Depuis la sortie de leur livre commun en 2012, le géopolitologue et le rappeur batifolent de conférences en salles des fêtes. Invités réguliers du Parti communiste, les deux larrons qui se disent persécutés dénoncent bruyamment « l’islamophobie » de la France « laïcarde ». Tout un programme…
Le premier a 62 ans. Docteur en droit, il dirige l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Il a été conseiller ministériel de Jean-Pierre Chevènement et de Pierre Joxe dans les années 1980, administrateur de l’Institut des hautes études de défense nationale, membre du Conseil consultatif pour le désarmement des Nations unies… Le second a 35 ans. Né de parents algériens ayant vécu pratiquement toute leur vie en France, il est devenu rappeur. Ensemble, ils ont signé un livre d’entretien sur l’islam en France, intitulé Don’t Panik, paru en octobre 2012 aux éditions DDB.
« Si j’applique la Charia, les voleurs pourront plus faire de main courante »
Don’t Panik était également le titre d’une chanson de Médine Zaouiche, appelant à dépasser les préjugés sur les musulmans. Le rappeur a signé un titre nettement moins consensuel en 2015, Don’t Laïk : « Crucifions les laïcards comme à Golgotha. Si j’applique la Charia, les voleurs pourront plus faire de main courante. Ils n’ont ni Dieu ni maître, à part maître Kanter, je scie l’arbre de leur laïcité avant qu’on le mette en terre ; Marianne est une Femen tatouée “Fuck God” sur les mamelles… », etc.
Médine Zaouiche figure dans un manuel scolaire d’histoire Nathan pour classe de terminale. Sa chanson 17 octobre est utilisée comme document pour étudier la répression sanglante d’une manifestation d’Algériens à Paris, en 1961. L’entregent de Pascal Boniface, qui a publié chez Laffont et à La Découverte (groupe Editis, comme Nathan), a probablement joué dans ce choix audacieux.
Imposture ? Oui, mais pas celle qui vient immédiatement à l’esprit. Médine Zaouiche n’est pas du tout un rebelle lancé dans le faubourg Saint-Germain par un Pascal Boniface en roue libre. Le rappeur dénonce un anti-islamisme primaire qu’il ne subit pas. Il est invité partout. Fête de l’Huma 2014, conférence de l’Alfred Deakin Institute for Citizenship and Globalisation en Australie en 2016, Normale Sup en 2017, à l’initiative d’une association d’étudiants, etc. Par ailleurs, il est en très bons termes avec la mairie PCF de Gonfreville-l’Orcher, près du Havre. Elle met des studios à la disposition de son label, Din Records, par l’intermédiaire de l’association Plug’in. Dès le début, Din Records avait pourtant annoncé la couleur, qui n’était pas marxiste, ni même laïque. « Ce qui nous relie au sein du label, expliquait en 2005 un des créateurs au site musulman SaphirNews, c’est la religion. C’est ce qui nous cimente, c’est notre garde-fou. C’est beaucoup plus facile avec des gens qui ont les mêmes objectifs que toi. »
« Est-ce que c’est parce qu’il s’appelle Médine et qu’il est musulman ? »
Médine Zaouiche est par ailleurs dirigeant d’un club de boxe, Don’t Panik Team, subventionné chaque année par la Ville du Havre (13 530 euros exactement en 2016). Le père de Médine, Abdel Zaouiche, était semi-pro dans les années 1980. Il entraîne désormais Amina Zidani, championne de France 2017. Il avait lui-même créé une branche boxe au centre social du Havre. C’était un des piliers de l’animation socioculturelle, à la grande période où la ville était PCF. Le Havre a basculé à droite en 1995, mais son fils Médine, qui a partiellement repris le flambeau, reste plutôt bien traité. Pas assez toutefois aux yeux de Pascal Boniface, qui s’est fendu en octobre 2012 d’une lettre ouverte en forme de remontrance au maire du Havre, coupable, à ses yeux, de ne pas accorder à Médine Zaouiche toute l’importance qu’il méritait. Morceaux choisis de la leçon de Pascal Boniface à un élu local de second rang nommé… Édouard Philippe : « Vous êtes un jeune parlementaire de l’UMP (…). Permettez-moi de vous dire que je ne comprends pas vraiment votre attitude. Vous avez dans votre ville un artiste extrêmement populaire (…). Tout serait réuni pour qu’à votre tour, vous le reconnaissiez comme l’un des ambassadeurs de votre cité. (…) Est-ce que c’est parce qu’il s’appelle Médine et qu’il est musulman ? Est-ce parce qu’il est barbu ? (…) Toutes ces raisons devraient au contraire vous conduire à en faire un exemple pour vos concitoyens. Avez-vous étudié les textes de Médine ? » Au-delà de sa condescendance (que l’auteur regrette sans doute depuis juin 2017…), la lettre ouverte du directeur de l’IRIS pose question. Jusqu’à quel point certains discours, censés remonter spontanément des quartiers, sont-ils formatés par des intellectuels, choisissant sur casting des porte-parole turbulents, mais pas trop, et réclamant pour eux de l’argent et de la visibilité ?
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