Accueil Culture Alain Finkielkraut: « Nous étions fiers d’habiter un monde où Philip Roth était vivant »

Alain Finkielkraut: « Nous étions fiers d’habiter un monde où Philip Roth était vivant »

L'essentiel d'Alain Finkielkraut dans L'Esprit de l'escalier


Alain Finkielkraut: « Nous étions fiers d’habiter un monde où Philip Roth était vivant »
Alain Finkielkraut, 2017. Photo: Hannah Assouline

L’essentiel du mois d’Alain Finkielkraut dans L’Esprit de l’escalier


La migraine du en même temps 

Tout au long du très long entretien accordé par le président de la République aux journalistes Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, j’ai été ballotté entre des sentiments contradictoires. Emmanuel Macron m’a impressionné par son sang-froid, sa connaissance des dossiers, son esprit de repartie, son refus de céder le moindre pouce de terrain à ses intervieweurs, et ceux-là m’ont mis hors de moi. J’écumais, je tempêtais, je grimpais sur le canapé, je me rasseyais, je marchais de long en large, je me réfugiais dans la cuisine, je revenais devant l’écran car je ne pouvais pas supporter leur morgue et leur partialité. « Emmanuel Macron », disaient-ils en se léchant les babines, comme si c’eût été faire preuve d’obséquiosité que de l’appeler « Monsieur le président de la République ». Nous l’avons élu lui, et ils croyaient, en le privant de son titre, accomplir un immense progrès démocratique. Quel contresens ! Ils prenaient leur goujaterie pour une application du principe d’égalité. Et puis, ils étaient mandatés pour interroger le chef de l’État. Nous voulions, par leurs questions, être éclairés sur sa politique, mais Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin avaient un autre agenda en tête. Ils ont remplacé les questions par des accusations et des déclarations. Ce n’était pas une interview, c’était un interrogatoire de garde à vue, et les deux compères étaient tout fiers de leur exploit. Eux, au moins, ils ne cirent pas les pompes de Jupiter ! Comme s’il n’y avait, pour les médias, qu’un choix possible : être un lèche-cul ou être un pitbull. Si les journalistes succombent à cette alternative, c’en est fini de leur métier. Emmanuel Macron est sorti avec les honneurs de cette épreuve pénible, mais pourquoi se l’est-il et nous l’a-t-il infligée ? Il voulait casser la routine des rendez-vous présidentiels et montrer sa détermination, mais, ce faisant, il s’est lui-même incliné devant la nouvelle règle de la civilisation du spectacle : plus ça saigne, plus ça fait de l’audience. Non, décidément, il ne fallait pas donner les clés de cette émission au patron de Mediapart et à son acolyte même si c’était pour leur river leur clou.

A lire aussi: Alain Finkielkraut commente le manifeste « contre le nouvel antisémitisme » et l’interview présidentielle

Emmanuel Macron a dit, à un moment donné, que le port du voile dans l’espace public heurtait le sens français de la civilité. Il reconnaissait ainsi l’existence d’une culture française et le droit pour celle-ci de persévérer dans son être. Cette critique implicite du candidat par le président m’a réconforté. Ma joie cependant a été de courte durée. Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron accueillait Justin Trudeau à l’Élysée et il s’est proposé de faire triompher avec celui-ci les idées progressistes dans le reste du monde. Or, qu’est-ce que le progressisme pour le Premier ministre canadien ? C’est le sacrifice de l’identité à l’accueil de l’Autre sous tous ses atours, dont le voile intégral. Nicolas Sarkozy était


Article réservé aux abonnés
Pour lire la suite de cet article et accéder à l'intégralité de nos contenus
Formule numérique dès 3,80€
Déjà abonné(e)  ? Identifiez-vous

Juin 2018 - #58

Article extrait du Magazine Causeur




Article précédent Rinaldi, immortel impénitent
Article suivant Non aux bébés sur catalogue!
Alain Finkielkraut est philosophe et écrivain. Dernier livre paru : "A la première personne" (Gallimard).

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération