessada achève un cycle commencé il y a vingt ans. S’il pense que la conceptualisation forcenée de l’Autre a permis les génocides du XXème siècle, l’auteur espère que son obsolescence programmée annonce une humanité plus fraternelle. Une analyse brillante mais contestable.
Les lecteurs motivés qui emporteront le dernier essai de Dominique Quessada à la plage seraient bien inspirés de se prêter d’entrée au petit exercice de méditation qui leur est proposé à la fin de l’ouvrage. Je dis « méditation » car l’état d’inséparabilité décrit comme une promesse inédite présente de curieuses ressemblances avec des expériences du même type, d’ordre spirituel ou poétique. Est-ce la preuve qu’on ne se débarrasse pas si facilement des structures mentales héritées du vieux monde, ou cela tend-il à démontrer que « l’ontologie de l’inséparabilité » dont l’auteur est depuis bientôt vingt ans le défenseur talentueux et obstiné, était déjà en fait l’une des composantes de la vision du monde dont la disparition est annoncée ? Et si, progressant ensuite dans votre lecture, vous voyez le face-à-face initial avec votre voisin(e) de plage se transformer en côte à côte où personne n’est plus l’Autre de l’Autre, c’est que vous aurez rapidement progressé sur la voie de l’inséparabilité.
Difficile d’ailleurs de dissocier ce nouvel essai des quatre autres déjà publiés[tooltips content= »La Société de consommation de soi (1999), L’Esclavemaître (2007), Court Traité d’altéricide (2007), L’Inséparé : essai sur un monde sans Autre (2013). »]1[/tooltips], l’auteur reconnaissant lui-même qu’il s’agit là d’un « chemin en cinq étapes » et parlant d’un « cycle » au sein duquel ce dernier livre jouerait donc le rôle de clé de voûte qui, posée en dernier, assure la solidité de l’édifice. On s’étonne dès lors moins de voir revenir au premier plan un concept – l’Autre – qui jouait déjà un rôle prépondérant dans les précédents essais : « L’Autre est (tout) ce dont nous sommes séparés », lit-on dans L’Inséparé. Tout n’avait-il donc pas déjà été dit alors même que la
