C’est parti mon kiki pour le catalogue des propositions de François Hollande 2012. Autant le dire, je n’ai pas encore tout disséqué dans le détail. Je me suis contentée de lire dans Le Parisien de ce matin l’exclusivité du dévoilement du programme du candidat socialiste.
Première chose, voir ça en une du Parisien – quotidien autoproclamé populaire et de proximité – révèle une chose : la gauche souhaite vraiment renouer avec les classes populaires. Pas juste avec des slogans comme lors du discours du candidat au Bourget dimanche dernier.
Et puis j’ai regardé la liste, et une grande perplexité s’est saisie de moi au comptoir de mon bistrot habituel. A qui parle vraiment le programme socialiste ? A quels électeurs, pour dessiner quelle France ?
D’un côté, on parle revalorisation des allocations, sanction pour les villes qui n’ont pas assez de logements sociaux. De l’autre, on va taper sur les plus riches à coup de tranche d’impôts supplémentaires (je n’y vois pas d’inconvénients) ou sur les banques. On sanctuarise les PME, on achève les vilaines multinationales qui ne payent pas d’impôts sur les sociétés. C’est toujours séduisant.
Mais il y a comme un trou noir intersidéral entre les deux maillons de la chaîne. Un trou noir qu’on peut appeler les classes moyennes, ou populaires supérieures, enfin les Français moyens. Ceux qui gagnent entre une fois, deux fois le smic ou un peu plus, vivent en province et ne demandent rien. Ceux qui ne vont pas voir leur député quand ils ont un problème de maison de retraite pour leurs vieux parents, ni ne font jouer des hypothétiques pistons à l’inspection d’académie quand leur gosse déconne à l’école. On pourra m’opposer sans doute que ces gens-là n’existent que dans ma mémoire de française moyenne provinciale. Mais il se trouve que j’en connais – et beaucoup. Qui voteront peut-être à gauche, ou ne voteront pas. Parce que la rénovation urbaine, ou l’allocation rentrée scolaire, ils s’en foutent. Et que les banques, ils veulent bien qu’on les tape, mais que ça ne change pas le prix du caddie au Leclerc du coin le samedi.
Je ne sais pas si on peut leur parler pendant une campagne présidentielle. Je crois que Sarkozy avait réussi avec son « travailler plus pour gagner plus », qui ne veut plus rien dire quand on gagne 1200 euros et qu’on doit faire un plein d’essence à 78 euros toutes les semaines pour aller « gagner plus ». Je ne suis pas sûre que tout le monde ait voté à droite pour autant, mais ça donnait un élan, un signe qu’on soit d’accord ou pas.
Aujourd’hui, François Hollande peut avoir la main pour remettre un certain nombre de valeurs en balance et promettre à ces catégories qui font la France que ça devrait aller mieux demain. Moyennant quoi, on vend des allocs et de l’ISF. Les pauvres d’un côté, les bobos de l’autre… Et surtout qu’on ne touche pas à l’Europe de Jacques Delors. La Sainte Union Européenne qui va tout régler, assurer la prospérité et la sécurité de tous en cinq ans, là où elle n’a pas pu faire grand chose – restons polie – en plus de vingt-cinq années. Il suffira de négocier des nouveaux traités, des nouveaux accords avec l’Allemagne. Pas un mot non plus sur la mondialisation, qui se résume à une asymétrie du commerce mondial en défaveur de cette zone soi-disant favorisée qu’est l’Europe de l’Ouest.
Ce qui est somme toute assez paradoxal quand, dans le même temps, on envoie Montebourg parler réindustrialisation, fermetures d’usines, protectionnisme et made in France partout dans le pays. La démondialisation, cette arme électorale à destination du Français moyen se retrouve engloutie, dans le Blédina programmatique du candidat socialiste. Par charité, je ne reviens même pas sur le vote des étrangers aux élections locales, le mariage et l’adoption gay, ou la décentralisation avec une étape supplémentaire, qui pourraient être soutenables si par ailleurs le minimum syndical était assuré.
On me dira, tout s’amende, se corrige, se règle en fonction des circonstances et des mises en garde des uns ou des autres. Malheureusement, ou heureusement pour les socialistes, le bon air du sommet des sondages permet de dire des conneries à longueur de journée sans trop se poser de questions.
Mais faîtes gaffe, néanmoins, mes chers amis experts socialistes qui avez fait l’ENA quand la culture générale n’était pas encore un gros mot à Sciences Po. Souvenez-vous de la roche Tarpéienne, du Capitole et toussa toussa…
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