Accueil Édition Abonné Avril 2018 Sarah Halimi : autopsie d’un crime antisémite

Sarah Halimi : autopsie d’un crime antisémite

Noémie Halioua brise l'omerta: l'assassinat de Sarah Halimi n'est pas l'acte d'un déséquilibré


Sarah Halimi : autopsie d’un crime antisémite
Noémie Halioua, journaliste à l'hebdomadaire Actualités juives. Crédit photo Hannah Assouline.

L’assassinat de Sarah Halimi pendant l’entre-deux-tours de la dernière élection présidentielle a longtemps été considéré comme l’acte d’un déséquilibré. Brisant l’omerta, la journaliste Noémie Halioua établit le caractère antisémite de ce crime islamiste. La justice vient de lui donner raison.


En juin 2017, Noémie Halioua, journaliste à l’hebdomadaire Actualités juives, exposait sur le site Causeur.fr les premiers résultats de son enquête sur le meurtre de Sarah Halimi, une juive orthodoxe de 65 ans, torturée et défenestrée de son appartement du 11e arrondissement de Paris dans la nuit du 4 au 5 avril 2017. Son assassin est un voisin, Kobili Traoré, un Franco-Malien de 27 ans, petit délinquant multirécidiviste, toxicomane, fréquentant régulièrement la mosquée voisine de tendance salafiste de la rue Jean-Pierre-Timbaud.

Ouf ! c’est un dingue, on zappe

Il est arrêté sur les lieux de son crime par les policiers de la BAC appelés par les voisins, mais qui n’étaient pas intervenus, les hurlements de Traoré, tourmentant sa victime aux cris de « Allahou Akbar ! » les ayant dissuadés de pénétrer dans l’appartement. Craignant de se trouver face à un terroriste lourdement armé, ils ont attendu l’arrivée de leurs collègues de la BRI, entraînés et équipés pour ce genre d’opération. Ce choix s’est avéré fatal pour la victime, qui avait déjà été frappée de plusieurs coups de couteau, mais était encore vivante lorsque Traoré l’a précipitée du haut de son balcon.

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Pendant plusieurs mois, la thèse du crime commis par un déséquilibré a prévalu dans les médias, confortée par une instruction judiciaire qui n’avait pas retenu le caractère antisémite de ce crime et avait placé Traoré en hôpital psychiatrique, après qu’il eut été jugé par un médecin inapte à être interrogé par la police. L’Affaire Sarah Halimi, de Noémie Halioua, poursuit cette enquête, nourrie d’entretiens avec un grand nombre de protagonistes : la famille, les voisins, les avocats, les journalistes ayant eu à la traiter, des responsables de la communauté juive. Ce texte précis, nerveux, sans grandiloquence, est implacable dans son exposé du mécanisme de déni collectif : ce crime atroce a une composante antisémite évidente, en dépit de la volonté du criminel de se présenter comme un délirant habité par un « sheitan », un diable abolissant son discernement. Pendant dix mois, la juge d’instruction chargée de l’affaire, soutenue par le procureur général de Paris, François Molins, a refusé d’appliquer à l’acte de Kobili Traoré la charge aggravante de crime de haine antisémite. Les mises en garde contre une qualification trop rapide de ce crime – formulées à l’adresse de la rue juive par des responsables de la communauté juive, Francis Kalifat pour le CRIF et Joël Mergui pour le Consistoire, informés par le procureur Molins de l’état du dossier quelques jours après les faits – deviennent prétexte, pour les grands médias, à classer ce crime dans la case des faits divers urbains. Ouf ! c’est un dingue, on zappe.

Pas de crime antisémite pendant la présidentielle !

Nous sommes alors, rappelons-le, entre les deux tours d’une élection présidentielle, avec une bête immonde présente au second tour, à laquelle il ne faut surtout pas fournir de grain islamophobe à moudre. La palme de l’aveuglement revient à Claude Askolovitch qui, trois jours après le crime, expose doctement sur Slate.fr que le problème n’est pas l’antisémitisme radical dans lequel baignent nombre de ses amis musulmans, mais la paranoïa communautariste des juifs de France.

Grâce à Noémie Halioua, et à d’autres hommes de bonne volonté comme Michel Onfray et Luc Ferry, peu suspects de communautarisme exacerbé, la justice s’est, enfin, résolue à appeler un chat un chat et un crime antisémite par son nom.

 

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Avril 2018 - #56

Article extrait du Magazine Causeur




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