Apprécié des Français, rejeté par la gauche: Gérard Collomb se démarque des autres ministres par un bon sens et une franchise… très lyonnais.
La foudre moralisante et les imprécations idéologiques s’abattent, depuis quelques temps, sur l’atypique ministre de l’Intérieur Gérard Collomb. En particulier à l’occasion de sa récente déclaration du 26 mai sur l’autoproclamée « marée populaire » de gauche annoncée avec pertes et fracas, et dans la probable amertume vexée de ce qui ne s’avéra être au final qu’un petit clapotis printanier, loin des houles de solstice tant espérées.
« Si on veut garder demain le droit de manifester, qui est une liberté fondamentale, il faut que les personnes qui veulent exprimer leur opinion puissent s’opposer aux casseurs et ne pas, par leur passivité, être complices de ce qui s’est passé ». Les principaux leaders de gauche n’ont pas digéré cette énonciation de parfait bon sens au sujet des violences devenues désormais systématiques « en marge » des manifestations.
La gauche à dos
Il n’en fallait pas davantage pour que l’ancien maire de Lyon ne se retrouve désigné comme paratonnerre de la contestation et victime idéale de l’inévitable procès en sociale-traîtrise qui pend au nez de tous les anciens membres de la gauche qui ont décidé de rallier le projet macronien. De Clémentine Autain à Alexis Corbière en passant par Olivier Besancenot, de Benoît Hamon à Jean-Luc Mélenchon, à Olivier Faure ou tant d’autres, relayés par de nombreux médias tout heureux de retrouver leurs repères idéologiques traditionnels, ils sont venus, ils sont tous là, dans un grand concours d’adjectifs imprécateurs : déclarations « irresponsables, scandaleuses », personnage « dangereux, pas à la hauteur », le quotidien Libération n’hésitant pas à se lâcher totalement en parlant de « logique milicienne » (bruits de bottes, heures sombres et tout le toutim), tous accusant l’ancien baron du PS de vouloir remettre en cause le droit de manifester, feignant, dans une grande compétition de mauvaise foi qui ne trompe tout de même pas grand monde, de ne pas comprendre ce qui a été exprimé.
Que des centaines de manifestants scandent, le samedi 26 mai, « tout le monde déteste la police ! » en parfaite osmose avec les fameux black blocs qui les avaient rejoints dans le cortège, puis réclament ensuite en pleurnichant la protection régalienne des fameux policiers tant honnis, a pourtant quelque chose d’assez savoureux, à la manière d’une colère infantile de petit bonhomme tapant de ses petits poings rageurs les jambes de ses parents dont il attend à la fois le défi, la punition et la protection.
La chienlit ? Très peu pour lui
Il ne s’agit pourtant évidemment pas de retirer la protection des forces de police, particulièrement dignes et mesurées dans leur usage de la force et dont les techniques de maintien de l’ordre sur ce genre de manifestations sont un modèle pour les polices du monde entier (il faut dire que nous avons de l’entraînement). Il s’agit simplement de rappeler les services d’ordre syndicaux à leur devoir historique et réglementaire en la matière, le maintien de l’ordre dans les cortèges faisant partie des engagements de tout organisateur de ce genre d’événements lors du dépôt de la déclaration en préfecture. Il s’agit également de mettre toute une partie de la gauche contestataire devant ses responsabilités idéologiques : attiser la violence ; faire monter les provocations ; procéder à des pendaisons d’effigies du personnel gouvernant, à des bûchers, à des exécutions de mannequins présidentiels avec des balles en pleine tête ; tolérer des affiches où l’on voit le président Macron en habits SS avec en brassard le drapeau d’Israël ; appeler à la convergence des luttes,… Tout ceci est bien joli, mais alors il faut apporter par les faits la preuve que cette fameuse violence soi-disant uniquement symbolique n’a de facto aucun effet de violence réelle, au lieu de se récrier et de monter sur ses grands chevaux à chaque fois que quelqu’un ose en faire le reproche ou la simple remarque.
Les organisations syndicales, elles, sont dans le fond bien conscientes du problème soulevé par le ministre de l’Intérieur, elles dont les services d’ordre, notamment ceux, réputés, de la CGT ou de FO, ont été souvent violemment pris à parti par les manifestants de l’ultra-gauche radicale depuis les cortèges de 2016 contre la loi Travail aux cris de « S.O collabos », « SO-police même combat ». Les syndicats, qui sont bien moins prompts à jouer la carte de l’instrumentalisation politicienne et idéologique de ces conflits, savent depuis longtemps combien ces débordements nuisent à leurs revendications ainsi qu’à leur popularité, syndicats qui travaillent depuis belle lurette autant que faire se peut avec les forces de l’ordre en amont des manifestations les plus importantes.
Mais ces mouvements de violence désormais rituelle lors des contestations de rue ne semblent désormais plus marginaux, en quelque sorte enkystés qu’ils sont dans le mouvement de contestation lui-même, ou dans sa forme, et paraissent difficilement contrôlables du moins tant qu’on ne s’en donnera pas les moyens politiques, après des années de mansuétude des exécutifs (soit par atavisme idéologique à gauche, soit par crainte de commettre une erreur fatale à droite),et se retrouvent de facto prisés idéologiquement par une partie de la gauche dans le cadre du fantasme de la convergence des luttes.
Un hommage signé Yann Moix
Tous ces patafoins semeurs de troubles, et pour le coup réellement irresponsables, ne sont pas du goût de notre Lyonnais pragmatique, Gérard Collomb, qui, en bon Lyonnais, n’aime rien tant que lorsque les choses avancent et qu’elles avancent dans l’ordre. Le chaos prométhéen des révolutionnaires et la démesure des militants radicaux, ce n’est sûrement pas la tasse de thé de cet infatigable réformiste qui se revendique en marge des grosses machineries idéologiques du PS depuis des décennies, rocardien et réaliste.
A vrai dire, cela fait un moment que l’ancien maire de Lyon est dans le collimateur de la gauche ou de l’ultra-gauche, lui qui ne cesse d’aligner les déclarations de bon sens sur les sujets les plus incandescents et sur lesquels règnent depuis longtemps les « logiques » les plus absurdes : qu’il s’agisse de trouver « choquant » le voile islamique d’une présidente de l’UNEF, de voler au secours de régions « submergées » par les flux de demandeurs d’asile, de tourner son nez en excellent connaisseur des collectivités locales – lui qui en fut et demeure l’un des barons – au sujet de la très contestée limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes nationales, qu’il s’agisse de défendre sa loi antiterroriste à l’automne dernier en faisant passer avec pragmatisme dans le droit commun ce qui figurait auparavant comme un droit d’exception, qu’il s’agisse de défendre sa loi Asile et Immigration contre une gauche vent debout sur son grand cheval de prédilection, le numéro 2 du gouvernement ne lâche rien, ne cède sur rien, imperturbable dans sa vision réaliste de l’ordre social, laquelle a très largement fait ses preuves en métropole lyonnaise.
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Celui qui a été intronisé par l’inénarrable Yann Moix « ministre de la matraque et de la barbarie » (rien que ça) et qui a judicieusement renforcé les contrôles aux frontières après l’action coup de poing des jeunes identitaires au Col de l’Echelle, n’en démord pas et trace sa route, bénéficiant de la confiance inébranlable de celui qu’il fut le premier à soutenir dans son invraisemblable projet élyséen, et alors que personne n’y croyait.
Collomb, un bon sens qui déroute
Son absence de charisme, son éloquence proche de celle de Bourvil et qui laisse peu transparaître en lui l’agrégé de lettres classiques qu’il est pourtant, le situent aux antipodes des bêtes médiatiques qui l’ont précédé à Beauvau, les Sarkozy, Valls et autres Cazeneuve, forts en gueule, doués en coups de menton, portant beau et maîtrisant la communication. C’est qu’à ce type de personnages, Gérard Collomb oppose la « Plaisante sagesse lyonnaise », en petit diseux et grand faiseux : « Pour tant qu’à parler, tout le monde y sait faire ; mais pour tant qu’à besogner, faudrait voir », lui qui déclarait « l’incantation, ça ne change pas le quotidien des Français ».
Symbole, pour toute une partie de la gauche – celle-là qui n’aime rien tant que le déni de réel – d’un insupportable pragmatisme, symbole également de ce qui apparaît à certains comme une intolérable « droitisation » de la politique macronienne sur les questions fondamentales, pour les Français, de la sécurité et de l’immigration, éloigné des logiques nationales d’appareil qui le lui ont bien rendu pendant des décennies, Gérard Collomb s’est installé grâce à ses propos et positionnements de bon sens parmi les personnalités du gouvernement les plus appréciées des Français, tandis que la droite se retrouve bien embarrassée à devoir, pour des raisons politiciennes et en parfaite gestion de sa mauvaise foi, faire mine de critiquer un ministre dont elle aurait toutefois bien du mal à expliquer en quoi son action ou ses déclarations ne la satisferaient pas minimalement, sauf à dire, ce qui est le jeu, qu’il n’en fait évidemment pas assez, tout en feignant de ne pas savoir qu’il peut difficilement en faire davantage en pareil contexte miné.
Pour toutes ces raisons, ce ministre de l’Intérieur est indispensable au dispositif exécutif macronien, aussi parce que Lyon fait figure de laboratoire pragmatique du macronisme depuis longtemps et bien avant l’heure, avant que le macronisme n’existe, parce que la fidélité en politique possède quelques vertus, parce que les Français veulent des actes et n’ont plus grand intérêt pour les imprécations de la politique à l’ancienne, parce que le ministre, aussi peu éloquent soit-il, est nécessaire à paralyser une partie du discours critique de la droite, contraignant ce dernier à se radicaliser (n’oublions pas que Laurent Wauquiez demeure son premier adversaire au plan régional), pour toutes ces raisons et malgré la fronde idéologique de circonstance, Gérard Collomb est contre toute attente, avec Jean-Michel Blanquer, le maillon fort de cet exécutif et va continuer longtemps (sauf imprévisible boulette de taille) à bénéficier de la confiance de celui pour l’élection duquel il n’a ménagé ni sa sueur, ni ses larmes, lesquelles sont restées dans toutes les mémoires.
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