Il est parfois mal vu de se référer au « réel ». Surtout lorsqu’il s’agit de dénoncer la perte d’identité de la France et de l’Europe confrontées au péril migratoire. On devrait pourtant avoir le droit de dire ce que l’on voit.
Alors que paraît en France le livre magistral du lanceur d’alerte Douglas Murray (L’Étrange suicide de l’Europe) – chargé de « réel » de la cale au pont comme un bateau de sa cargaison – des esprits subtils ironisent sur le fait qu’on puisse encore se référer au « réel » comme à une sorte de mètre-étalon. Tandis que la diversité animale s’appauvrit, l’espèce humaine produirait même une variété nouvelle de chantres obstinés du réel. Ainsi verrait-on déambuler dans les mornes plaines de la stupidité humaine quelques spécimens particulièrement inquiétants de l’homo reactus reprenant à leur compte, mais en les retournant, les postures intellectuelles d’homo festivus[tooltips content= »Figure de l’individu « festif » postmoderne dans l’œuvre de Philippe Muray. »]1[/tooltips] qui aurait ainsi muté en son contraire, selon des lois anthropologiques encore mal connues. Est-ce donc festivus qui, las de ses jeux infantiles, se serait transformé en reactus ; ou ce dernier était-il tapi dans l’innocence apparente de festivus ? Une enquête devrait être menée sur ce passionnant sujet !
Peut-on réagir sans être « réactionnaire » ?
Toujours est-il que reactus – figure postmoderne du « réactionnaire » on l’aura compris – serait à la fois l’idiot dont on se moque, et le parfait salaud dont il conviendrait de débarrasser la planète. N’est-il pas d’ailleurs un archaïsme dont témoigne le vocabulaire employé pour le désigner, et qui sent bon le xixe siècle épris de taxinomies et soucieux de hiérarchiser les espèces ? Qui est en effet reactus sinon un « homme » qui, infidèle à sa vocation de sapiens, se serait recroquevillé sur lui-même et désespérément accroché, comme la moule à son rocher, à un amalgame de fantasmes personnels qu’il prend pour le réel ? Un homo erectus en débandade en somme ou, ce qui ne vaut guère mieux, un nostalgique du « pays réel »
